Trop d’engrais, trop de lisier !

Les nitrates qui s’écoulent dans nos rivières proviennent à 98% de l’activité agricole: du gaspillage des engrais minéraux et de l’épandage des millions de m3 de lisier produits par les porcs et volailles entassés dans les élevages industriels.

Trop d’animaux

Sur seulement 7% de la surface agricole de la France, la Bretagne concentre des millions de porcs, 94 millions de volailles et 2,25 millions de bovins. Ces animaux produisent chaque année environ 227.000 tonnes d’azote. Cette concentration a été encouragée par les pouvoirs publics qui ont longtemps accepté que la réglementation soit bafouée, fût-ce au prix d’une dégradation considérable de l’environnement.

Si, depuis 1980, on sait que plusieurs cantons de Bretagne sont saturés de lisier et que les surfaces agricoles sont insuffisantes pour l’éliminer, il a fallu attendre 1997 pour que ces cantons soient officiellement classés en zones d’excédent structurel ! Entre 1997 et 2002, le nombre de ces cantons en ZES [Zones Économiques Spéciales] est passé de 70 à 104 !

Des tentatives d’interdiction d’extension des élevages ont été menées, notamment sous les ministères de C. Lepage et D. Voynet, mais elles ont été très vite contournées sous prétexte de développement des élevages « familiaux » représentant jusqu’à 60% des élevages dans certaines productions…

Depuis l’été 2005, au prétexte de « faire respirer l’élevage breton« , l’interdiction d’extension des élevages industriels dans les ZES a volé en éclats et l’on peut à présent remplacer les vaches ou les poulets par des cochons et concentrer toutes la production sur un seul site… Comprenne qui pourra !

Les programmes de résorption des excédents (sous-estimés selon les scientifiques de l’Inra de Rennes) mis en œuvre depuis 1997 et qui étaient censés produire leurs effets avant 2006, n’ont encore permis d’éliminer qu’environ 40% des excédents d’azote de la région.

Et encore, on ne tient pas compte du caractère parfois virtuel des « transferts » de fumiers de volailles prévus pour être exportés hors de Bretagne: ils se retrouvent dans environ 20% des cas sur le canton ou le département voisin…

Trop d’engrais

Pendant des années, les responsables agricoles ont proclamé que les lisiers et fumiers allaient remplacer l’utilisation des engrais minéraux. Mais la réalité n’est pas aussi belle: les entreprises rémunèrent toujours en partie les vendeurs d’engrais au prorata des quantités commercialisées, les producteurs de lait et de viande bovine, qui disposent des surfaces d’épandage, n’ont pas toujours envie d’éponger les surplus de lisier de leurs voisins éleveurs hors-sol de porcs ou de poulets, et l’usage de l’engrais chimique est peu coûteux, sûr, et confortable.

Dans ces conditions, la réduction de la consommation d’engrais azotés fixée par le Plan d’action pour le développement pérenne de l’agriculture et de l’agro-alimentaire à 30.000 tonnes, n’a concerné que 12.000 tonnes.

La « Charte des prescripteurs« , signée en grande pompe en 2001 et financée par d’importants fonds publics, devait précisément mobiliser les fabricants et distributeurs d’engrais pour faire reculer ce gaspillage. L’évaluation de cette charte réalisée en 2004 à la demande des financeurs (agence de l’eau, conseil régional, État…) a conclu à une « faible efficacité » de cette démarche.

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