Le projet de loi Waxman-Markey sur le climat représente ce qu’on peut espérer de mieux de la part des États-Unis tant que le pays ne s’attaquera pas à la corruption du secteur public.
Partout ailleurs, la situation serait ridicule. Pourtant, de l’avis de tout un chacun, le projet de loi Waxman-Markey, qui va sans doute être adopté par le Congrès aujourd’hui ou demain, représente ce qu’on peut espérer de mieux de la part des États-Unis.
Les réductions d’émissions de gaz à effet de serre qui y sont proposées sont bien en deçà de celles que se sont fixées le Royaume-Uni et la plupart des autres pays développés. A l’instar de la loi britannique sur le changement climatique, le projet de loi américain prévoit une réduction des émissions de 80 % d’ici 2050, à ceci près que l’année de référence est cette fois 2005 et non pas 1990. Or dans ce laps de temps, les émissions de dioxyde de carbone issu des combustibles fossiles aux États-Unis ont grimpé de 5,8 à 7 millions de tonnes.
La réduction proposée pour 2020 n’est donc que de 17 %, ce qui signifie qu’elle interviendra principalement peu de temps avant la date butoir et que les émissions cumulatives, soit la seule mesure qui compte, auront fortement augmenté. Pire, le projet de loi est tellement entaché de vides juridiques et de concessions qu’il se pourrait que ces mesures ne suffisent même pas à compenser les émissions liées à l’impression papier du projet. L’efficacité d’une loi américaine peut se mesurer à sa longueur : plus elle est courte, plus elle aura de poids. Or celle-ci fait en gros 1200 pages ; c’est ce qui arrive quand les membres de groupes de pression ont participé au travail.
Il y a des concessions sidérantes faites au secteur des biocarburants, parmi lesquelles la promesse de ne pas mener d’enquête sur leur impact environnemental sur une plus grande échelle. Y figure également une disposition qui autorise l’industrie à utiliser 2 milliards de tonnes de crédits-carbone par an, ce qui inclut des puits de carbone hautement instables tels que les résidus de récoltes présents dans le sol (autre concession obtenue par le puissant lobby agricole). Ces crédits sont tellement généreux que s’ils sont tous utilisés, l’industrie américaine n’aura à procéder à aucune réduction en matière de carbone jusqu’en 2026.
Tout comme le système communautaire d’échange de quotas d’émissions (SCEQE), le projet de loi Waxman-Markey obligerait les entreprises à n’acheter qu’une petite proportion (15 %) de leurs quotas d’émissions, le reste leur étant offert. Cela signifie qu’une ressource qui appartient à tout le monde (le droit de polluer) est récupérée pour des questions d’intérêts industriels sans aucune compensation publique. Plus les entreprises pollueront, plus les allocations gratuites seront importantes : c’est le « pollueur payé ». Cela signifie aussi, si l’on se réfère au SCEQE, que les gros pollueurs pourront faire des bénéfices exceptionnels en répercutant le prix des quotas qu’ils n’ont pas achetés sur les consommateurs.
Dans un certain sens, ce projet de loi affaiblit la législation actuelle en empêchant l’Agence pour la protection de l’environnement de réglementer les centrales au charbon. Si les nouvelles centrales au charbon prévues aux États-Unis sont bel et bien construites, on voit mal comment les objectifs les plus modestes du projet de loi pourraient être atteints et a fortiori ceux fixés par le monde scientifique.
Malgré tout, j’aimerais que ce projet de loi soit adopté, car il a au moins le mérite de fixer un cadre pour de futures améliorations. Mais pourquoi exigeons-nous si peu des États-Unis ? Pourquoi traitons-nous le pays le plus puissant et le plus novateur du monde comme si c’était un État à la dérive, nous félicitant de la moindre proposition qui relève pourtant du simple bon sens ?
Il suffit de lire les commentaires qui suivent cet article pour comprendre. Grâce au travail de lobbying des industries du charbon et du pétrole et aux bataillons d’experts, de consultants en communication et de manipulateurs qu’elles ont sponsorisés, grâce aussi à la prépondérance, sur les ondes, d’animateurs conservateurs et volontairement provocateurs, le débat sur ce genre de sujets est devenu si explosif que la moindre avancée tient du miracle. Au premier rang des Républicains siégeant au comité pour l’énergie et le commerce de la Chambre des représentants figure Joe Barton, l’homme qui, en 2005, a demandé que le Congrès lance une enquête sur trois chercheurs américains dont les travaux avaient révélé les processus du changement climatique à travers l’histoire. Comme c’est le cas pour nombre de ses collègues, il est maintenu sous respiration politique artificielle par des sociétés liées au secteur des combustibles fossiles et de l’électricité. En échange de quoi il clame haut et fort que le changement climatique ne peut en aucun cas être lié aux activités humaines.
Cette combinaison d’argent versé par des sociétés et de médias échappant à tout contrôle fait que les États-Unis en sont encore à l’âge de pierre. Ce projet de loi est ce que l’on peut obtenir de mieux à l’heure actuelle, car le pays ne s’attaque pas au problème de la corruption de la vie publique. Que ce soit pour lancer des réformes relatives à l’environnement ou à la santé ou pour apporter quelque amélioration que ce soit dans la vie de ses concitoyens, c’est là que réside le véritable défi d’Obama.
The Failed State of US Climate Change Policy
Georges Monbiot publié dans le Gurdian du 26 juin 2009
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