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Dongtan, première éco-ville du monde, ouvre la voie vers le développement durable urbain

L’un des spécialistes qui a travaillé sur le projet de ville durable en Chine, à Dongtan, explique les enjeux du projet.

La Chine compte 200 villes d’un million ou plus d’habitants. En comparaison, les États-Unis en ont neuf et l’Europe en a moins de quarante. La Chine est une civilisation de 5.000 ans d’histoire d’une inventivité et d’un raffinement toujours grandissants. De 600 à 1500, elle a été la société la plus avancée scientifiquement et technologiquement du monde. Elle était en avance en matière d’astronomie, de mathématiques, de médecine, de poterie et de cultures de plantes. Elle a inventé la boussole magnétique, la poudre à canon, le béton, la fabrication du papier et l’imprimerie. Elle a changé en étant soit une société fermée et tournée vers l’intérieur du pays, soit une société très ouverte qui cherchait à tisser des liens avec d’autres civilisations.

La Chine a aussi construit les villes les plus grandes et les plus spectaculaires avant l’ère moderne comme Pékin avec une population qui atteignait déjà 2 millions d’habitants au XVIIe siècle. Cependant, elle est aussi restée une terre de villages et d’agriculteurs. Sous Mao, cette tendance s’était fortement accentuée et la Chine est devenue une championne de l’industrie villageoise, des exploitations collectives et de l’autosuffisance à l’échelle locale.

Tout cela a changé après la mort de Mao. Mais, alors que la décision d’industrialiser et d’urbaniser de la Chine lui a permis d’avoir une économie florissante, avec l’expansion du consumérisme à l’occidentale à travers tout le pays, cela a aussi généré des problèmes de pollution majeure. L’oxyde de soufre et l’oxyde d’azote ont transformé l’air de la Chine en brouillard mêlé de fumée et les déchets urbains, les excédents d’engrais des exploitations agricoles et les produits chimiques industriels empoisonnent ses cours d’eau. Il y a aussi une dimension de plus en plus mondiale: à cause de la construction d’une station thermique alimentée au charbon par semaine et de la production de voitures en Chine qui est au coude à coude avec celle du japon, son niveau d’émission de CO2 rattrape celui des États-Unis. Cependant, la Chine semble apprendre les leçons beaucoup plus rapidement en matière de limites à la croissance.

Quand le président Hu Jintao a pris la relève en 2003, on a commencé à poser des questions pertinentes sur la trajectoire prise par le développement chinois. Dès lors, a émergé une nouvelle politique basée sur « l’harmonie entre l’humanité et la nature » et « la construction d’une société orientée vers la protection et le respect de la nature ». Lors de récents discours, des dirigeants chinois ont insisté sur le fait que « le développement économique doit prendre en compte son impact sur l’environnement et la société ».

Il y a de fortes chances que ces messages aient grandement influé sur les décisions des fonctionnaires et des aménageurs du gouvernement. Un des projets importants est la commande par la Société d’investissement industriel de Shanghai (SIIC) de la première éco-ville faite sur mesure du monde, Dongtan. Elle sera construite sur l’île de Chongming, sur le delta du Yangzi Jiang, sur une zone dont la surface est égale aux trois quarts de l’île de Manhattan, soit 86 km². D’ici 2010, il y aura 25.000 habitants, d’ici 2030, la population atteindra les quelque 500.000 habitants. Elle est conçue pour être une ville agréable et vraiment durable avec une empreinte écologique minime. Le but est d’utiliser Dongtan comme une vitrine pour la conception urbaine à venir. Comme la Chine prévoit la construction de pas moins de 400 nouvelles villes au cours des 20 prochaines années, le succès de Dongtan est d’une importance cruciale.

La première phase de l’éco-ville de Dongtan consiste à la concevoir comme une petite ville composée de trois villages compacts et piétonniers, chacun avec son propre caractère distinct. La ville continuera ensuite de croître comme une collection de petites villes reliées par des pistes cyclables et des corridors de transport public, permettant aux habitants d’accéder aux différentes parties de la ville en tramway, en bus et en vélo, aussi bien qu’à pied. Le but est d’assurer aux gens de ne pas marcher plus de sept minutes de n’importe quel point de la ville pour atteindre un arrêt de bus ou une station de tramway.

La conception de Dongtan se fonde sur le principe que tous les citoyens peuvent être en lien étroit avec des espaces verts ouverts, des lacs et des canaux. Ces constructions seront très peu consommatrices d’énergie et la ville sera principalement alimentée par des énergies renouvelables, l’éolien, le solaire et la biomasse.

La plupart des déchets produits par Dongtan sera recyclée et transformée en compost. La plus grosse partie des déchets organiques sera acheminée vers les exploitations agricoles locales pour aider au maintien de leur fertilité sur le long terme et de leur capacité à subvenir à la majorité des besoins alimentaires de la ville. Ironiquement, Dongtan est construite sur une île du delta du Yangzi qui est elle-même le produit d’une catastrophe écologique. Au cours des cinquante dernières années, l’île de Chongming est devenue la plus grande île alluviale du monde, en doublant de surface à cause de l’érosion des sols due à la déforestation qui a lessivé les eaux superficielles de la rivière Yangzi. La surface de Chongming a augmenté de 600 km² en 1950 à 1290 km² actuellement.

Une raison qui a conduit à créer une nouvelle ville dont l’impact sur l’environnement est minimal sur l’île de Chongming est l’existence d’une vaste zone humide, dans le sud de l’île, qui est une réserve pour les oiseaux migrateurs et la plus grande de ce genre en Chine. La zone humide sera préservée et contribuera à attirer les visiteurs. La végétation de cette réserve tempérera aussi la ville de Dongtan, lui assurant de devenir partie intégrante de l’habitat naturel de l’île plutôt qu’une barrière.

Grâce à Dongtan, un avenir durable n’est pas un rêve lointain mais une vision qui a, en réalité, déjà vu le jour. La stratégie de la ville écologique de Dongtan a pour objectif d’être développée en plusieurs étapes au cours des trente à quarante prochaines années. Un tunnel et un pont reliant l’île de Chongming à Shanghai sont déjà en construction. En 2010, Shanghai accueillera l’Exposition universelle et l’exécution de la première phase de Dongtan démontrera que la durabilité écologique et l’accès à la nature font partie intégrante du nouveau développement de la Chine.

Dongtan est un projet local dotée d’une perspective mondiale, conçu pour faire en sorte que la Chine joue un rôle clé dans l’émergence d’un monde d’installations humaines écologiquement et économiquement durables. Il devient évident que la planète ne sera pas capable de s’en sortir si 1,3 milliard de Chinois et 1,2 milliard d’Indiens se comportent comme l’ont fait jusqu’ici seulement quelques centaines de millions de gens: extraire les ressources, consommer et polluer. Alors que des pays à forte population tels que la Chine et l’Inde rattrapent l’Europe, l’Amérique du nord, le Japon et l’Australie, le développement durable du monde est le seul chemin à prendre.

Dongtan a l’intention de devenir un exemple. Elle sera une ville écologique innovatrice qui pourrait devenir une référence en matière de développement durable urbain.

Resurgence n°236. Mai-Juin 2006.

www.resurgence.org

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