Pour empêcher une hausse globale des températures de 2 °C au-dessus de leur niveau préindustriel, les pays riches doivent réduire leurs émissions de gaz carbonique de 90% d’ici 2030.
En cherchant à savoir comment s’y prendre, j’ai eu de nombreuses surprises. Le plus choquant pour moi a été de découvrir qu’on a grossièrement exagéré les bienfaits de la micro-production d’énergie renouvelable – chacun produisant sa propre électricité grâce à un appareil installé dans la maison ou le jardin. Ceux qui prétendent que l’on peut produire toute l’électricité dont nous avons besoin et chauffer nos maisons grâce à cette micro-production ont fait grand tort à la campagne contre le chaos climatique, encourageant la complaisance et détournant nos efforts dans une mauvaise direction.
L’exemple suivant montre à quel point la rhétorique concernant la micro-production peut être trompeuse. L’anné dernière, l’architecte écologiste Bill Dunster, concepteur du fameux lotissement BedZed à émission zéro à côté de Londres, a sorti une brochure affirmant que « jusqu’à la moitié de votre consommation annuelle d’électricité peut être couverte par une micro-éolienne quasiment silencieuse. » L’éolienne, précise-t-il, a un diamètre de 1,75 mètre.
Quelques mois plus tard, le magazine Building for a Future, promoteur des énergies renouvelables, a publié une étude sur les éoliennes. Avec des vents de 4 m/s – ce qui est plus rapide que la moyenne à peu près partout au Royaume Uni – une éolienne de 1,75 m produit environ 5% de la consommation annuelle d’électricité d’un foyer moyen. Pour fournir les 50% annoncé par Dunster, il faudrait une machine de 4 m de diamètre qui arracherait un pan de votre maison.
De plus, les turbulences diminuant l’efficacité des éoliennes, il faut les installer au moins 11 m au-dessus de tout obstacle situé à moins de 100 m. Pour la plupart des habitations, cela revient à poser un mini-piège à avion. Plus le poteau est haut, plus vous risquez d’endommager sérieusement votre maison. Dans la plupart des cas, les micro-éoliennes sont une perte de temps et d’argent.
Et la micro-énergie solaire alors? Dans son livre Half Gone (Portobello Books, 2006), Jeremy Leggett, P.-D. G. de la société Solarcentury spécialiste du photovoltaïque, prétend que même dans un pays peu ensoleillé comme le Royaume Uni, on peut produire plus d’électricité qu’il n’en consomme actuellement en mettant des tuiles photovoltaïques sur tous les toits où cela est possible. Devant une telle affirmation, on s’attend à ce qu’elle soit tirée d’une source sûre comme une revue spécialisée par exemple. Mais la référence que Legget donne est un dépliant de BP « Solar Energy: lumineusement simple » disponible dans les stations services du Royaume Uni.
Cette estimation est contredite par une société de consultants européenne, Future Energy Solutions anciennement Energy Technology Support Unit. D’après leurs calculs, si l’énergie solaire pouvait atteindre un rendement de 12 à 15% sur tous les points du globe, la production optimal au Royaume Uni en 2005 serait de 266 terawatt-heures par an. La consommation totale d’électricité de ce pays est actuellement de 406 TWh.
L’affirmation de Leggett est plus trompeuse encore. D’abord, les panneaux solaires exposés au nord produisent moins que ceux exposés au sud. Ensuite, chercher à produire toute notre électricité de cette manière aurait un coût étourdissant et inutile. Il y a de bien meilleures manières de dépenser cet argent. D’après les estimations de l’Agence Internationale de l’Énergie grâce à son modèle MARKAL, le coût de l’économie de carbone grâce à l’énergie solaire en 2020 se situerait entre 2200 à 3300 livres par tonne. Par contraste, leurs estimations concernant l’énergie produite par macro-éoliennes en bord de mer allait d’une économie de 40 livres à un coût de 130 livres par tonne. Enfin, la capacité de production solaire ne correspond pas à la demande. Au Royaume Uni, celle-ci est au plus haut les soirs d’hiver. Même si nous parvenions à produire 407 TWh par an grâce à des panneaux solaires sur nos toits, nous en gaspillerions une grande partie.
Quant est-il alors de l’argument de certains selon lequel, bien que les micro-générateurs ne puissent apporter qu’une modeste contribution, ils éveillent les consciences aux problèmes écologiques? Il semble plus probable qu’ils auront un effet contraire lorsque leurs propriétaires découvriront à quel point ils se sont fait avoir et que leurs voisins seront à bout de nerfs à cause des hoquets incessants d’un moulin mal placé.
Quelle est l’alternative? Au lieu de remplacer le réseau national par des productions locales, comme le suggère le député vert Caroline Lucas, il convient de le développer largement pour aller chercher l’énergie renouvelable là où elle abonde. Cela implique avant toute chose d’investir massivement dans les parcs d’éoliennes en bord de mer. Un récent rapport gouvernemental suggère que l’Angleterre et le pays de Galles ont des ressources potentielles de vent en bord de mer de 3200 TWh. Des câbles souterrains à haute tension permettraient de mettre à profit une plus vaste surface du plateau continental, de produire plus d’électricité de manière plus fiable, de ne pas défigurer le paysage et de ne pas se mettre en travers de la route des oiseaux migrateurs.
La production d’électricité ne peut se contenter de fonctionner au vent. Il est cependant clair qu’on fera meilleur usage de notre argent et de notre temps en construisant des éoliennes géantes en bord de mer plutôt qu’en installant des mini-turbines là où elles seront plus source de conflit que d’énergie.
Small-scale renewable power – low-wattage thinking?
George Monbiot.
New Scientist, n° 2571, 03 septembre 2006
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