Voir ce genre de record battu n’est pas des plus plaisants, surtout pour un habitant de l’hémisphère sud. Des chercheurs de plusieurs centres et universités chargés d’évaluer l’amincissement de la couche d’ozone au-dessus de l’Antarctique affirment que le trou d’ozone annuel mesuré cette année est non seulement aussi important que le plus grand jamais constaté jusque-là dans cette région, mais qu’il est également le plus profond jamais formé. Le 24 septembre dernier [article publié en 2006], le trou d’ozone de l’Antarctique a atteint pendant une journée un record de 29,5 millions de kilomètres carrés, étendue qui couvre le continent entier et déborde en partie sur l’Australie et l’Amérique du Sud. Ce trou a à peu près la même taille que le trou record apparu dans la région en 2000. […]
« Une très grande partie du trou est cette année totalement dépourvue d’ozone« , a annoncé Jennifer Mercer, co-responsable en chef des recherches de l’université du Wyoming, qui dirige le groupe chargé de mesurer le phénomène annuel d’appauvrissement de l’ozone, au moyen de ballons-sondes et de lasers. Le trou d’ozone, région de la basse stratosphère plus ou moins centrée sur l’Antarctique, a subi les précédentes années un appauvrissement presque total de son ozone, mais sa profondeur n’avait jamais été aussi grande. […]
L’Université du Wyoming fait partie des deux premières universités qui, en plus de la NASA et de la National Oceanographic and Atmospheric Administration (NOAA), ont dépêché il y a vingt ans de cela une équipe de chercheurs en Antarctique afin de déterminer les causes du trou d’ozone découvert en 1985. L’Université de l’État de New York à Stony Brook a ensuite rejoint l’équipe.
Ce groupe, appelé Expédition ozone nationale, a ultérieurement déterminé – grâce à des mesures en surface, en laboratoire et par ballons-sondes – que le chlore libéré par les chlorofluorocarbures (CFC) était le principal élément responsable de l’appauvrissement de l’ozone dans l’atmosphère.
David Hofmann était le chercheur en chef représentant l’Université du Wyoming en 1986. Il est aujourd’hui directeur de la Global Monitoring Division du Earth System Research Laboratory de la NOAA à Boulder, dans l’État du Colorado. Il est à ce titre chercheur en chef d’un projet sur le pôle Sud dont l’objectif est de mesurer les constituants de l’atmosphère, dont les composés chimiques responsables de l’appauvrissement de l’ozone. Des ballons-sondes sont lancés de la station du pôle Sud tout au long de l’année. […]
Petit rappel sur l’ozone
L’ozone est une molécule assez instable, composée de trois atomes d’oxygène au lieu de deux. Il est présent dans l’atmosphère de la Terre, et plus particulièrement concentré dans la basse stratosphère, région communément appelée « couche d’ozone » et située à environ 10 à 30 kilomètres au-dessus de la surface de la planète (la couche située juste en dessous de l’ozone est la troposphère, à l’intérieur de laquelle il nous est possible de vivre et de respirer). La couche d’ozone bloque les rayons ultraviolets nocifs, incriminés dans le cancer de la peau.
Chaque année entre août et novembre, au début de l’été austral, le trou d’ozone situé au-dessus de l’Antarctique croît et décroît (un trou de même nature, mais de taille beaucoup plus restreinte, apparaît également au-dessus de l’Arctique lorsque le printemps arrive dans cette région). Ce trou est la conséquence de l’apport de CFC et d’autres gaz à base de chlore et de brome qui interagissent avec deux phénomènes naturels. D’un côté, le vortex polaire, une sorte de cyclone atmosphérique qui redouble de puissance l’hiver, lorsque la température descend au-dessous de – 80 °C. De l’autre, les nuages stratosphériques polaires (PSC) — discernables par leur aspect nacré lorsqu’ils sont visibles — qui se forment au cours du rigoureux hiver polaire.
Le vortex est un système fermé à l’intérieur duquel les composés chimiques destructeurs d’ozone peuvent se déplacer rapidement. La surface des PSC est le lieu par excellence où, lorsque le soleil revient au printemps, le chlore et le brome se libèrent et se déchaînent pour détruire l’ozone.
Résorption
Les scientifiques affirment s’attendre à ce que ces gigantesques trous d’ozone continuent à apparaître au moins au cours des quelques prochaines années. Il est possible qu’aucune réelle amélioration ne soit constatée avant 2010, et que la variabilité constante de l’appauvrissement de l’ozone dissimule le processus de résorption pendant encore un long moment. Bien que la NOAA et la NASA anticipent à 2065 la reconstitution de l’ozone, celle-ci ne se fera, selon les estimations, qu’entre 2040 et 2080.
Malgré le trou d’ozone record de cette année, les scientifiques constatent une faible réduction des quantités de composés chimiques destructeurs d’ozone.
« Le niveau maximal de chlore [dans la stratosphère] a été atteint vers l’an 2000; nous devrions donc commencer à noter une amélioration« , a déclaré Jennifer Mercer.
Selon David Hofmann, le chlore et le brome ont atteint leur niveau de concentration maximal à la surface de la Terre vers 1994. « Ces gaz mettent beaucoup de temps à migrer vers la stratosphère, surtout vers la stratosphère antarctique« , a-t-il déclaré, ajoutant que ces molécules peuvent avoir besoin de six années pour voyager de l’hémisphère nord à l’Antarctique.
Ou régression
Il n’est à l’heure actuelle pas certain que la couche d’ozone puisse se reconstituer totalement jusqu’aux niveaux constatés avant 1980, date à laquelle les CFC et autres composés chimiques ont commencé à l’attaquer. Cette incertitude tient en partie au fait que la production des gaz destructeurs d’ozone n’a pas totalement cessé.
Les entreprises chimiques nord-américaines ont en réalité un stock de bromure de méthyle (un pesticide) de plus de neuf millions de kilos. De plus, selon un article paru dans le Los Angeles Times, la U.S. Environmental Protection Agency (Agence américaine de protection de l’environnement) a cette année autorisé la production de presque sept millions de kilos supplémentaires.
David Hofmann a souligné que les mesures atmosphériques, telles que celles réalisées au pôle Sud par la NOAA, ont relevé des taux de plus en plus faibles de ces composés pesticides au cours des cinq ou six dernières années.
Le réchauffement climatique, bien qu’il n’ait pas de lien avec la destruction de l’ozone, pourrait cependant jouer un rôle dans la sévérité du trou d’ozone annuel, ainsi que dans la possible résorption du trou d’ozone. En effet, les gaz à effet de serre retiennent la chaleur dans la troposphère et ralentissent donc le transfert de cette chaleur vers la stratosphère. Celle-ci demeure ainsi plus longtemps à des températures inférieures.
« Si la stratosphère est plus froide, les vortex polaires annuels peuvent être beaucoup plus froids et longs« , explique Jennifer Mercer. « Cela mènerait alors à un trou d’ozone plus long ou plus large, son étendue dépendant de la taille de ce vortex. »
Selon les scientifiques, les disparités entre les modèles de changements climatiques rendent difficile toute prédiction concernant la façon dont l’effet de serre pourrait entraver la résorption du trou de la couche d’ozone.
Une solution à prendre en exemple ?
Malgré ces revers évidents, les scientifiques restent optimistes et pensent que la couche d’ozone finira par se reconstituer. Ils applaudissent la réaction rapide de la communauté internationale, qui a adopté le Protocole de Montréal en 1987. Le Protocole – et ses amendements ultérieurs – a été adopté pour assurer la protection de la couche d’ozone en éliminant progressivement les substances responsables de son appauvrissement.
Selon David Hofmann, le Protocole est un exemple de la façon dont les nations pourraient coopérer pour prendre des mesures à l’égard d’un problème potentiellement plus grave: le réchauffement climatique et l’usage généralisé de technologies émettrices de dioxyde de carbone, le principal gaz à effet de serre.
Un commentaire
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Ashley Barbera
bravo pour pour ces beaux partages.