La possibilité d’une réduction de la circulation thermohaline dans l’Atlantique, due à l’excès de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, a été mise en évidence par plusieurs simulations de circulation dans des modèles expérimentaux d’échanges entre l’océan et l’atmosphère.
Cependant, il reste très difficile d’estimer la probabilité de la circulation thermohaline, principalement à cause des incertitudes liées à l’impact de l’effet de serre sur l’ensemble du climat et aux paramètres approximatifs des modèles. L’étude des changements climatiques soudains survenus dans le passé permet de surmonter ces difficultés.
Les modèles et les données indiquent que le brutal changement climatique qui a eu lieu pendant la dernière période glacière était dû à des variations de la circulation thermohaline, elles-mêmes engendrées par d’infimes changements du cycle hydrologique. Les répercussions atmosphériques et océaniques de ces changements sont intervenus à l’échelle globale sous la forme d’effets rétroactifs. Les données sur le paléoclimat et les résultats de ce modèle confirment que la circulation thermohaline dépend de l’état général du climat.
L’océan influe sur le climat par la chaleur qu’il dégage sur les zones environnantes, modérant ainsi les fluctuations journalières, saisonnières ou annuelles des températures, et par sa capacité à transporter la chaleur d’un point à un autre. Dans l’Atlantique Nord, la différence de réchauffement solaire entre les hautes et les basses latitudes a tendance à faire dériver les eaux de surface vers les pôles alors que l’afflux d’eau douce à des latitudes élevées et l’évaporation à de basses latitudes tendent à enrayer ce phénomène. Aujourd’hui, la première dynamique thermique l’emporte sur la seconde dynamique haline (eau douce), et le renversement méridional dans l’Atlantique pousse les eaux de surface vers les pôles, alors que les eaux profondes des mers nordiques se dirigent vers le Sud dans un courant appelé le NADW (North Atlantic Deep Water). Cette circulation thermohaline est la principale responsable du transfert de chaleur en direction des pôles dans l’Atlantique. […]
[…] Ici nous assimilons un changement brutal à une transition persistante du climat (à une échelle continentale) qui a lieu sur une période de plusieurs décennies. Bien qu’il soit intéressant de comprendre les mécanismes à l’origine des transitions soudaines de climat, il y a un besoin urgent de définir les indices annonciateurs des transitions à venir. La plupart des prévisions de modèle de climat global (GCM) pour le xxIe siècle, à quelques exceptions près, montrent un affaiblissement de la circulation renversée dans l’Atlantique lié à des concentrations de gaz à effet de serre de plus en plus élevées. Si le réchauffement s’avère sérieux et s’inscrit dans la durée, cette circulation pourrait, à terme, s’arrêter complètement. La simulation réussie des changements climatiques soudains tels que ceux mis en évidence par la paléoclimatologie est la seule preuve de validité du modèle de climat global (GCM). Il doit servir à évaluer la possibilité de vastes réorganisations entre l’océan et l’atmosphère dans le cadre d’une prévision des changements climatiques futurs.
The role of the thermohaline circulation in abrupt climate change
Peter U. CLARK, Nicklas G. PISIAS, Thomas F. STOCKER & Andrew J. WEAVER
NATURE vol. 415, 21 février 2002
© 2002 Macmillan Magazines Ltd
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