Nous voici au printemps 2010, en clôture d’un Grenelle qui a jailli dans un autre printemps, il y a 3 ans de cela. C’était précisément, le 31 Mars 2007, au Muséum national d’histoire naturelle, à Paris, que naquit le Grenelle de l’environnement au cours d’une rencontre haute en couleurs entre neuf ONG environnementales* et Nicolas Sarkozy, alors candidat à la présidentielle.
Celui-ci était furieux de la médiocre note que l’Alliance pour la Planète** lui avait attribué, l’avant-veille. Car cette coalition d’associations notait chacun des candidats sur son programme environnemental.
Après une algarade mémorable***, l’échange se fit intéressant entre lui et nous, quand bien même, nous ne possédions pas à l’évidence les mêmes schémas de pensées.
En fin de réunion, Nicolas Sarkozy pointa son doigt et d’un ton solennel annonça qu’il lancerait le Grenelle de l’écologie si, il était élu président ! Il reprenait ainsi, avec opportunisme politique, notre idée, habilement soufflée par ses futures Secrétaires d’Etat : Nathalie Kosciusko-Morizet et Chantal Jouanno, afin de ne pas perdre la main sur l’écologie dans le débat électoral.
Le concept du Grenelle préconisé et proposé à tous les candidats par Écologie Sans Frontière, au sein de L’Alliance pour la Planète, se nommait alors Grenelle de l’Écologie.
Oui, j’aurais aimé que ce processus fût initié en son temps par François Mitterrand, puis repris par Jacques Chirac et poursuivi par Lionel Jospin, Premier Ministre. Le Président Sarkozy eut pu alors réaliser le quatrième Grenelle de L’Environnement, permettant ainsi à la France d’être non seulement reconnue comme la patrie des Droits de l’Homme mais également comme celle des Droits de la Planète.
Aujourd’hui, nous vivrions et produirions dans une économie circulaire et vivrions sobrement sans détruire. Construisant autrement les réponses efficaces devant les défis de la mondialisation.
Nous exporterions notre savoir-faire et nos métiers verts. Nos technologies innovantes et nos bâtiments passifs seraient des exemples. Nos produits seraient éco-conçues dans la philosophie de l’économie légère, chère à son penseur Thierry Kazazian****.
Nous pourrions affronter, en meilleure posture, les crises systémiques que nous subissons actuellement de plein fouet.
Après cette parenthèse imaginée, revenons à la réalité, le Président de la République, élu en mai 2007, convoqua sans tarder les associations environnementales, le lundi 21 mai, au matin, au Palais de l’Élysée. Le Président Sarkozy lança officiellement le Grenelle de l’Environnement avec nous et son Ministre de l’époque, Alain Juppé.
Puis Jean-Louis Borloo succéda au Maire de Bordeaux pour négocier dans un pentagone réunissant Etat, Collectivités Territoriales, Syndicats employeurs et Syndicats employés, ONG .
Avouons-le sincèrement, nous les ONG n’étions pas prêtes, à cet instant, pour un tel niveau de négociations. Nous avons dû, dans l’urgence, énormément travailler les uns et les autres, les uns avec les autres et aussi parfois les uns contre les autres !
Nous avions le devoir de saisir cette occasion de commencer à transformer écologiquement notre société vers un développement humainement durable. Nous imaginions une France respectueuse des générations futures en métamorphosant à la fois son économie, son agriculture, son industrie, son énergie, son traitement des déchets, ses transports en commun, son fret maritime et ferroviaire, sa gouvernance, en élargissant notre perception du développement devenu protecteur de la complexité des systèmes naturels.
Loin d’être les « enverdeurs » nous voulions porter les voix, les rêves et les ambitions de celles et ceux qui ont porté le combat écologique bien avant nous.
Pouvoir créer un élan irréversible à partir de ce rattrapage environnemental vis à vis de l’Europe du Nord. Développer une amorce de prospérité verte, solidaire du vivant. Nous rêvions et nous avions raison ! Nous avons su nous organiser avec enthousiasme et créativité durant ce temps de confrontation d’idées.
Nous avons appris! Nous avons grandi ! En pratiquant avec humilité la pluridisciplinarité. Sans oublier l’apprentissage de l’écoute de l’autre, différent. Il ne fallait pas être devin pour savoir que nous n’obtiendrons pas tout ce que nous demandions initialement. Malgré les risques de récupération et les critiques de ceux qui nous reprochaient de négocier avec le pouvoir, nous avons âprement défendu avec conviction l’ensemble de nos propositions. Souvent avec succès, d’autres fois, non…
Cependant, les forces hostiles à nos idées et arguments existent fortement, freinant dans le déni, l’instauration d’une politique à laquelle nous aspirons. Politique, qui, espérons-le, imposera inéluctablement une bien meilleure empreinte écologique et sociale avec de justes indicateurs économiques. C’est aux citoyens français de la désirer, de la vouloir et de la décider !
Car nous ne sommes que de simples éveilleurs, des lanceurs de propositions et d’alertes. Aujourd’hui encore plus qu’hier, capitaines d’espérance, nous devons continuer à nous battre démocratiquement pour que nos revendications non obtenues soient satisfaites.
Nous avons tant à faire face au péril climatique et aux dictats de notre société de gaspillage. Il y a urgence à stopper l’érosion massive de notre environnement proche et lointain, causé par nos modes de production et de consommation qui nous entraînent vers le cimetière des Éléments.
Nous sommes engagés dans ce combat national et planétaire, à l’issue totalement incertaine… Alors ce qui est pris n’est plus à prendre ! Le Grenelle, c’est certes insuffisant, mais c’est déjà ça de gagné !
Si nous avons réussi ces 3 dernières années à occuper le terrain, à plus ou moins « grenelliser» les consciences, il faut poursuivre avec pugnacité à investiguer, à proposer des alternatives, à convaincre, à nous opposer aux tenants d’un système adepte du jetable si cruel envers la biodiversité.
Aidez-nous ! Nous avons besoin de votre pression civique et constante auprès de tous les décideurs. Rejoignez-nous !
Nous devons, ensemble, imaginer d’autres modes de vie, équitables envers la nature et les êtres humains, du Nord au Sud. Il nous faut dépasser les lobbies avec notre force militante d’experts et nos propositions responsables. Car il est vital de progresser afin de ne pas laisser le champ libre « aux professionnels de l’influence » commandités par des intérêts souvent prédateurs de l’avenir des générations futures et de notre biodiversité.
Bien sûr, celles et ceux qui croient aux contes de fées ou au seul radicalisme seront mécontents des résultats obtenus dans ce Grenelle, hélas, rogné par une majorité, par trop timorée, dans le domaine écologique.
Car si elle vota le 11 mai 2010, ce texte important, elle ne put s’empêcher de faire passer des amendements toxiques à l’égard de l’esprit du Grenelle. Esprit de l’intelligence collective et de la réflexion partagée que la société française doit impérativement retrouver. Quant à l’opposition, celle qui reste encore, peu ou prou, productiviste, elle doit véritablement progresser dans ce qui est la problématique d’émancipation du 21e siècle. Démontrons que l’écologie est soluble dans le social et favorise l’emploi non délocalisable.
Mais enfin, reconnaissons honnêtement que si nous avions annoncé, au début du Grenelle, tout ce que nous avons réussi à atteindre aujourd’hui, nous aurions été submergé par un tsunami de sarcasmes…
Ne rougissons pas, sans nous pâmer non plus de ce processus original qui peut, ne le cachons pas, rester lettre morte sans ses décrets d’application et son financement avéré. Soyons dignes de notre devoir de citoyens, passagers insulaires de notre boule magique roulant dans l’infini de l’univers.
Albert CAMUS nous a dit «…changer les choses de place, c’est le travail des hommes : il faut choisir de faire cela ou rien ».
Agissons AmiEs de la Planète !
* Les 9 ONG présentes le 31 Mars : Écologie sans frontière, FNE, FNH, Greenpeace, Les Amis de la Terre, Ligue ROC, LPO, RAC, WWF.
**Alliance pour la planète : coalition d’associations, crée le 22 mars 2007, à l’initiative de Daniel Richard, alors président du WWF-France .
***à lire dans le livre de Bérangère Bonte « Sain Nicolas » éditions du moment
****« Il y aura l’âge des choses légères » Thierry Kazazian. Victoires Éditions.
Un Grenelle 2, c’est déjà ça !
Serge Orru, Directeur Général du WWF-France
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