En temps normal, le processus nucléaire génère des déchets sous forme d’éléments combustibles usés, qui finissent inévitablement, qu’ils soient retraités et réutilisés ou non, par être évacués. Mais avant cela, ces éléments doivent refroidir dans des bassins d’évacuation afin que les isotopes se désintègrent partiellement. Ce processus dure entre 10 et 100 ans, avec une moyenne avoisinant les 60 ans. Ces bassins doivent être reliés à une source électrique fiable pour que les combustibles usés soient continuellement immergés dans une eau en mouvement, afin d’empêcher les éléments combustibles de sécher et de s’enflammer.
Ensuite, ces déchets doivent être enfermés, à l’aide de robots contrôlés à distance, dans des coffres très étanches en plomb, acier et cuivre électrolytique pur. Ces coffres eux-mêmes doivent être enterrés dans de gigantesques dépôts considérés comme stables. En temps voulu, nous trouverons probablement de meilleures solutions.
Mais il n’existe pas de solution miracle pour stocker des déchets qui resteront radioactifs pendant des centaines d’années et qui demanderont, quelle que soit la solution retenue, beaucoup d’énergie. Par exemple, l’énergie nécessaire, pendant la durée de vie d’un réacteur, à la construction des coffres (pesant plus de dix fois le poids des déchets qu’ils contiennent) et pour obtenir le cuivre électrolytique n’a jamais été évaluée, mais on estime aujourd’hui qu’elle avoisine la quantité d’énergie nécessaire pour construire le réacteur en premier lieu.
Une deuxième forme de déchets produits durant le processus nucléaire consiste dans les émissions quotidiennes, dans l’air et dans l’eau, de minuscules quantités d’isotopes radioactifs, parmi lesquels l’hydrogène 3 (tritium), le carbone 14 et le plutonium 239. L’importance de ce phénomène n’a été reconnue que très récemment et commence tout juste à être étudiée.
Une troisième forme de déchets, moins prévisible, se produit sous forme d’émissions catastrophiques lors d’accidents nucléaires.
L’industrie nucléaire a mis en place des systèmes de sécurité fiables; une nécessité compte tenu des conséquences extrêmes que peut avoir le moindre accident. Toutefois, aucun système ne saurait protéger totalement contre les accidents.
Travailler dans une centrale est monotone: les employés traversent de longues périodes d’ennui, uniquement ponctuées par quelques événements imprévisibles, et s’habituent aux anomalies. Au milieu des années 1990, un ingénieur expert de la Commission américaine de régulation du nucléaire (NRC) a remarqué ces dangers: « Je crois au nucléaire, mais après avoir vu la NRC en action, je suis convaincu qu’un accident n’est pas seulement probable, mais inévitable… Ils ne prennent pas leur travail au sérieux ». Chaque technologie s’accompagne de son lot d’accidents; la NRC estime que la probabilité d’une catastrophe nucléaire aux États-Unis dans les vingt prochaines années varie de 15 à 45%. Ce risque ne disparaît jamais: la société se protège et continue d’avancer. Mais dans le cas du nucléaire, il existe une différence: les conséquences d’un accident grave, à l’image de Tchernobyl, voire pire ou même bien pire, ferait du nucléaire un risque que personne ne voudrait assurer, même avec l’aide financière du gouvernement en ce qui concerne les primes.
Tout cela aboutit à une quatrième forme de « déchet »: le plutonium lui-même. Une fois isolé et purifié dans une usine de retraitement, le plutonium peut alors servir d’arme et alimenter ainsi la prolifération nucléaire. C’est l’un des trois moyens par lesquels l’industrie sert de tremplin à la prolifération d’armes nucléaires. Le deuxième moyen consiste à enrichir l’uranium 235 à 90% au lieu des 3,5% nécessaires à l’utilisation en centrale. Enfin, le troisième moyen est de fournir du matériel radioactif pouvant être dispersé par des explosifs traditionnels, les fameuses « bombes sales ».
Gaz à effet de serre
Toutes les étapes de la fission nucléaire consomment de l’énergie, qui provient principalement de combustibles fossiles. L’énergie nucléaire est donc une source considérable de gaz à effet de serre. Livrer aux consommateurs l’énergie produite par une centrale émet, à l’heure actuelle, à peine trois fois moins de dioxyde de carbone que la livraison de la même quantité d’énergie obtenue par le gaz naturel…
… ou plutôt, émettrait trois fois moins de CO2, si l’on tenait compte du coût énergétique que représente la production d’électricité à partir de l’uranium, en incluant également le coût énergétique du traitement des déchets.
Malheureusement, en partie à cause de l’énergie nécessaire au refroidissement des déchets, ce n’est pas le cas. Le traitement des déchets nucléaires est repoussé à plus tard, ce qui signifie que les émissions de CO2 liées au nucléaire sont plutôt correctes pour le moment: avec environ 60 grammes par kWh, cela représente environ 16% des émissions causées par des centrales électriques fonctionnant au gaz. Le problème est que ce chiffre double si l’on tient compte du coût énergétique du traitement des déchets, et il augmente encore quand les centrales doivent utiliser des minerais de moins bonne qualité. On peut d’ailleurs s’attendre à ce que les minerais restants soient de si mauvaise qualité que les combustibles fossiles utilisés dans le nucléaire produiraient moins de dioxyde de carbone par kilowattheure s’ils étaient utilisés pour produire directement de l’électricité.
Le dioxyde de carbone n’est pas le seul gaz à effet de serre relâché par l’industrie nucléaire. L’enrichissement d’une tonne d’uranium nécessite l’ajout d’une demi-tonne de fluor, produisant ainsi un gaz nommé hexafluorure d’uranium, utilisé dans les centrifugeuses. À la fin du processus, seule la fraction enrichie du gaz est utilisée dans le réacteur, le reste, le gaz appauvri, est un déchet. Il est impossible d’empêcher qu’une partie de ces gaz ne s’échappe dans l’atmosphère. La seule solution pour limiter les dégâts consiste donc à les enfermer dans des coffres sûrs et à les enterrer le plus profondément possible.
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