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La fièvre du caoutchouc

En 2009, 8,9 millions de tonnes de caoutchouc naturel ont été produites dans le monde, soit 40% du caoutchouc mondial ; le reste provient d’élastomères fabriqués à partir de pétrole. Malgré le développement du caoutchouc synthétique, le caoutchouc naturel reste incontournable car il a des propriétés de résistance inégalables. Pour preuve, 100% du caoutchouc utilisé pour fabriquer un pneu d’avion est naturel.

Aujourd’hui, le caoutchouc est produit à 95% en Asie du Sud-est, plus particulièrement en Thaïlande et en Indonésie. Pourtant, c’est d’Amazonie que l’hévéa, l’arbre à partir duquel est extrait le latex utilisé pour la fabrication du caoutchouc, est originaire. Les Indiens le surnommaient « l’arbre qui pleure » et utilisaient notamment le latex pour calfater les voies d’eau de leurs pirogues. Pendant longtemps, le latex est resté difficile à maîtriser car il fondait à de hautes températures et durcissait au point de devenir cassant à températures froides. C’est finalement Charles Goodyear qui réussira le premier à le stabiliser en 1839. Baptisé vulcanisation en hommage au dieu romain du feu Vulcain, ce procédé permet au latex de résister aux écarts de température et va donner le coup d’envoi à l’industrie du caoutchouc.

La fin du XIXe siècle voit en effet les premiers pneus apparaître. Indispensable au développement de l’automobile, le caoutchouc va rapidement devenir un enjeu économique de taille. Dès lors, la forêt amazonienne va être le théâtre d’un engouement comparable à celui de la ruée vers l’or : la fièvre du caoutchouc.

Attirés par le gain, des milliers d’hommes pénètrent au plus profond de la forêt et de nombreuses villes voient le jour. De toutes, c’est Manaus qui symbolise le plus cet âge d’or. Relié à l’Océan atlantique, et donc au monde, par le fleuve Amazone, cet ancien village de garnison devient l’une des villes les plus prospères du monde. Au cœur de la jungle, le téléphone, l’électricité, le tramway font leur arrivée, en même temps que se construisent des palais dans lesquels les barons du caoutchouc donnent des réceptions dignes du Vieux continent.

Ce luxe et ces fastes contrastent néanmoins avec une autre réalité, celle des seringueiros, les ouvriers chargés de la collecte du latex, exploités dans des conditions proches de celles de l’esclavage.

Dès 1876, l’empire du caoutchouc amazonien va commencer à décliner avec le vol rocambolesque de 70 000 graines d’hévéas par un Anglais, Henry Wickham, surnommé « le bourreau de l’Amazonie » par les barons du caoutchouc. Moins de 3 000 germèrent, suffisamment cependant pour les introduire dans les colonies anglaises, au Ceylan (actuel Sri Lanka) d’abord, puis en Malaise et en Indonésie. En Amazonie, les cours s’effondrent. Les producteurs de latex revendent à bas prix leurs terres aux éleveurs de bovins, qui rasent les forêts et licencient les seringueiros. L’un d’entre eux, Chico Mendes, crée en 1975 un syndicat afin de défendre la forêt amazonienne et ceux qui en vivent. Ce personnage charismatique obtient la création de réserves forestières afin d’empêcher les éleveurs de déboiser mais il est assassiné en 1988 sur les ordres d’un riche propriétaire. Aujourd’hui encore, il reste un symbole, résumé par l’une de ses citations : « Au début, je pensais que je me battais pour sauver les hévéas ; puis j’ai pensé que je me battais pour sauver la forêt amazonienne. Maintenant, je sais que je me bats pour l’humanité ».

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