Si Max Havelaar a fait le choix de placer ses produits labellisés dans les supermarchés, Artisans du Monde, fort d’un réseau de 160 points de vente, craint que les enseignes ne proposent un commerce équitable « au rabais« . « La menace, c’est que des multinationales créent leurs propres labels sans passer par Max Havelaar, analyse Laurent Levard. Elles pourraient alors mettre en concurrence les organismes labellisateurs, et choisir le moins-disant. » Michel-Édouard Leclerc déclare vouloir imposer son enseigne comme leader du commerce équitable en France. Pour cela, il entend faire baisser le prix des produits issus du commerce équitable : « Le prix de la matière première représente 15 % du prix des produits du commerce équitable, calcule M. É. Leclerc. En France, le commerce équitable est confidentiel et ne permet pas d’optimiser les coûts de transports. On peut également diminuer les coûts en baissant le nombre d’intermédiaires. »
Malgré son attitude offensive, le PDG des centres Leclerc se défend de vouloir créer sa propre marque : « Nous n’avons pas intérêt à multiplier les labels. Les consommateurs connaissent Max Havelaar. Pourquoi chercher à flinguer un truc qui marche ? » Laurent Levard reste sceptique : « Nous demandons à Max Havelaar d’être très strict avec la grande distribution. Le commerce équitable n’est pas négociable. C’est pourquoi nous portons une attention particulière à la législation. »
En effet, du côté de la réglementation, du chemin reste à faire. Une première définition avait été donnée par l’article 60 de la loi sur les PME du 2 août 2005, mais elle reste très évasive. En janvier 2006, l’AFNOR publie l’Accord AC X50-340, un texte de référence qui définit « les trois principes du commerce équitable » : l’équilibre de la relation commerciale entre les partenaires ou co-contractants, l’accompagnement des producteurs et des organisations des producteurs engagés dans le commerce équitable, l’information et la sensibilisation du consommateur, du client et plus globalement du public au commerce équitable. Mais l’appétit de la grande distribution rend ces consignes insuffisantes. C’est pourquoi un décret du 3 mai 2006 met en place une Commission nationale du commerce équitable, dans laquelle siègeront huit représentants du gouvernement, huit ONG et associations de commerce équitable, deux professionnels du secteur, deux associations de consommateurs, deux personnes qualifiées.
Victor Ferreira, directeur de l’association Max Havelaar France, se félicite de ce décret qui « a le mérite de clarifier les choses alors que la valeur d’équité devient un argument marketing. Il y a des initiatives qui se prétendent du commerce équitable sans en respecter les critères internationaux. Ce cadre minimal leur empêchera d’afficher n’importe quoi. » Néanmoins, le décret laisse des marges d’interprétation : « Des entreprises peuvent encore mettre en place des labels fondés sur une démarche marketing plus qu’une démarche de développement pour les producteurs du Sud, s’inquiète Victor Ferreira. Elles pourront respecter le texte, mais pas l’esprit. »
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