Qu’est-ce qu’un OGM ?
Qu’est-ce qu’un « organisme génétiquement modifié » ou OGM, que d’autres qualifient d’OVNI : « Organisme Vivant Non Identifié » ?
Contrairement à ce que certains voudraient laisser croire, il ne s’agit pas d’organismes dans la continuité de ce que nos sociétés ont produit jusqu’alors. Certes, depuis la sélection des premières espèces au néolithique, l’homme a favorisé les croisements afin d’obtenir de meilleurs rendements ou des variétés plus résistantes.
Mais jusqu’à il y a peu, nous n’avions fait que proposer des mariages, qui donnaient ou non des résultats intéressants. La fabrication d’OGM relève d’un tout autre processus, puisqu’elle modifie fondamentalement la structure voire la fonction du vivant.
En introduisant, par bombardement de cellules ou à l’aide d’un virus manipulé, des gènes dans un autre organisme, les chercheurs jouent à l’apprenti sorcier. Ils réalisent un processus improbable, en « forçant » la nature par une « contamination » génétique, dont ils espèrent un effet positif, mais dont ils sont incapables de mesurer réellement les implications.
Les OGM sont-ils utiles ?
L’utilité des OGM est l’argument majeur de ses défenseurs, à commencer par les entreprises qui les fabriquent, en très grande majorité nord-américaines. Deux domaines sont le plus souvent avancés : l’agriculture et la santé.
En agriculture, l’éventail des plantes OGM est impressionnant. On trouve notamment : maïs, riz, pomme de terre, tomate, tournesol, colza, betterave, tabac et bientôt : blé, banane, concombre, melon, fraise, laitue, pomme, petits pois, café… sans parler des variétés animales : porcs, lapins, escargots, saumons… Leurs promoteurs avancent que ces versions modifiées n’auraient que des avantages : rendements supérieurs, plus riches en vitamines ou plus résistantes aux herbicides les plus toxiques. Cette stratégie est surtout développée par la firme américaine Monsanto (1er producteur mondial) qui commercialise les semences transgéniques et l’herbicide auxquelles elles résistent.
Les OGM sont censés réduire le travail et accroître les performances, tout en allant dans le sens d’une moindre dégradation de l’environnement.
Cette logique séduisante se heurte pourtant à plusieurs grands écueils. Sur le plan des résultats concrets, les études réalisées depuis des années sur des millions d’hectares aux États-unis montrent que les fluctuations des résultats des cultures OGM sont équivalentes à celles des cultures traditionnelles et que rien ne justifie économiquement de privilégier les unes par rapport aux autres.
À cela s’ajoutent des objections techniques. Nombre d’exploitants agricoles pratiquent la rotation des cultures. Si du maïs, du colza et du tournesol sont artificiellement dotées de la même résistance, et qu’un paysan décide de les cultiver alternativement, il risque de voir ces plantes proliférer, sans pouvoir les contrôler. Un tel phénomène s’est déjà produit. En 2002, du maïs transgénique impropre à la consommation humaine, mais utilisé dans la filière porcine, a été contaminé par 500 000 tonnes de soja destiné à notre alimentation. Il a fallu tout détruire.
Des confusions peuvent également se produire dans la filière de commercialisation. C’est ainsi que la société Syngenta a reconnu en mars 2005 avoir vendu par erreur pendant quatre ans en Europe et aux États-Unis un maïs génétiquement modifié non autorisé à la vente, le Bt 10, en le confondant avec un autre maïs (le Bt 11).
En outre, l’argument de la moindre pollution de l’environnement par réduction des intrants et notamment des herbicides ou pesticides ne tient guère, car les statistiques des États-Unis et du Canada indiquent une tendance à l’augmentation de la consommation de produits phytosanitaires depuis le développement de la culture des OGM (1).
Parmi les autres risques non négligeables, on peut citer celui de voir ces gènes résistants se transmettre par pollinisation à des espèces cousines non comestibles, le risque de voir des OGM possédant un marqueur de résistance aux antibiotiques nuire à l’efficacité de certains traitements médicaux, ou encore la dépendance accrue des paysans qui doivent désormais payer des redevances à chaque récolte, y compris parfois quand leurs champs ont été contaminés accidentellement.
Pour finir, on peut ajouter que la majorité des organismes modifiés sont plus fragiles. En notre époque d’accroissement de la variabilité du climat, ce risque n’est pas négligeable.
Compte tenu de tous ces éléments, parler des OGM comme d’une solution au problème de la faim dans le monde peut-il relever d’autre chose que de l’inconséquence, voire de la démagogie ?
Pourtant même le Vatican, d’habitude irréductible sur les questions relatives à la manipulation de la vie, serait en passe de se laisser convaincre.
L’utilité des OGM pour la production de médicaments est plus délicate. Elle a même été utilisée de manière un peu sordide, en confrontant des parents d’enfants souffrants de problèmes génétiques à des militants anti-OGM. Par-delà le caractère dramatique de ces situations, trois éléments permettent de faire avancer le débat.
Tout d’abord, de nombreuses médications peuvent être produites sans manipulation génétique. C’est le cas de l’insuline ou de l’hormone de croissance. L’option OGM ne se justifie qu’en terme de réduction des coûts.
Ensuite, même quand le recours aux technologies transgéniques pourrait s’avérer incontournable, on peut le faire en milieu confiné. Troisièmement, ceux qui font venir ces parents en situation désespérée devant les caméras pensent-ils que ces personnes continueraient à soutenir la culture en plein champ si on leur disait qu’on ne peut pas scientifiquement prouver qu’un jour ces OGM ne seront pas à l’origine de nouvelles anomalies génétiques chez des millions d’autres enfants ?
Les OGM sont-ils dangereux ?
Personne ne peut sérieusement affirmer que les OGM ne sont pas dangereux. Certes, des chercheurs déclarent régulièrement que les craintes sur les OGM ne sont pas « scientifiquement fondées ». Mais il s’agit juste d’une litote, pour dire que l’on ne peut pas garantir leur innocuité. D’ailleurs, plutôt que de chercher à le nier, les chercheurs avancent aujourd’hui qu’ « il n’y a pas de risque zéro ». Mais cette formulation n’est-elle spécieuse ? Il ne s’agit pas de refuser la modernité ou la recherche, mais d’évaluer si les risques induits sont « éthiquement acceptable ».
Ainsi, demanderait-on à des passagers d’embarquer dans un avion piloté par un personnel sous-qualifié, sous prétexte qu’il n’y a pas de « risque zéro » et que l’avion peut se crasher « même » avec des pilotes chevronnés ?
De fait, il n’est même plus question de « risque improbable », car plusieurs affaires confirment l’existence de problèmes sérieux à la fois dans la transmission de gènes « baladeurs », dans la fiabilité de la fabrication, voire dans la toxicité.
En 2000, un chercheur allemand, le professeur Hans Hinrich Kaatz, de l’Institut de Recherche sur les Abeilles de Jena, a observé la transmission d’un gène modifié du colza vers une bactérie de l’appareil digestif des abeilles. Cela signifie que la barrière des espèces peut être transgressée par les OGM et que certains gènes pourraient passer à notre flore intestinale, voire s’intégrer dans nos corps.
La question de la fiabilité des modes de fabrication est aussi préoccupante. La firme Monsanto a obtenu en 1996 l’autorisation de commercialiser en Europe une de ses variétés : le Soja Roundup Ready. L’accord avait été signé sur la base d’un protocole scientifique très précis, qui stipulait la présence d’un unique fragment de gène. En 2000, un deuxième fragment était trouvé. Un an plus tard, un chercheur belge, le Dr de Loose, découvrait un troisième fragment d’origine inconnue, dont personne ne peut expliquer la présence (2). Malgré ces manquements aux conséquences imprévisibles, les autorités sanitaires européennes n’ont pas interdit la commercialisation de cet OVNI qui circule dans nos assiettes depuis huit ans.
En mai 2005, la presse britannique révélait qu’un maïs génétiquement modifié vendu dans le pays, le MON863, avait fait l’objet d’un rapport secret par son fabricant Monsanto, qui montrait que des rats avaient développé des anomalies d’organes internes et des changements sanguins, ce qui amenait à poser la question de possibles craintes sur la santé des personnes qui mangeraient ce maïs.
Frédéric Durand, Nature et Progrès, septembre-octobre 2005 – n° 54.
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