Opposant à la construction d’incinérateur dans sa région, Alain Laffont a participé au lancement de la Coordination Nationale Contre l’Incinération des Déchets Ménagers. Il s’agit d’un regroupement d’associations de toute la France qui milite pour une sortie de l’incinération.
A l’heure actuelle, où en sommes-nous en France de l’incinération des déchets ?
On compte 129 incinérateurs dans le pays et la France est le pays d’Europe où il y en a le plus. Ils se trouvent presque partout sur le territoire. Ces derniers sont surtout exploités par des grandes entreprises comme Veolia et Suez Environnement. Ils posent un problème méconnu de santé publique et menacent l’environnement. Plus de 450 associations viennent de se regrouper dans Coordination Nationale Contre l’Incinération des Déchets Ménagers. Au nom de raisons d’ordre sanitaire, environnementales et économiques.
Quels sont les effets sur la santé ?
Pendant longtemps, les effets sur la santé des rejets polluants des incinérateurs ont été, au mieux minorés et négligés, au pire ignorés. Et ceux qui alertaient sur les conséquences de ces pollutions n’étaient pas pris au sérieux. Or, une étude de l’Institut Nationale de Veille Sanitaire (INVS) sur près de 2,5 millions de personnes qui habitent à proximité d’une installation vient de montrer que les populations qui vivent à proximité développent 7 à 8% plus de cancers que la moyenne nationale.
Les rejets toxiques des incinérateurs sont à l’origine de cancers des tissus mous, comme ceux du poumon, de cancer du sein ou encore de myélomes, plus communément désignés comme des cancers du sang. La durée de vie des molécules est longue et les effets n’apparaissent parfois qu’à très long terme, ce qui rend difficile de le mettre en évidence.
Aujourd’hui, des progrès ont été accomplis dans la réduction des rejets toxiques grâce à des normes plus contraignantes et des filtres de meilleure qualité. Cependant, rien ne garantit une diminution de la cancérogenèse parce qu’y compris de faibles doses peuvent être nocives. ET en plus, lorsque plusieurs molécules sont mélangées, leurs effets s’accroissent. Or, les incinérateurs rejettent plus de 80 molécules différentes. Il faudra attendre une autre étude épidémiologique à long terme pour évaluer ces effets combinés.
Quels sont les effets sur l’environnement ?
En termes environnementaux, il est aberrant de brûler ce qui pourrait être recyclé. Surtout au moment où la consommation de ressource sur la planète excède ce que la planète génère naturellement. Sans compter le fait que les polluants émis par les incinérateurs restent longtemps dans la nature. Au fond, à bien y regarder, un incinérateur c’est une fabrique de poisons. Il faut polluer pour acheminer les déchets, les fours rejettent des polluants.
Enfin, l’incinération ne détruit pas totalement les déchets puisque toute la matière n’est pas entièrement brûlée : elle est transformée en mâchefer ou en cendres. Il reste parfois 30% de résidus qui finissent le plus souvent en décharge.
Il subsiste également des risques d’accident. Par exemple, en 2005, l’incinérateur de Gien a connu un dysfonctionnement dans son système de filtrage et a rejeté durant 6 mois des polluants dans des doses 2000 fois supérieures aux normes en vigueur.
Et, en terme économique ?
L’incinération coûte cher. Il faut transporter les déchets, alimenter les sites. Les contrats avec les entreprises prévoient la fourniture d’un minimum de combustible à brûler et contraignent les communes à aller chercher ailleurs les déchets pour alimenter les fours. A Clermont-Ferrand, par exemple, l’entreprise demande 37 euros pour brûler une tonne de déchets, or le coût d’amortissement se situe à 48 euros. Qui va payer cette différence ? Au final, très certainement le contribuable.
Comment sortir de l’incinération ?
Il va falloir forcer les élus, en particulier les parlementaires, à prendre leurs responsabilités. Nous, à la coordination, envisageons d’agir comme un lobby, c’est-à-dire en allant les chercher à l’Assemblée.
Nous souhaitons tout d’abord l’arrêt de toute nouvelle implantation d’incinérateur. Ensuite, nous verrons combien il est possible d’en fermer. La Coordination compte publier assez rapidement des rapports sur les effets sanitaires et sur le coût de l’incinération. Nous fournirons également une évaluation du coût de sortie de cette méthode de gestion des déchets afin de donner aux citoyens des informations.
Il faut aussi permettre aux citoyens d’exprimer leurs préférences, de débattre démocratiquement, et sanctionner éventuellement les élus qui se prononcent en faveur des incinérateurs. Encore à Clermont, la décision a été prise par une entité administrative, Valcom, mise en place à cet effet, afin de contourner le suffrage universel en évitant ainsi que les élus soient directement mêlés à ça. Aucun n’a osé proposer de référendum sur le sujet. Sur le sujet, il subsiste un vrai défaut de volonté politique.
Des alternatives sont elles vraiment possibles ?
Oui bien sûr, et je vais vous donner l’exemple de la Communauté de Communes des Portes d’Alsace qui a su persévérer pour ne plus recourir à l’incinération. Cela ne s’est pas fait du jour du lendemain, mais 75% de leurs déchets sont désormais recyclés et les 25% restants sont enfouis dans de petits centres. Le tri sélectif en amont opéré par les habitants est déjà un premier pas. Cela demande du civisme et une capacité à s’affranchir des grandes entreprises, pour revenir à des unités de traitement des déchets de petite taille et de proximité. Mais c’est rentable : la taxe d’enlèvement des ordures ménagères a été divisée par deux. !
Qu’est ce qui bloque ?
En général, tout ce qui concerne les déchets n’attire ni l’opinion publique ni les médias. Et mobiliser les médias sur ces questions s’avère difficile car Veolia et Suez achètent des pages de pub pour se donner une belle image. Pour conserver son quasi-monopole et ses profits, le lobby de l’incinération martèle qu’aucune solution alternative crédible n’existe. Mais ce n’est pas vrai.
La plupart des gens sont prompts à se mobiliser si un incinérateur ou un centre de gestion des déchets s’installent à proximité. C’est ce qu’on nomme l’effet NIMBY (« not in my backyard » – « pas dans mon jardin »). Parfois c’est négatif, mais d’autres fois, c’est un moteur de la mobilisation.
[Propos recueillis par Julien Leprovost]
2 commentaires
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Marie-Christine
sortir des incinérateurs
votre article est intéressant! il me paraît qu’avant tout choix les solutions doivent être comparées en matière d’élimination des déchets qui perdurent dans l’environnement et je le dis tant pour la faune et la flore que pour les hommes et les femmes! évidemment il n’existe sûrement pas qu’une seule façon d’éliminer ces déchets avec le respect du territoire habité ou non; il faut aborder les solutions existantes ou à mettre au point avec toutes opinions!
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