La disparition mystérieuse de colonies d’abeilles aux États-Unis serait peut-être liée à l’importation d’un virus, selon ce que suggère une étude récente.
Les apiculteurs américains ont assisté à une diminution spectaculaire du nombre de leurs abeilles depuis l’automne 2006, même si certains d’entre eux avaient constaté les signes d’une telle tendance dès 2004. Une analyse génétique de plus de 50 colonies d’abeilles laisse maintenant entendre qu’un virus baptisé virus israélien de la paralysie aiguë de l’abeille (IAPV, Israeli acute paralysis virus) pour-rait être à l’origine de cet étrange phénomène.
Les chercheurs affirment détenir des « preuves indirectes » reliant l’arrivée d’abeilles importées d’Australie à l’apparition de l’IAPV aux États-Unis. Identifié pour la première fois en 2004 en Israël, l’IAPV provoque le développement d’ailes tremblantes chez les abeilles, qui finissent par être paraly-sées et meurent à l’extérieur de la ruche.
Les scientifiques ne manquent cependant pas de préciser rapidement qu’il faut encore effectuer beaucoup de recherches avant de pouvoir déterminer si le virus est vraiment la cause de ce fléau.
Environ 50 à 90% des colonies d’abeilles d’élevage aux États-Unis ont été affectés par le syndrome d’effondrement des colonies (CCD, colony collapse disorder), phénomène étrange au cours duquel des populations entières d’abeilles disparaissent d’une colonie en seulement quelques jours, ne laissant parfois derrière elles que la reine et quelques retardataires. L’hécatombe des abeilles a susci-té beaucoup d’inquiétude, en raison du rôle primordial que jouent ces insectes dans la pollinisation de plus de 90 fruits et légumes à travers le monde. Les spécialistes estiment que la valeur de ces cultu-res, pour les États-Unis à eux seuls, se chiffre à 14,6 milliards de dollars.
ADN étranger
Au cours des derniers mois, les entomologistes ont pointé du doigt une pléthore de causes potentiel-les pour expliquer le CCD, incriminant aussi bien l’utilisation massive de pesticides que les organis-mes génétiquement modifiés (OGM), en passant par les radiations émises par les téléphones cellulaires.
Pour aider à résoudre ce mystère, Jeffery Pettis du Laboratoire de recherche sur les abeilles (Bee Research Laboratory) du ministère américain de l’Agriculture à Beltsville, dans l’état du Maryland, et ses collaborateurs ont à travers tout le territoire américain prélevé des échantillons d’ADN sur des abeilles provenant de 51 colonies, dont 30 avaient été décimées par le CCD.
Comparant les fragments de gènes trouvés au génome de l’abeille récemment séquencé, J. Pettis et ses collègues ont pu rapidement déceler la présence d’ADN étranger appartenant à l’IAPV.
Parmi tous les pathogènes identifiés par ces chercheurs, seul l’IAPV était étroitement lié à l’effondrement des colonies. Le virus apparaissait en effet dans l’ensemble des 30 colonies décimées par le CCD, alors qu’il ne se trouvait que dans une des colonies apparemment saines.
Abeilles importées
Les États-Unis ayant commencé à autoriser l’importation d’abeilles d’Australie en 2004 – date ap-proximative à laquelle les abeilles ont commencé à mourir dans ce premier pays – les scientifiques ont aussi étudié les gènes d’abeilles importées d’Australie et paraissant en bonne santé. Ces tests ont révélé la présence de l’IAPV dans l’échantillon australien, laissant ainsi entendre que les importations pourraient en être la cause.
Ces nouveaux éclairages sur l’IAPV sont qualifiés de « pas en avant » par Daniel Weaver, président de la Fédération américaine d’apiculture (American Beekeeping Federation).
Pour l’instant, tout ce que les chercheurs savent, c’est qu’il y a un lien entre le virus et le CCD. Des expériences plus poussées en laboratoire permettront de prouver si l’IAPV est en effet à l’origine du comportement étrange de désertion des ruches qu’adoptent des abeilles saines lorsqu’elles sont affectées par le CCD.
Concernant le possible lien avec l’IAPV, Greg Hunt, entomologiste de l’Université Purdue à West Lafayette, dans l’état de l’Indiana, déclare: « Pour l’instant, il ne s’agit que de présomptions, parce que les échantillons proviennent d’abeilles très malades« .
Gelée royale
« Je pense que nous avons de nouvelles pistes« , annonce Jeffery Pettis au sujet de la disparition massive des abeilles. « Je reste convaincu que de multiples facteurs sont en cause dans le CCD« . Il souligne que la mite varroa, très répandue aux États-Unis, affaiblit le système immunitaire des abeil-les, ce qui peut-être les rend plus vulnérables à l’IAPV. Selon les scientifiques, cela pourrait aussi aider à expliquer pourquoi les abeilles affectées par l’IAVP en Australie – pays dans lequel il n’y a pas de mite varroa – ne manifestent pas des changements aussi radicaux dans leur comportement.
Les auteurs de l’étude suggèrent aussi que la souche du virus israélien de la paralysie aiguë de l’abeille que l’on trouve aux États-Unis pourrait avoir une séquence génétique légèrement différente, la rendant plus virulente que l’IAPV rencontré ailleurs.
Les scientifiques consultent actuellement le Service américain de l’inspection de la santé des animaux et des plantes (US Animal and Plant Health Inspection Service), afin de déterminer si les États-Unis devraient envisager de bloquer les importations d’abeilles d’Australie porteuses de l’IAPV. Puisque Jeffery Pettis et ses collaborateurs ont trouvé des traces du virus dans la « gelée royale » chinoise – un type de sécrétion d’abeilles servant à nourrir les insectes –, ils sont en train de considérer la décision d’interdire l’utilisation de ce produit importé par les apiculteurs américains.
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