Depuis un an, les gouvernements du G8 ont été fortement incités à abolir la pauvreté (avec la campagne Make Poverty History) en garantissant un commerce plus équitable, des aides plus importantes et l’annulation des dettes. Si ces objectifs sont tout à fait louables, peu de réflexion a été apportée sur la forme que devraient revêtir ces aides et sur le modèle de développement économique et agricole à adopter pour les pays d’Afrique.
Une distribution des ressources plus équitable et plus équilibrée n’est pas suffisante, si nous ne remettons pas complètement en question notre mode d’agriculture, dans les pays riches comme dans les pays pauvres. Notre culture, à travers laquelle s’est développée l’agriculture industrielle, modifie profondément le climat mondial et déstabilise ce qui reste des écosystèmes naturels de notre biosphère. Si cette tendance n’est pas corrigée, les chances de réémergence d’une agriculture durable pouvant subvenir indéfiniment aux besoins de la population mondiale seront radicalement revues à la baisse.
Le protocole de Kyoto n’est qu’un timide effort visant à limiter les effets du réchauffement climatique. Mais même ces efforts ont été rejetés par les États-Unis d’Amérique, pays qui est à l’origine de près du quart du réchauffement climatique à lui seul. La vie telle que nous la connaissons risque fort de disparaître.
En supposant que nous pouvons infléchir le changement climatique, nous pourrions résoudre le problème de la production alimentaire durable en adoptant des modes d’agricultures permettant d’optimiser la biomasse nécessaire, tout en renforçant l’équilibre de l’écosystème agricole. L’agriculture biologique est-elle la réponse ?
Elle pourrait bien l’être, à condition que celle-ci soit prise au sérieux et que soient entrepris la recherche et le développement nécessaires à soutenir plutôt que contourner les cycles naturels, qui sont à la base du bon fonctionnement de l’écosystème global, comprenant également les terres non cultivées.
Est-ce possible? Pourquoi pas! Certaines communautés agricoles pratiquent ce mode d’agriculture depuis des milliers d’années. Avec nos connaissances actuelles, nous devrions pouvoir faire encore mieux.
Dans le Tigré, au nord de l’Éthiopie, certaines communautés agricoles pratiquent une agriculture biologique durable et obtiennent des résultats encourageants. Ces communautés, qui ont commencé à travailler sur des terres complètement dégradées, ont d’abord entrepris des activités de lutte contre l’érosion du sol (par le biais de gradins, barrages de correction de ravines et fossés d’écoulement). Ils ont également limité à de petites zones la paissance de leurs troupeaux, qu’ils ont nourris d’herbes et de feuilles coupées. Le manteau végétal a ainsi pu reprendre pleinement ses droits.
Mais depuis l’effondrement des organisations communautaires locales, ces pratiques traditionnelles n’ont pu être collectivement appliquées. Décidés à raviver ces organisations, ces communautés se sont alors imposé un certains nombres de règles; elles ont ainsi appris à préparer et utiliser le compost, puis à repiquer leurs récoltes annuelles (éleusine, sorgo et maïs) afin de garantir une saison de croissance suffisamment longue pour pallier le raccourcissement de la saison des pluies, toujours plus courte et instable du fait du réchauffement climatique.
Malheureusement, durant ces cinquante dernières années, la recherche s’est uniquement concentrée sur la sélection de variétés végétales à haut rendement, mais nécessitant une irrigation importante et l’utilisation d’engrais chimiques. Si autant d’énergie était consacrée à la sélection de variétés à haut rendement grâce à une fertilisation biologique des sols, je suis persuadé que les résultats seraient équivalents. Mais bien entendu, contrairement à l’agriculture industrielle, ces résultats seraient durables.
L’agriculture biologique permettra de nourrir toute la planète, j’en suis sûr. Je suis également sûr que l’être humain est en danger si l’agriculture biologique ne s’étend pas. Et si le réchauffement climatique n’est pas freiné, la biosphère telle que nous la connaissons aura complètement disparu, sans parler de la nourriture.
Cet article est extrait d’un discours donné à la Soil Association.
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