La pêche en quantités excessives (ou surpêche) de petits poissons servant à nourrir les saumons d’élevage menace les écosystèmes marins du monde entier, d’après un rapport commandité par de respectables organismes de défense de l’environnement. Pas du tout, répondent les experts des entreprises concernées, les pêcheries sont bien gérées. Alors qui faut-il croire ?
Jusqu’à 80 % de la nourriture pour poissons d’élevage consistent en farine et huile de poisson. En effet, les poissons carnivores comme le saumon ont besoin de protéines et de lipides spécifiques en grandes quantités pour se développer rapidement et avoir du goût. Le WWF, le Fonds écossais pour la faune et la flore (Scottish Wildlife Trust) et la Société royale du Royaume-Uni pour la protection des oiseaux (Royal Society for the Protection of Birds, RSPB) sont à l’origine du rapport qui affirme que de nombreux élevages ont des modes de fonctionnement contraires aux principes du développement durable. Bien qu’ils se concentrent sur les poissons exploités par les élevages de saumon écossais, le fait est que de nombreux autres éleveurs dans le monde s’approvisionnent à la même source.
« L’aquaculture ne peut pas continuer à se développer hors de toute logique durable, » s’alarme Rebecca Boyd de WWF. « Nous allons finir par épuiser l’océan, et nous avons tout à y perdre. » Elle préconise que les éleveurs ne pêchent, pour nourrir leurs élevages, que les espèces autorisées par l’organisation internationale Marine Stewardship Council.
D’après le rapport, le merlan bleu, qui fournit 7 % du total de la production de farine et d’huile, est particulièrement en danger. La Commission des pêches de l’Atlantique du Nord-Est a suggéré de limiter la pêche à 650 000 tonnes, mais la mesure n’a jamais été appliquée. En 2003, le volume de prises a dépassé les 2,3 millions de tonnes. « Il faut arrêter de pêcher le merlan tant qu’on ne sait pas le faire judicieusement, » a déclaré Kate Brydson de la RSPB.
Pourtant, selon Henrick Sparholt, expert auprès du Conseil international pour l’exploration des mers, le nombre de merlans bleus est plus élevé que jamais. Cette prospérité est une énigme, concède-t-il cependant, et l’espèce ne va sans doute pas résister bien longtemps à un tel niveau d’exploitation.
Le rapport épingle également les élevages de chinchards, mais Sparholt ne considère pas cette espèce comme surexploitée. D’après lui, la plupart des pêcheries européennes qui fournissent des farines et de l’huile de poisson sont bien gérées.
Par ailleurs, selon Stuart Barlow, directeur du groupe International Fishmeal and Fish Oil Organisation, les producteurs de farine tiennent à protéger les pêcheries. Ils soutiennent un projet de label écologique pour les élevages auquel travaille l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).
Pourtant, même les détracteurs du rapport admettent que répondre à la demande en nourriture des élevages de poissons va sans doute devenir problématique si la pisciculture continue de croître rapidement. Des chercheurs tentent actuellement de mettre au point des aliments végétaux susceptibles réduire la part de poisson dans les farines. Cela permettrait également de réduire les quantités d’agents chimiques tels que les polychlorobiphényles que l’on trouve actuellement dans les poissons d’élevage. Malheureusement cette solution végétale est encore loin d’être appliquée.
How long can we keep fishing to feed fish? – Anna Gosline
New Scientist – Magazine issue 2467 – 2 octobre 2004
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