L’empreinte écologique : un indicateur de seuils à ne pas franchir
Élaborée par le chercheur Mathis Wackernagel dans les années 1990, l’empreinte écologique (EE) a été reprise par le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) et le WWF à partir de 1999. Cette variable donne une évaluation de la pression exercée par l’homme sur la nature, en indiquant la surface productive nécessaire pour répondre à la consommation de ressources d’un pays, un groupe ou un individu, ainsi que la superficie nécessaire pour absorber ses déchets.
Pour ce calcul, l’EE considère la consommation de ressources et les déchets émis lors de quatre activités principales : alimentation, transport, logements et services/biens de consommation. Elles sont rapportées aux superficies nécessaires à leur production ou à l’assimilation des déchets en découlant :
– les terres arables (surfaces cultivées),
– les pâturages (viande),
– les forêts (exploitation du bois),
– l’espace marin (zones de pêche),
– les sols occupés par des constructions,
– les sols dit « énergétiques » correspondant aux consommations d’énergies fossiles et aux besoins de capture du CO2, afin de limiter l’effet de serre.
Cet indicateur présente l’intérêt d’introduire l’idée de limite qu’il faudrait éviter de franchir. Il amène à ne plus raisonner en termes monétaires, mais sur la capacité de la Terre à répondre aux besoins des sociétés et à absorber leurs pollutions.
L’EE est complétée par la notion de « biocapacité », c’est-à-dire de capacité utilisable totale des surfaces biologiquement productives. Sachant qu’il existe de vastes espaces peu productifs (déserts, hautes montagnes, haute mer), la superficie utile totale a été évaluée à 11,4 milliards d’hectares, soit un quart de la planète. Si l’on divise ce chiffre par la population mondiale (6,3 milliards), cela donne une disponibilité annuelle moyenne par personne de 1,8 hectare. En d’autres termes, dans une optique de durabilité, toute personne disposerait en moyenne mondiale de 1,8 ha par an pour subvenir à ses besoins et absorber ses pollutions. Il s’agit d’une valeur d’équilibre entre prélèvements ou dégradations et capacité de régénération de la planète. Compte tenu de l’évolution démographique, de l’accroissement de la consommation et des ponctions sur l’environnement, l’EE mondiale a dépassé la biocapacité de la planète depuis la fin des années 1970, pour atteindre aujourd’hui 1,25 planète : l’humanité ponctionne donc nettement plus de ressources que ce que la nature peut régénérer.
Si toute la population mondiale consommait comme l’Europe ou le Japon, il faudrait 2,5 planètes. Selon le modèle des États-Unis, plus de 5 planètes seraient nécessaires. Le mode de vie de Singapour exigerait aujourd’hui plus de trois planètes. L’empreinte de la Corée du Sud est proche de celle du Japon. Pour autant, une EE très basse n’est pas forcément bon signe. Les pays dont l’empreinte est très faible rencontrent souvent des difficultés criantes, comme en Afrique sub-saharienne ou dans les Caraïbes. En contrepoint, on peut constater que plusieurs pays présentant un niveau de développement correct comme le Costa Rica ou la Thaïlande ont une empreinte durable.
L’EE est également critiquée. Certains objectent qu’il est discutable de traduire les besoins de capture des émissions anthropiques de CO2 en superficies de forêts. Mais l’EE a surtout été décriée par ceux qui y voient le risque d’une remise en question de la croissance économique. Reste que, par-delà ses limites statistiques, l’EE a le mérite de souligner l’existence de seuils environnementaux que l’homme est en train de franchir sans disposer de moyens techniques pour garantir son avenir et encore moins celui des générations futures. L’EE n’incite pas à revenir « à la bougie », mais à prendre la mesure des contraintes environnementales et des risques, ce que ne font pas le PIB/habitant ou l’IDH.
Source des données statistiques : et WWF,
The ecological footprint: an indicator of thresholds that must not be exceeded
First developed by researcher Mathis Wackernagel in the 1990s, the concept of ecological footprint (EF) was taken up by the United Nations Environment Program, the International Union for Conservation of Nature (IUCN), and the WWF after 1999. This indicator provides an assessment of the impact of human activity on nature. For any given country, group, or individual, the ecological footprint measures the productive area required to supply the demand for resources, as well as the area necessary to absorb the waste generated.
In making this calculation, the ecological footprint considers resource consumption and waste production arising from four main activities: food, transportation, housing, and consumer goods and services. This figure is plotted against the surface area required for production and waste absorption, namely:
– arable land (under cultivation);
– grazing land (livestock);
– forests (forestry);
– waters (fishing waters);
– land used for building;
– land used for fossil fuel energy production or C02 capture to offset the greenhouse effect.
the advantage of this indicator is its premise that there are limits which must not be exceeded. It pulls away from reasoning in strictly monetary terms, postulating instead that the Earth must both supply society’s needs and absorb its pollution.
The ecological footprint goes hand in hand with the idea of “biocapacity”, which is the useable total of biologically productive areas. Stripping out Earth’s vast, unproductive areas (deserts, mountaintops, the high seas), the total useful surface comes to 11.4 billion ha, or a quarter of the planet. When this figure is divided by the world population (6.3 billion), the average annual surface area per capita is 1.8 ha. In other words, from a sustainable viewpoint, every inhabitant of Earth should have 1.8 ha in which to supply their own needs and absorb their waste; above that, soils are degraded, and below that, the planet has the ability to regenerate itself. In view of changes in demographics, increased consumption, and resulting environmental consequences, the global ecological footprint has exceeded the planet’s biocapacity since late 1970s. Today’s demands on Earth are equivalent to those of 1.25 planets. Society therefore uses considerably greater resources than Nature can supply.
If the entire world population consumed as much as Europe and Japan, that figure would come to 2.5 planets. If world consumption equalled that of the United States, 5 planets would be required, while Singapore would require 3 planets. South Korea’s ecological footprint is similar to Japan’s. However, a very light ecological footprint is not necessarily a good sign. Those countries with the smallest footprints often face crippling difficulties, such as in Sub-Saharan Africa or the Caribbean. Conversely, several countries with balanced development, such as Costa Rica or Thailand, have a sustainable EF.
The ecological footprint model is criticised by some who object that CO2 emissions cannot be correlated to forest areas. However, opposing voices are mainly heard from those fearing the resulting questioning of economic growth. Whatever the case, besides its statistical limitations, the ecological footprint model presents the advantage of highlighting the environmental thresholds that human society is bypassing without the technical means to guarantee its own future, let alone that of future generations. Without advocating a return to the use of candles, the ecological footprint model encourages us to consider environmental consequences and risks to a greater extent than GDP per capita or the HDI.
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