Les forêts participent notamment à la régulation du climat, au contrôle des inondations, à la conservation des sols, au cycle de l’eau ainsi qu’au stockage et au recyclage des nutriments, et elles permettent la pratique de loisirs.
Comme nous venons de le voir, nous connaissons bien les produits qui nous viennent des forêts. En revanche, bien qu’ils représentent une partie indispensable de tout système économique, les services qu’elles fournissent sont moins connus. Les forêts participent notamment à la régulation du climat, au contrôle des inondations, à la conservation des sols, au cycle de l’eau ainsi qu’au stockage et au recyclage des nutriments, et elles permettent la pratique de loisirs.
Dans un article important paru dans la revue Nature en mai 1997, Robert Costanza et douze collaborateurs ont estimé la valeur des services fournis par l’écosystème terrestre à 33 billions de dollars (1012 $) par an, presque autant que les 43 billions de dollars de biens et services produits par l’économie mondiale. R. Costanza et ses coauteurs ont estimé que les régions forestières de la Terre fournissent à elles seules l’équivalent de 4,7 billions de dollars de services, soit 969 dollars de services par hectare et par an (voir tableau 8-2.). On peut comparer ce chiffre aux 800 dollars de maïs que produit en un an un hectare de la Corn Belt, aux États-Unis, l’une des régions agricoles les plus productives au monde.
Tableau 8-2. Principaux services fournis par les forêts
Service
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Valeur par an et par hectare
(en dollars)
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Régulation du climat
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141
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Contrôle de l’érosion
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96
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Stockage et recyclage des nutriments
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361
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Loisirs
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66
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Autres services
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305
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Total
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969
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L’analyse effectuée par R. Costanza et son équipe est considérable, mais elle ne prend pas en compte l’un des services les plus importants que fournissent les forêts: le recyclage des pluies à l’intérieur des terres qui permet à ces régions d’être productives et habitables. Si nous continuons à détruire les forêts côtières, les déserts intérieurs continueront de s’étendre, obligeant ainsi la population mondiale à se concentrer dans des zones de plus en plus réduites. C’est souvent lorsqu’il est trop tard, après que les arbres sont coupés, que nous découvrons à quel point les forêts sont utiles. Cela s’applique notamment au contrôle des inondations, comme l’ont tristement constaté la Chine, la Thaïlande et le Mozambique. Par ailleurs, les forêts stockent des nutriments, un rôle particulièrement important dans les Tropiques, où la quasi-totalité des nutriments des écosystèmes forestiers se trouve dans la végétation. De nombreux sols tropicaux possèdent peu de matière organique et ont une capacité de stockage des nutriments très faible. Lorsqu’on brûle une forêt afin de développer l’agriculture ou l’élevage, les cultures et les herbages poussent relativement bien durant les premières années grâce aux nutriments restés dans les cendres. Mais, une fois que les cendres sont lessivées par les pluies, les nutriments disparaissent. Ainsi, une grande partie des surfaces déboisées dans les Tropiques sont rapidement abandonnées, car elles deviennent inutilisables.
Les forêts tropicales humides sont des écosystèmes très productifs, capables de transformer efficacement la lumière solaire en matière végétale. Mais elles ne peuvent le faire que lorsqu’elles sont intactes. Une fois détruites, plusieurs centaines d’années peuvent être nécessaires à leur régénération et certaines ne réapparaîtront jamais, car les conditions en place au moment de leur formation originale ne sont plus réunies.
Les forêts contribuent au contrôle de l’érosion en ajoutant de la matière organique aux sols et en limitant le ruissellement. Les débris végétaux empêchent les gouttes de pluie d’entraîner la terre, créant ainsi un lien étroit entre la végétation et les sols. La forêt permet à la terre de s’agglomérer et empêche la pluie de l’emporter. En retour, le sol ainsi aggloméré permet à la forêt de se développer sainement. Dans cette relation symbiotique, la destruction de la forêt est souvent synonyme de la destruction des sols et cet appauvrissement risque à son tour d’empêcher la forêt de renaître.
La capacité des forêts à ralentir le ruissellement des eaux de pluie et à favoriser leur infiltration dans le sol leur confère également un rôle de la plus haute importance dans le cycle de l’eau. Elles rechargent les aquifères et les rivières souterraines qui fournissent l’eau des puits en aval. Si l’eau de pluie s’écoule en surface, elle ne peut recharger les aquifères. Ainsi, la destruction des forêts entraîne un double problème: l’augmentation des dégâts dus aux inondations, d’une part, et la diminution de la recharge des aquifères, d’autre part. Les forêts peuvent également purifier l’eau pour en faire de l’eau potable. Selon Walt Reid, de l’Évaluation des écosystèmes pour le millénaire, « Aux États-Unis, plus de 60 millions de personnes, répartie dans 3.400 communautés, dépendent des territoires des Forêts nationales pour l’approvisionnement en eau potable, un service que l’on estime à 3,7 milliards de dollars par an ». Il souligne également que ce service, à lui seul, vaut plus que le bois produit dans ces régions chaque année.
La ville de New York, avec ses 17 millions d’habitants, a récemment découvert combien à quel point les services qu’offre la nature sont précieux. Suite au développement résidentiel et industriel de la région boisée de Catskill, le bassin d’où provient son eau potable, la ville a affirmé devoir se doter d’une station d’épuration dont le coût de construction s’élèverait à 8 milliards de dollars et les coûts d’exploitation à 300 millions de dollars par an. La facture totale atteindrait 11 milliards de dollars pour 10 ans. Après une analyse de la situation, les autorités municipales se sont rendu compte que deux milliards de dollars suffiraient à ramener le bassin hydrographique à son état d’origine, à éliminer la nécessité d’une station d’épuration et à faire économiser 9 milliards de dollars à leurs contribuables.
Comme nous l’avons mentionné dans le chapitre trois, les forêts permettent également à l’eau d’atteindre l’intérieur des terres. En Chine, une diminution du recyclage de l’eau vers l’intérieur des terres se fait déjà sentir. La déforestation dans le sud et l’est du pays a fait diminuer l’humidité à l’intérieur, normalement acheminée depuis le golfe du Bengale, la mer de Chine méridionale et orientale et la mer Jaune, affirme Wang Hongchang, membre de l’Académie chinoise des sciences sociales. Les précipitations dans le nord-ouest du pays diminuent, contribuant ainsi à sa désertification. […] Un phénomène semblable se manifeste en Afrique. […] L’avancée de la déforestation dans les régions côtières à fortes précipitations et dans le sud du Sahel provoque une diminution de la capacité des terres à recycler l’eau vers l’intérieur du continent. Les forêts ont également un effet stabilisateur sur le climat local, en modulant les fluctuations de température les plus extrêmes entre le jour et la nuit, comme dans les déserts. Elles stockent d’importantes quantités de carbone, qui se trouveraient autrement dans l’atmosphère sous la forme de dioxyde de carbone et contribueraient au changement climatique. La déforestation détruit cette capacité de stockage du carbone dans la végétation à l’air libre, mais également dans la matière organique du sol, les racines, et les débris végétaux à la surface du sol. Les forêts permettent également de protéger les ruisseaux et les rivières de l’envasement. Dans le nord-ouest des États-Unis, par exemple, la déforestation a entraîné une augmentation de l’écoulement de boues, détruisant des pêcheries de saumon situées à proximité. La mauvaise gestion d’une ressource naturelle peut en anéantir une autre. L’envasement affecte également la productivité des barrages, qu’ils soient destinés à la production d’énergie ou à l’irrigation. Au fur et à mesure que la boue sédimente, la capacité de stockage du barrage diminue et il devient incapable de produire suffisamment d’électricité ou de fournir de l’eau pour l’irrigation. Dans les cas les plus extrêmes, les réservoirs se remplissent de boue et l’investissement sur le barrage est perdu.
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