Le documentaire The Messenger sort en DVD et sera aussi projeté le 7 avril au Cinéma des Cinéastes dans le cadre du Festival International du Film d’Environnement. Véritable ode au chant des oiseaux, cette enquête conduite tout autour du globe dénonce les causes de leur déclin. La réalisatrice Su Rynard a accepté de répondre à nos questions par émail.
Votre film raconte le périple annuel des oiseaux chanteurs, victimes de l’activité humaine. Pourquoi avoir choisi ce sujet en particulier ?
Tout autour du monde, les oiseaux disparaissent. La vitesse du phénomène dépasse tout ce que l’on a pu expérimenter par le passé. En Amérique du Nord, la moitié des oiseaux chanteurs ont disparu depuis les années 1960. Je ne suis pas ornithologue, mais j’ai constaté que les oiseaux que j’entendais et voyais d’habitude l’été n’étaient plus là. Au début, je pensais que j’étais trop occupée et que je les ratais. Mais j’ai par la suite réalisé que les oiseaux chanteurs rencontrent de graves difficultés tout autour du globe.
Quelle espèce d’oiseau vous a inspirée dans la réalisation de votre projet ?
La plus grande motivation dans la conduite de ce projet était la perte des oiseaux, autrement dit leur absence. Avec l’absence, on fait face à un ciel silencieux. Enfant, je me souviens m’endormir au son de l’Engoulevent bois-pourri, qui vit en Amérique du Nord et dont le cri est très caractéristique. Aujourd’hui, son chant a disparu de nos paysages. De même, il n’y a rien de plus beau et de plus mystérieux que l’appel du Plongeon huard canadien, pourtant presque impossible à entendre aujourd’hui. Je trouve cela terriblement triste.
Le destin des oiseaux est –il intrinsèquement lié à celui des Hommes ?
Aujourd’hui, d’un point de vue scientifique, nous comprenons que les oiseaux sont des indicateurs environnementaux. Avec leur déclin drastique, ils nous expliquent que si la vie n’est pas durable pour eux, elle ne le sera pas non plus pour nous. C’est en cela que leur destin est inextricablement lié au nôtre. Les humains se sont toujours intéressés aux oiseaux. Dans certaines cultures, on pensait qu’ils étaient les messagers des dieux. Ils nous alertent du changement des saisons, des tempêtes à venir… Ainsi que de l’augmentation des toxines dans les chaines alimentaires, comme l’a compris Rachel Carson, l’auteure de Printemps Silencieux.
Les oiseaux migrateurs prennent une place très particulière dans votre film. Pourquoi ?
Le phénomène de migration représente aujourd’hui le plus grand drame de l’histoire naturelle. Pourtant, il est très ancien, comme le dit Martin Wikelski, zoologue interviewé dans The Messenger : « depuis combien de temps ces migrations existent…Probablement depuis que les oiseaux existent. Des dizaines de milliers, peut-être des centaines de milliers d’années ». Je trouve que c’est une vraie leçon d’humilité, qui remet nos vies en perspective. Je me souviens avoir vécu un épisode particulièrement incroyable avec Bridget Stutchbury, professeure de biologie, qui a capturé une hirondelle noire sur laquelle elle avait placé un appareil de géolocalisation l’année précédente. C’était presque miraculeux que l’oiseau retourne exactement au même endroit un an plus tard. J’ai trouvé incroyable que cette minuscule créature puisse naviguer dans notre monde, qui est l’équivalent d’une zone de guerre pour les oiseaux chanteurs, voler 10 000 kilomètres aller-retour en Amérique du Sud et survivre.
Les gouvernements prennent-ils la menace du déclin des oiseaux au sérieux ?
La plupart des pays ont instauré des lois pour encadrer les espèces en danger, ce qui leur assure une certaine protection. L’enjeu principal consiste à assurer que l’industrie et le public respectent ensemble ces lois, qui doivent par ailleurs être renforcées.
Que peut-on faire à titre personnel pour protéger les oiseaux ?
Il est plus réjouissant de faire partie de la solution que du problème, et il y a beaucoup de choses que l’on peut faire pour changer les choses. Pour faire simple : engagez-vous dans des associations locales de défense. Apprenez à écouter et identifier quelques espèces et leurs chants. Gardez vos chats à l’intérieur. Mangez bio. Consommez des produits issus de l’industrie durable. Soyez cybermilitant et signez des pétitions qui encouragent la protection des oiseaux. Faites de votre jardin un lieu propice à l’épanouissement des oiseaux. Réduisez votre empreinte carbone. Nous avons un onglet sur notre site dans lequel nous indiquons comment aider. En France, j’encourage les habitants à se rapprocher de la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO). A l’international, je conseille aux populations de se tourner vers BirdLife International, la plus grande structure de protection de la nature au monde.
Pour conclure, quel message voudriez-vous faire passer ?
Toute vie sur Terre, y compris la nôtre, dépend de la bonne santé des écosystèmes. Les oiseaux jouent un rôle majeur dans l’environnement. Nous ne pouvons pas les retirer des écosystèmes et nous attendre à ce qu’ils continuent de fonctionner. Si nous voulons survivre, nous devons protéger les oiseaux et la biodiversité.
Propos recueillis par Chloé Schlosser
4 commentaires
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Grossmann
http://www.goodplanet.info/debat/2016/04/05/su-rynard-declin-oiseaux/
Mes préoccupations et mon attention s’était jusqu’ici concentré sur l’eau et l’écosystème rivière. Particulièrement sur les conséquences de la pollution chimique sur la faune aquatique qui l’habite. Ceci particulièrement pour la survie du saumon d’atlantique ce magnifique poisson migrateur en voie de disparition qui partage sa vie entre l’océan et la rivière.
Voir
http://rivieres.info/patri/barometre.htm
Cet article de Su Rynard dans Goodplanet m’interpelle : il y a aussi l’air et les oiseaux.
Je ne pense pas que la situation soit aussi grave pour les oiseaux que pour les poissons. Il faut dire que l’écosystème rivière est plus fermé que l’écosystème air. Les pays dits développés ont toutefois les connaissances techniques pour préserver ce milieu important respiré autant par l’homme que par les oiseaux. Ceci en diminuant par exemple les rejets dans l’atmosphère provenant du chauffage de l’habitat un poste probablement plus énergivore que le transport et l’industrie. Voir par exemple en page les progrès très importants qui peuvent être obtenus dans ce domaine en modifiant petit à petit la génération et l’isolation thermique dans un immeuble conventionnel en région parisienne
Voir page 439
http://www.infoenergie.eu/riv+ener/LCU_fichiers/synthese-iso-gene.pdf
Balendard avril 2016
c
SU RYNARD est bien gentille de nous conseiller de garder nos chats à l’intérieur , je ne suis pas du tout persuadée que les chats soient la cause de la disparition de certains oiseaux , le plus GRAND PRÉDATEUR est l’ HOMME !
il y a une trentaine ou quarantaine d’années je voyais encore des Bouvreuils , ils ont totalement disparus , ce sont de petits oiseaux à gros bec qui se nourrissaient de bourgeons d’arbres fruitiers , et bien l’homme ,encore lui ,a fait le nécessaire pour qu’ils ne viennent plus manger les bourgeons , résultant PLUS DE BOUVREUILS !!Et là on ne peut pas accuser les chats !
GoodPlanet
Bonjour et merci pour votre message.
En effet, les chats domestiques ne sont pas à eux seuls à l’origine de la disparition de certains oiseaux. Cependant, comme le dit Su Rynard, ils sont malgré tout une cause majeure: les chercheurs estiment qu’ils tuent plus d’un milliard d’oiseaux par an. La Mammal Society a récemment estimé que 55 millions d’oiseaux mourraient chaque année en Grande-Bretagne à cause des chats. Leur introduction dans nos jardins en tant qu’animaux domestiques a créé un déséquilibre fort dans la chaine alimentaire.
Sources: https://www.sciencenews.org/article/cats-kill-more-one-billion-birds-each-year
https://www.rspb.org.uk/makeahomeforwildlife/advice/gardening/unwantedvisitors/cats/birddeclines.aspx
Chloé Schlosser
Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur - Pas ce soir, je lis
[…] The messenger – 2016 […]