Début janvier, l’Aspas (association pour la protection des animaux sauvages) a inauguré sa deuxième Réserve de vie sauvage dans la Drôme. A cette occasion, Jacques Perrin, le réalisateur du film Les Saisons, est venu inaugurer la Réserve des Deux lacs. Dans cette réserve privée, seule la promenade est autorisée et la nature doit progressivement reprendre ses droits. Madline Reynaud, directrice de l’association, revient sur la nécessité de créer des réserves privées en France pour protéger la nature. L’Aspas gère près de 400 hectares de zones protégées privées en France.
Tout d’abord, pouvez-vous expliquer ce qu’est la Réserve des Deux Lacs ?
La Réserve de Vie Sauvage des Deux Lacs est une zone humide de 60 hectares, composée essentiellement de deux lacs, d’où son nom. Ces lacs recouvrent 40 hectares. Elle se situe à Châteauneuf-du-Rhône, dans la Drôme. Cette zone humide est une halte pour les oiseaux migrateurs. Elle abrite plus de 180 espèces oiseaux : des sarcelles, des cygnes, des hérons, des colverts, des grands cormorans, des guêpiers et des faucons… Il y a aussi 12 espèces d’orchidées, des poissons d’eau douce, des castors d’Europe, des renards, des chevreuils, des blaireaux, ainsi qu’une grande richesse au niveau des insectes.
Qu’est-ce qui menace les espèces présentes sur le site ?
Il existe 2 menaces sur ce secteur : la chasse et la pêche. Les lacs et ses abords forment des halos de vie sauvage au milieu d’une zone urbanisée. Ils attirent les chasseurs et les pêcheurs. Les premiers viennent notamment chasser les grives qui passent par-là durant leur migration, les seconds viennent plus régulièrement et plus nombreux, avec des bateaux.
Pourquoi avoir créé cette réserve ?
Auparavant, la zone a été exploitée comme carrière pour extraire le gravier. Ses exploitants ont souhaité verdir leur image en la vendant pour un euro symbolique à l’association Frapna qui voulait en faire un site pédagogique de sensibilisation à la nature. Mais, entre-temps les chasseurs et les pêcheurs se sont appropriés le coin. Et, la Frapna a eu du mal à interdire ces pratiques, elle a donc, en juillet 2013, fait don de sa propriété à l’Aspas. Car, à l’Aspas, nous possédons un conservatoire qui nous permet, grâce à la maîtrise foncière et aux moyens humains et financiers déployés, de protéger les terrains pour les laisser se ré-ensauvager. Chose que, faute de moyen, la Frapna n’était pas parvenue à faire.
Comment le public sait qu’il est dans cette réserve ?
Les promeneurs peuvent se balader sur le site. Aux entrées du site, des panneaux rappellent les conditions d’accès et les interdits. Nous faisons beaucoup d’informations et de sensibilisation sur le terrain. Nos bénévoles patrouillent régulièrement dans la réserve. Ils distribuent des flyers aux visiteurs et en laissent sur les pares brises des voitures stationnées aux alentours. Ils rappellent que toutes les activités nuisibles pour la nature sont prohibées : chasse, pêche, cueillette, décharge, loisirs motorisés…
De plus, certains de nos bénévoles suivent une formation de gardes assermentés, ils seront autorisés à verbaliser directement un chasseur ou un pécheur sur notre propriété. Il faut compter 3 à 4 bénévoles pour assurer la surveillance et le fonctionnement de la réserve. Cependant nous avons recruté une personne à temps plein pour les coordonner et les former. L’idéal serait de passer à une dizaine de bénévoles par site, pour assurer une présence quasi-quotidienne.
Quels effets attendre de la création de la Réserve de Vie Sauvage ?
Nous créons l’une des rares zones protégées du secteur. La réserve des Deux Lacs est aussi une halte migratoire : la seule zone humide située entre la Camargue et les Dombes. Grâce à notre acquisition, nous voulons rendre au site un plus haut niveau de naturalité. Nous nous imposons nous-mêmes beaucoup d’interdits vis-à-vis de nos Réserves. C’est pourquoi nous avons élaboré ce label « Réserve de vie sauvage® », déposé à l’INPI (Institut Nationale de la Propriété Intellectuelle), qui correspond au niveau de protection 1B de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature), le plus haut niveau de protection possible, avant d’arriver au niveau de protection ultime où même l’humain y est interdit. Mais nous ne souhaitons pas mettre la nature « sous cloche », nous laissons l’accès à pied. Car c’est en connaissant qu’on protège mieux.
En quoi le statut de réserve peut-elle mieux préserver le milieu ?
Nous interdisons toutes les activités perturbatrices pour la nature et il n’y a pas d’interventions de gestion sur le site. Nous n’exploitons pas le bois, ni ne cueillons les fleurs ou les champignons. Par exemple, nous laissons les arbres morts sur place. L’objectif est de permettre à la nature de reprendre sa place. C’est le principe de libre évolution.
Pourquoi créer des réserves privées ?
Nous sommes en désaccord sur la gestion de la protection de la vie sauvage en France. Nous nous sommes dits que, grâce à la maîtrise foncière, nous pourrions laisser ces zones en libre évolution et sans intervention de l’homme. Bien qu’il existe quelques conservatoires privés en France, ils sont d’une manière ou d’une autre liés à l’Etat. Or, nous avons constaté que la chasse était autorisée dans plus de 70 % des réserves naturelles gérées par l’Etat. De fait, la chasse, la pèche, la cueillette, l’exploitation forestière et l’élevage peuvent se pratiquer dans ces espaces. Par exemple, on peut chasser le loup, qui est une espèce protégée, dans un parc national. C’est aberrant tant pour l’espace protégé que pour l’espèce protégée.
Est-ce difficile de créer des réserves privées ?
Il n’y a pas de difficultés légales majeures. Il suffit de passer chez le notaire pour acquérir le terrain. Les freins sont plutôt les financements, nous faisons appel aux dons et aux legs. Par exemple, la constitution de la réserve du grand Barry, à Véronne, nous a couté 150 000 euros pour 130 hectares. La difficulté supplémentaire vient de la compétition pour l’usage des sols. Si les chasseurs sont informés de notre intention d’acheter un terrain ils tentent souvent de faire capoter la vente en montant de faux projets d’exploitation permettant à la SAFER de se prévaloir de son droit de préemption ou en surenchérissant.
Quel rôle les réserves privées peuvent-elles jouer en France ?
Elles créent des petits havres de paix où la nature s’exprime. Ces zones sont encore trop rares. Elles montrent l’exemple pour faire réfléchir le grand public et les autorités. Nombreux sont ceux qui croient que les parcs naturels sont des espaces pleinement protégés alors que c’est loin d’être le cas. Par exemple, il est déjà arrivé qu’on y déplace des marmottes pour installer des vaches afin d’éviter que les premières creusent des trous dans lesquels les secondes se casseraient les pattes. Nous voulons montrer ce qu’est une vraie protection et promouvoir le concept de libre évolution et réduire les activités autorisées dans les réserves naturelles. C’est possible pour nous car l’Aspas est 100% indépendante financièrement et politiquement. Elle existe grâce aux personnes qui la soutiennent.
Propos recueillis par Julien Leprovost
Pour en savoir plus sur la réserve des vie sauvage des Deux Lacs sur le site de l’ASPAS
En savoir plus sur les Réserves de vie sauvage sur le site de l’ASPAS
Une caméra piège a filmé des animaux sur le site de la réserve des 2 lacs cet été
9 commentaires
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Chuilon
Mensonge mensonge coup de com….
ces réserves ont été créées par des personnes militantes mais intègres qui viennent d’être radiés de l’ASPAS . Bravo à ces bains qui se consacrent à de grandes causes. Mais ces territoires sont en réalité dans un abandon total…et il est insupportable de voir la tartufferie et le théâtre de ceux qui se servent de la cause pour leur intérêt particulier.
Thierry
NDDL peut-elle devenir une telle réserve? au lieu de vouloir en faire une zone aéroportuaire!..
Evelyne Lapouge
Parfait ! C’est le seul moyen efficace, effectivement, de protéger des zones entières de Nature. L’association « Natuurmonumenten » (Monuments de la Nature) fait cela aux Pays-Bas depuis 1905. Elle possèdent aujourd’hui 100 000 hectares de réserves naturelles. Bonne chance à L’ASPAS pour la suite.
chapuis
Bonjour Chuilon
pourriez-vous détailler votre réponse pour qu’on comprenne qui est le gentil et le méchant ?
Merci
françois
Je me sens comme un messager de la nature, et porte le message de la nature à travers mes œuvres
Partout où je le peux.(À découvrir sur http://www.Herbette.fr
Cet été je suis allé dans une réserve classé natura 2000 dans les prés salés de Ares sur le bassin d’Arcachon.
Un garde assermenté, A demandé à une famille de sortir de la zone, les menaçant d’une contravention Car les petits enfants avaient pêché quelques crabes dans le seau. Le lendemain à la tombée de la nuit, j’ai vu débarquer des chasseurs, avec chien,cage avec canard vivant en appeau, et fusil ! J’ai donc réussi à rencontrer le garde qui m’a dit que des dérogations était là depuis des années pour ces chasseurs!!!! Évidemment dans cette zone nous avons pas le droit d’amener les chiens, et une douzaine d’interdiction figure bien sur les panneaux…. Je ne sais pas si ça ressemble pas du foutage de figure?
Des réserves de vie sauvage privées pour protéger la nature en France | Le blog geek et écolo
[…] Comment bien préserver la biodiversité ? l’ASPAS se propose de créer des réserves privées avec un statut de protection plus stricte … […]
arlette couzon
bravo !
FierDeLaFrance
La France est indéniablement le plus beau pays du monde.
Vive la France
Volck
Bonjour, je viens d acheter 3ha de bois parce que les chasseurs passaient leur temps dedans et chassaient , renard, sanglier et cerf…je ne les supporte plus car le bois étant juxtaposeé à ma maison les rabatteurs étaient dans mon jardin , que dois je faire pour mettre mon bois en réserve protéger? Et mettre fin au passage incessant des chasseurs. Merci