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La planète malade du tourisme

Chaque année, près de 1 milliard de personnes partent en vacances à travers le monde. Leurs péré-grinations riment souvent avec pollution et dégradation de l’environnement. Certains professionnels tirent même la sonnette d’alarme.

Chaque année, près de 1 milliard de personnes partent en vacances à travers le monde. Leurs péré-grinations riment souvent avec pollution et dégradation de l’environnement. Certains professionnels tirent même la sonnette d’alarme.

C’est une mer de détritus qui voguent au fil de l’eau: canettes, sacs en plastique, ballons crevés… Toutes les ordures du monde, jetées du pont d’un bateau ou du quai d’un port, abandonnées sur une plage aux antipodes, se retrouvent là, quelque part entre Hawaii et la Californie. Un immense tourbil-lon d’air chaud y creuse un entonnoir aquatique, véritable aspirateur à déchets. Cette mer d’immondi-ces, baptisée « décharge du Pacifique Nord », est vaste comme le Texas et concentre une masse de plastique six fois supérieure à celle du plancton. Ici, et dans six autres puisards identiques ailleurs sur le globe, finissent nos rebuts, du bâton de sucette à la bouteille de soda oubliés sur le sable, à l’heure du retour au camping.

Vivent les algues

Le ratissage des plages à la pelle mécanique, pour garantir aux estivants un sable parfait, perturbe les écosystèmes du littoral. Les débris naturels (algues, bois flottés…) participent en effet de la chaîne alimentaire, du plancton aux poissons en passant par les crustacés, et constituent des abris pour les « locataires » du rivage. […] Conséquence: certaines plages, trop parfaites à force d’être ratissées, ont fini par être emportées par les vagues.

Les vacances salissent. Dégradent. Perturbent. Chaque année, près de 1 milliard d’hommes migrent pour leur plaisir, parcourant en moyenne 1.900 kilomètres chacun, essaimant des souvenirs plus ou moins reluisants. Le ciel n’y échappe pas: les vacances et les loisirs sont responsables de plus de 5% des émissions globales de gaz à effet de serre (GES), dont 1,6% imputables à l’avion. Cette pollution n’épargne aucun recoin de la planète, des déserts à la banquise, des fosses marines aux plus hauts sommets. […]Et ce n’est pas fini: en 2020, 1,6 milliard de touristes arpenteront la planète, dont 45% à destination de l’Europe. À elle seule, la Chine comptera alors 100 millions de globe-trotteurs.

Ronald Sanabria, responsable costaricain du tourisme durable au sein de l’ONG Rainforest Alliance, pointe les conséquences directes de cette évolution: « Les ressources en eau et en énergie s’épuisent, les sites naturels sont surfréquentés, les déchets s’accumulent faute de ramassage, les eaux usées s’écoulent n’importe comment, les espèces locales disparaissent ou sont concurrencées par l’introduc-tion anarchique d’espèces exogènes. Sans parler de la pollution visuelle sur certains sites et du mé-pris manifesté à l’égard des cultures locales! ».

Des avions moins polluants

Selon la Direction générale de l’aviation civile, le transport aérien représente « seulement » 1,6% des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES). Mais ce taux pourrait s’élever à presque 3% au-tour de 2050. Airbus et Boeing s’efforcent donc d’alléger leurs appareils et d’améliorer leurs perfor-mances en vol. […]

Les 19 îles Galapagos (Équateur) viennent de quitter la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco pour rallonger celle, plus triste, des sites menacés. 100.000 visiteurs piétinent chaque année ces îlots peu-plés de dizaines d’espèces endémiques, tortues géantes, iguanes marins et terrestres, albatros, cor-morans, lions de mer et otaries. Au cours des quinze dernières années, l’archipel a vu sa faune touris-tique augmenter de 150%. Un trafic tel que les animaux, dérangés, changent de comportement. Cette invasion favorise en outre l’introduction d’espèces nouvelles, qui menacent à leur tour l’équilibre éco-logique de cet archipel unique.[…]

Le Machu Picchu, pourtant situé à 2.045 mètres d’altitude, en plein cœur des Andes péruviennes, pourrait bien intégrer, lui aussi, l’inventaire des chefs-d’œuvre en péril. Jusqu’à 2.500 touristes s’y pressent chaque jour. Selon les autorités péruviennes, ce chiffre pourrait tripler après le récent clas-sement du site parmi les sept nouvelles merveilles du monde par une fondation Suisse. Pour accueillir les visiteurs, une partie de la forêt tropicale a déjà été abattue, cédant la place à des routes, des hô-tels, des boutiques. Résultat: la déforestation entraîne l’érosion des sols et provoque des glissements de terrain. Des infiltrations d’eau risqueraient également de causer le déchaussement des pierres et l’affaissement des ruines.

Les cimes ne sont pas épargnées. L’Everest est ainsi devenu la plus haute décharge du monde. […] Près de 700.000 visiteurs se pressent chaque année au pied du roi des sommets, et la route qui mène au camp de base du plus haut des 8.000 est désormais jalonnée de restaurants et de cybercafés ignorant le tout-à-l’égout et la collecte sélective. Les sherpas abattent les rares arbres pour faire chauffer l’eau nécessaire à la préparation des repas et aux douches des touristes.

La situation est telle que certaines associations environnementalistes réclament la fermeture de l’ac-cès à l’Everest, déjà strictement réglementé. Sir Edmund Hillary, vainqueur du sommet en 1953, tirait la sonnette d’alarme en 2006: « J’ai recommandé au gouvernement népalais de ne plus accorder d’au-torisations et de laisser la montagne se reposer pendant quelques années. » En vain.[…]

Mais le problème majeur, c’est l’eau. Qu’elle soit polluée ou qu’elle fasse défaut. Partout où la déserti-fication gagne du terrain, golfs et piscines surgissent pourtant des sols tannés par le soleil. En Espa-gne, 58 permis de construire ont ainsi été octroyés en 2005 pour installer de nouveaux greens. Une fois praticables, ils viendront s’ajouter aux 300 parcours déjà existants. […]

En 2005, le cabinet d’audit Ernst & Young a réalisé, à partir des données fournies par les opérateurs hôteliers du monde entier, une estimation de la consommation moyenne par nuitée: de 200 litres pour le bas de gamme de l’hôtellerie à 550 pour le haut du panier. Or la consommation quotidienne par « autochtone » est nettement inférieure: 137 litres en France, 30 litres dans la plupart des villes d’Afri-que.

Faut-il, alors, se priver de vacances pour épargner la planète? Pas forcément. Depuis quelques années, les professionnels du voyage commencent à prendre conscience de la fragilité de leur outil de travail et les propositions se multiplient pour développer une autre idée du voyage. En 1995, pour la première fois de son histoire, l’Organisation mondiale du tourisme (OMT) organisait à Lanzarote (Ca-naries) la 1re Conférence mondiale sur le tourisme durable. En 2004, elle accoucha d’un texte de réfé-rence. […]

Selon une enquête réalisée en mai par BVA, 86% des personnes interrogées se déclarent prêtes à adopter un comportement d’ « écoconsommateur » sur leur lieu de séjour. Les deux tiers disent privilé-gier une destination agissant en faveur de l’environnement et autant opteraient volontiers pour un mode de transport moins polluant. Plus de la moitié accepteraient même de payer plus cher, en ac-quittant une écotaxe ou en préférant un hébergement doté d’un « écolabel ». […]

Marion FESTRAËTS, Julien LE BOT,

L’EXPRESS.fr du 26/07/2007

L’EXPRESS.fr

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