La prochaine session de négociation se tiendra à Cancun du 29 novembre au 10 décembre 2010.
La conférence de Copenhague avait permis une mobilisation sans précédent sur le changement climatique, y compris des chefs d’Etat. La seconde semaine avait été très difficile, avec une participation limitée de la société civile, mais le sujet climat est passé du champ réservé d’un petit nombre de « spécialistes » à une grande diversité de gens de tous les pays qui vont vivre les impacts de ce changement planétaire.
La conférence de fin 2009 avait seulement pris note de l’accord de Copenhague, reflétant ainsi l’absence d’unanimité sur ce texte dans lequel il manquait plusieurs éléments, notamment les chiffres de réduction d’émissions de gaz à effet de serre des pays industrialisés. Depuis, 139 pays ont confirmé officiellement leur soutien à l’accord de Copenhague. Ces pays représentent la plus grande partie des émissions de CO2 actuelles et à venir. Ils reconnaissent ainsi certaines avancées de l’accord de Copenhague, comme l’annonce de financements (30 Milliards USD sur 3 ans de financements précoces, 100 Milliards USD/an à partir de 2020), la priorité du soutien aux pays vulnérables sur l’adaptation ou l’importance de la forêt (REDD+).
Depuis Copenhague, les sessions de négociation ont permis de progresser sur plusieurs sujets au point de pouvoir faire l’objet de décisions à Cancun. Mais ces avancées sectorielles pourraient se heurter à la volonté de certains Etats de considérer le paquet de négociation comme un tout indivisible (un paquet équilibré) et de ne pas vouloir avancer tant que d’autres sujets plus épineux n’auront pas été tranchés, comme la suite du protocole de Kyoto ou les engagements chiffrés des pays industrialisés. Ce serait un risque pour le processus et il peut s’illustrer avec deux exemples :
Sur la forêt, un texte de négociation était déjà très avancé à Copenhague et il comportait des progrès réels dans la construction d’un consensus : description claire des principes qui doivent guider les actions, confirmation d’un vision large des activités forestières incluant aussi la préservation et l’augmentation des stocks de carbone forestiers (vision REDD+, c’est-à-dire concernant la quasi-totalité des forêts de la ceinture intertropicales qui représentent la moitié des forêts mondiales), respect des populations forestières ou prise en compte de la biodiversité. Ne pas acter à Copenhague, comme une décision officielle de la conférence, ce « progrès » dans la compréhension commune de REDD+ comportait le risque qu’il soit à nouveau contesté. C’est précisément ce qui est arrivé durant l’année 2010 où deux pays ont proposé des amendements qui ne sont d’ailleurs pas acceptées par les 190 autres parties à la négociation : perte de temps et d’énergie.
Sur le financement de la lutte contre le changement climatique, le travail réalisé en 2010 a permis de construire un quasi-consensus pour créer à Cancun le fonds vert proposé dans l’accord de Copenhague. Toutes les parties ont fait preuve de flexibilité et il semble possible de lancer à Cancun les travaux très opérationnels sur le mode de fonctionnement du fonds vert comme la composition des instances « équilibrée » nord-sud de gouvernance du fonds vert. L’ordre de grandeur des financements de ce fonds vert serait proche de celui de l’aide publique au développement actuelle (100 Milliards USD) et il faut faire un choix stratégique sur la manière dont les fonds seront alloués : s’agira t’il d’une grande banque centralisée du changement climatique, probablement lente à démarrer et marginalisant les « petits » acteurs? Ou bien d’un fonds souple capable de créer d’importantes synergies avec les principaux financeurs actuels des projets climat : banques nationales de développement des pays du sud, secteur privé et bailleurs de fonds bilatéraux ? Le processus de la négociation ne peut que gagner à lancer dès Cancun ces travaux opérationnels complexes.
Ces deux décisions sectorielles, forêts et finances, sont possibles à Cancun, et leur report au motif qu’il faut un « paquet équilibré sinon rien », serait défavorable aux pays les plus pauvres, notamment en Afrique, pour qui la mise en place de nouveaux financements est une question urgente. Au contraire, des avancées, partielles officiellement décidées à Cancun, sont autant de messages positifs pour tous ceux qui agissent déjà et financent des projets « climat et développement » :
– Pour les sociétés privées qui financent déjà des projets forestiers, en précurseur d’un futur mécanisme REDD+. Le projet Air France- WWF-GoodPlanet à Madagascar en est un exemple.
– Pour les quelques pays comme l’Indonésie et le Mexique qui ont décidé unilatéralement de mettre en œuvre un plan d’action climat avec des objectifs quantifiés. L’AFD a ainsi décidé de soutenir dès maintenant ces stratégies nationales climat pionnières par d’importants soutiens budgétaires.
– Pour les élus des collectivités locales et les ONG qui sont déjà engagées dans l’action. Les décisions de Cancun renforceront leurs demandes d’un accroissement des financements publics et provenant du marché carbone afin d’étendre leurs projets. Le projet SKG Sangha-ActionCarbone-AFD en Inde est un exemple.
Ainsi, il y a une démarche à inventer pour faire progresser la négociation climat au sein de l’ONU en acceptant d’avancer autour de décisions partielles. Celles-ci matérialiseraient le progrès partiel accompli (effet de cliquet) dans la construction d’un ensemble cohérent et équilibré (l’accord global) à la mesure du défi que représente le changement climatique auquel l’humanité ne pourra répondre que collectivement.
Qu’attendre de la conférence sur le climat de Cancun par Denis Loyer de l’Agence Française de Développement
Texte courtoisie de l’auteur
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