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Pourquoi les ministres des finances devraient s’inquiéter du changement climatique ?

Le Secrétaire général de l’OCDE, Angel Gurría, est intervenu à Poznan, lors du sommet mondial sur le climat pour insister sur les enjeux économiques du réchauffement climatique. Il a proposé quelques pistes aux ministres des Finances réunis : échanges de droits d’émissions, redistribution des subventions ou modification de la fiscalité.

La question essentielle qui se pose à nous est la suivante : pourquoi les ministres des Finances devraient-ils s’inquiéter du changement climatique ? Cette question est d’autant plus pertinente que nous sommes confrontés à une crise financière et économique mondiale sans précédent qui nécessite à la fois beaucoup d’attention et de ressources.

Je vais vous donner quatre bonnes raisons de s’inquiéter :

1. La récession, si profonde et longue soit-elle, ne nous aidera pas à traiter le problème des émissions de gaz à effet de serre (GES). Elle va vraisemblablement entraîner un ralentissement temporaire de l’augmentation des émissions au niveau mondial, mais ce dont nous avons besoin, c’est d’une réduction des émissions importante et durable afin de retomber, sur le long terme, à un quart des niveaux actuels et obtenir une stabilisation du climat.

2. Si certains risques climatiques venaient à se concrétiser, le coût économique de ce changement serait bien plus élevé que celui de la crise financière actuelle.

3. Une action à moindre coût s’imposerait pour commencer, entraînant de facto des coûts initiaux peu élevés.

4. Les efforts consentis par les gouvernements pour remédier à la crise financière peuvent être l’occasion de favoriser une relance moins gourmande en carbone, ce qui pourrait à terme conduire à des modèles de croissance plus respectueux du climat.

Les effets de l’inaction seraient dramatiques. En l’absence de politique nouvelle, l’OCDE prévoit que les émissions mondiales de gaz à effet de serre vont approximativement doubler d’ici 2050 et continuer à croître par la suite. Cela conduirait à une augmentation de 4° voire de 6° des températures de la planète d’ici 2100. Parmi les conséquences d’un tel scénario, on note une élévation dévastatrice du niveau des mers et une augmentation du nombre des tempêtes, des vagues de chaleur plus fréquentes et plus intenses ainsi qu’une baisse du rendement agricole dans de nombreuses régions du monde. En outre, des catastrophes climatiques sont toujours susceptibles d’engendrer des dommages majeurs et irréversibles.

L’analyse de l’OCDE fournit la preuve évidente que pour stabiliser les concentrations de GES à un niveau acceptable – c’est-à-dire pour épargner à nos économies les dégâts potentiellement considérables du changement climatique – il nous faut agir avec détermination, envergure et rapidité. Ce qui ne veut pas dire qu’une atténuation aussi ambitieuse du changement climatique sera peu coûteuse. Car même si des politiques à moindre coût étaient mises en place, ce qui impliquerait de fixer uniformément le prix du carbone pour tous les pays, secteurs et gaz à effet de serre, la croissance annuelle mondiale pourrait s’en trouver réduite de plusieurs dixièmes dans les cinquante prochaines années. Étant donné le prix et les risques de l’inaction face au changement climatique, une telle entreprise se justifie donc sur le plan économique. Mais, bien sûr, le coût pourrait être bien supérieur si les gouvernement optaient pour des panoplies de mesures inappropriées. Or il est de notre intérêt à tous de le maintenir aussi bas que possible.

C’est pourquoi nous avons besoin que nos ministres des Finances s’engagent pleinement à mettre en oeuvre des politiques performantes. Un éventail de mesures sera nécessaire pour lutter efficacement contre le changement climatique, mais il faudra que certaines soient fondées sur les prix pour que le coût de l’action reste peu élevé. Les ministres des Finances sont indispensables pour :

– Concevoir et mettre en oeuvre des systèmes d’échange de quotas d’émission de CO² ou des taxes : en fixant aujourd’hui un prix pour les émissions de carbone, ces instruments financiers vont stimuler les bons investissements et encourager le soutien de la prochaine génération de technologies sobres en carbone.

– Mettre en oeuvre des réformes destinées à supprimer les subventions sur les combustibles fossiles qui, aujourd’hui, encouragent plus qu’elles ne les condamnent les émissions de CO² et prendre des mesures pour subventionner de façon ciblée une R&D respectueuse de l’environnement.

– Reconsidérer les subventions « vertes » potentiellement nuisibles comme celles allouées aux biocarburants, qui certes réduisent les émissions de GES, mais à un coût prohibitif. Cela illustre bien à quel point le coût d’une action de lutte contre le changement climatique peut s’envoler lorsque les gouvernements optent pour des mesures inutilement dispendieuses.

– Contrôler l’utilisation des instruments fiscaux afin de traiter les possibles effets sur la « compétitivité » des politiques d’atténuation et s’opposer aux mesures si elles sont susceptibles d’être contre-productives, comme l’ajustement fiscal à la frontière sur le contenu en carbone des importations : selon l’analyse de l’OCDE, les effets économiques d’une telle mesure seraient dans leur ensemble négatifs à la fois pour le pays qui imposerait ces tarifs douaniers et pour le reste du monde.

De nombreux instruments politiques de réduction des émissions de GES ont également des répercussions importantes sur les recettes et les dépenses des gouvernements. L’analyse de l’OCDE fournit ainsi des exemples de réductions d’émission ambitieuses qui peuvent être obtenues grâce aux taxes carbone ou à des droits d’émission négociables mis aux enchères, dont les revenus tous pays confondus devraient dépasser 5% du PIB mondial d’ici 2050. On pourrait utiliser de telles sources de revenus pour réduire certaines taxes disproportionnées comme l’impôt sur les sociétés afin de compenser une partie du coût des réductions d’émission.

Mais s’attaquer au changement climatique à moindre coût va bien au-delà d’une simple panoplie de mesures intérieures ; cela nécessite une action collective et déterminée à l’échelle mondiale. Il faut bâtir de larges coalitions entre pays développés et en développement pour atteindre des objectifs ambitieux en matière de climat. Mais dans le même temps, les pays ont des motivations différentes qui les poussent à freiner le changement climatique au niveau mondial. Si on veut que tous les principaux émetteurs puissent agir, il va sans doute falloir, dans une certaine mesure, dissocier lieux de réduction d’émission – principalement là où ça coûte le moins cher – et pays qui les financent.

Cela nécessite donc que d’importants transferts financiers entre pays soient possibles afin d’encourager l’atténuation par toute une série de dispositifs : l’allocation d’engagements de réduction d’émission négociable entre les pays, le mécanisme pour un développement propre, les transferts de technologie, le soutien financier à l’adaptation, ainsi que des mesures incitatives à la réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts et des politiques d’aide internationale.

Enfin, du fait de l’énorme force d’inertie inhérente au climat, de nombreux impacts du changement climatique sont d’ores et déjà au programme des décennies à venir. Investir dans l’adaptation à ces impacts est donc une priorité absolue. Mais cela va entraîner des coûts importants, d’où la nécessité de se servir des instruments économiques afin de mieux aligner les mesures incitatives privées d’adaptation. Au niveau mondial, le coût de celle-ci – de plusieurs dizaines de milliards à plusieurs centaines de milliards de dollars, les pays en développement étant les principaux concernés – pourrait excéder les capacités du secteur privé. D’où ce défi qui se présente à l’ensemble des ministres des Finances : comment trouver des ressources supplémentaires dans les budgets publics pour financer cette adaptation ?

Cette question souligne le fait que nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre. C’est aujourd’hui qu’il faut commencer à freiner le changement climatique. En effet, selon l’analyse de l’OCDE, si nous agissons maintenant, nous avons 10 à 15 ans de « répit » pendant lesquels une action est possible à un coût relativement modeste.

En résumé, les ministres des Finances partagent la responsabilité de concevoir des politiques performantes de lutte contre le changement climatique grâce à la fois à l’atténuation et à l’adaptation. Je suis convaincu que nous avons l’ingéniosité et la volonté politique de transformer l’économie mondiale afin de bâtir un avenir où prévaudront la résilience au climat et la sobriété en carbone. Je me réjouis donc de travailler avec vous afin de faire avancer notre programme politique

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