La Guyane exporte plus d’or qu’elle n’en produit officiellement. En 2003, seulement 3 tonnes d’or produites en Guyane ont ainsi été déclarées à la Direction régionale de l’industrie, de la recherche et de l’environnement (DRIRE) alors que plus de 9 tonnes ont été déclarées aux douanes et exportées de Guyane . La raison ? Les quelques 10 000 orpailleurs clandestins (garimpeiros), répartis sur près de 500 chantiers illégaux, qui exploitent des gisements d’or en dehors de toute réglementation et dans une quasi-totale impunité. L’orpaillage illégal en Guyane est un véritable fléau dont les conséquences sont dramatiques à la fois sur le plan environnemental, sanitaire et social.
Les exploitations aurifères clandestines entraînent en effet d’importants rejets de mercure dans l’environnement et causent indirectement de graves problèmes de santé pour les populations guyanaises, principalement amérindiennes.
Bien qu’il soit interdit à des fins d’orpaillage dans le département depuis 2006, le mercure est encore utilisé par les garimpeiros car il permet d’amalgamer l’or c’est-à-dire d’allier entre elles toutes les particules, même les plus fines. Il suffit ensuite de chauffer l’amalgame à haute température pour que le mercure s’évapore et qu’il ne reste plus que le précieux métal. Cette méthode n’est cependant pas sans conséquences car elle nécessite de grandes quantités de mercure : il faut en effet 1,3 kg de mercure pour obtenir 1 kg d’or, avec des pertes dans le milieu naturel allant de 10 à 30 %.
Mais ce n’est pas tout. Pour des raisons géologiques, le sol guyanais est lui-même naturellement riche en mercure, et l’une des principales techniques utilisées par les garimpeiros pour extraire l’or consiste à « décaper » les sols à l’aide de lances à eau à haute pression. Ce faisant, ils libèrent le mercure contenu dans les sols, qui est alors remis en circulation dans l’environnement et notamment dans le lit des rivières. Chaque année, ce sont environ 5 tonnes qui sont rejetées dans le milieu naturel, dont 1,5 tonnes dans les cours d’eau et d’après l’ONF, 1 333 km de rivières seraient directement impactées par le mercure en Guyane.
Le mercure, un poison pour les populations guyanaises
Une fois dans l’eau, le mercure se transforme en méthyl-mercure, un composé organique dangereux qui s’accumule dans toute la chaîne alimentaire, contaminant les algues et surtout les poissons dont se nourrissent les populations locales. Depuis 1994, plusieurs études menées sur les populations des fleuves Maroni et Oyapok ont révélé des taux d’imprégnations au mercure supérieurs à la norme limite maximale fixée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Or, une imprégnation trop élevée peut avoir de graves conséquences sur le système nerveux et entraîner des malformations. Cela peut aller de simples troubles de l’équilibre et de la marche à une diminution de l’acuité auditive ou un rétrécissement du champ visuel. Chez les enfants (une des catégories les plus sensibles avec les femmes), les effets peuvent être plus importants puisqu’une contamination au mercure peut entraîner des problèmes de coordination des membres inférieurs, des difficultés dans l’acquisition du langage ou encore des dysfonctionnement quant aux capacités de raisonnement. Enfin, les fœtus sont particulièrement exposés car le méthyl-mercure peut conduire à des lésions du cerveau et du système nerveux.
Mais malgré ces risques pour leur santé, les populations amérindiennes continuent de consommer du poisson, notamment parce que le gibier a en grande partie disparu à cause de la chasse que les orpailleurs pratiquent pour se nourrir.
Les autres conséquences environnementales de l’orpaillage illégal
Déforestation, destruction des habitats, perte de la biodiversité, le mercure n’est pas le seul dommage infligé à l’environnement guyanais par l’orpaillage illégal. Lorsqu’ils exploitent un site, les orpailleurs abattent les arbres, érodent les sols et défigurent complètement le paysage. Et même s’ils ne coupent plus autant d’arbres qu’auparavant afin de rester à l’abri des hélicoptères de la gendarmerie, ils participent quand même à la déforestation. D’après un rapport de l’ONF de 2006, 12 000 hectares de forêts disparaissent ainsi chaque année. Or la déforestation détruit les habitats, perturbe les écosystèmes et menace grandement l’incroyable biodiversité qu’abrite la Guyane. On y dénombre en effet près de 8 000 espèces de plantes et plus de 1 600 espèces de vertébrés et la diversité par hectare y est supérieure à celle de toute l’Europe continentale.
Quelles solutions ?
C’est à l’Etat français qu’il appartient normalement de lutter contre l’orpaillage illégal. Ces dernières années, la gendarmerie nationale a ainsi mené plusieurs opérations militaires pour mettre un terme à ce fléau. En 2008, l’opération « Harpie » a par exemple permis de saisir 19 kilos d’or, 193 de mercure et de détruire plusieurs installations, pour des pertes d’un montant total chiffré à plus de 26 millions d’euros. Mais malheureusement, par manque de moyens, ces opérations n’ont pas suffi. Le 23 décembre 2008, un accord bilatéral de lutte contre l’exploitation aurifère en zones protégées a également été signé entre la France et le Brésil. Ce texte prévoit un contrôle renforcé des mines, le durcissement des sanctions contre les activités illégales et une coopération renforcée entre les deux pays mais à ce jour, aucun des deux Parlements n’a entériné l’accord.
Pour pallier les difficultés que pose ce sujet dans le domaine politique, plusieurs campagnes sont menées par des ONG. La campagne « No dirty gold » est par exemple une initiative internationale visant à assurer aux consommateurs que l’or qu’ils achètent provient d’une mine exploitée par une entreprise d’exploitation aurifère dans le respect de l’environnement et des droits et libertés des populations qui vivent près des gisements. En France, le WWF a lancé début 2010 une campagne baptisée «De la mine à la vitrine, non à l’or illégal » avec pour objectif de mettre en place un mécanisme de suivi de l’or afin d’empêcher l’or illégal de pénétrer sur le marché. Cela permettrait ainsi au consommateur de savoir si le bijou qu’il achète provient ou pas d’une exploitation illégale, information qu’il est quasiment impossible d’obtenir actuellement.
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