L’année 2011/2012 a été déclarée Année de la Chauve-Souris par le PNUE (Programme ds Nations Unies pour l’Environnement). L’occasion de revenir sur les bienfaits qu’apporte cet animal, parfois mal-aimé, alors qu’il rend naturellement de nombreux services dans l’agriculture (la pollinisation, prédateurs naturel de certains ravageurs) ou la médecine.
Saviez-vous que les chauves-souris sont des pollinisateurs de première importance dans de nombreuses régions du monde? La pollinisation est un exemple de service écosystèmique vital sans lequel beaucoup de nos industries clés, comme l’agriculture et les produits pharmaceutiques, s’effondreraient ou rencontreraient des coûts élevés de remplacement artificiel. L’Initiative TEEB a constaté que la survie de plus de 75% des plantes cultivées dans le monde, de même que de nombreuses plantes à la base de produits pharmaceutiques, dépend de la pollinisation effectuée par les animaux.
De plus, pour 87 des 115 principales cultures mondiales (représentant jusqu’à 35% de l’approvisionnement alimentaire mondial) de fruits et de graines, on a remarqué que la qualité était directement augmentée grâce à la pollinisation animale. Enfin, les chauves-souris fournissent un large éventail d’autres services écosystémiques dont l’humanité bénéficie en permanence: repousser les invasions d’insectes ou encore produire de l’engrais grâce au guano de chauve-souris.
Il existe plus de 1.200 espèces de chauves-souris différentes: soit près d’un quart de toutes les espèces de mammifères recensées. Les services écologiques que ces animaux produisent sont essentiels pour les économies de tous les pays et pour la santé de tous les écosystèmes dans le monde. Sans les chauves-souris, les parasites qui ravagent les cultures seraient plus nombreux, ce qui entrainerait une utilisation (voire une dépendance) de pesticides dangereux. Sans ce mammifère, nous verrions disparaître une partie de nos aliments et boissons préférées et nous subirions de plein fouet les conséquences d’une diminution rapide de la biodiversité.
La plupart de nos denrées alimentaires de base proviennent de plantes qui dépendent de la pollinisation des chauves-souris. Citons notamment les bananes, le plantain, les fruits à pain, les pêches, les mangues, les dattes, les figues, les noix de cajou et beaucoup d’autres. En fait, dans les marchés alimentaires tropicaux, environ 70 pour cent des fruits vendus proviennent d’arbres ou d’arbustes qui reposent fortement sur les chauves-souris pour se reproduire dans la nature. Certaines espèces, comme le célèbre durian, dépendent encore de l’action de pollinisation des chauves-souris, et cela même dans les vergers commerciaux. Ce fruit asiatique, rois des marchés, se vend pour un milliard de dollars chaque année, mais pourrait être amené à disparaitre si la santé des populations pollinisatrices de chauves-souris venait à se dégrader.
Dans l’est de l’Afrique, les chauves-souris se nourrissant de nectar sont essentielles à la production des fruits issus du baobab, parfois appelé l’arbre Africain de la vie à cause de l’exceptionnelle variété de faune qui en dépende pour se nourrir et s’abriter. Plus récemment, il a été renommé « l’arbre à vitamine ». En effet, les fruits du Baobab contiennent six fois plus de vitamine C que les oranges et deux fois plus de calcium que le lait. Ils sont également riches en autres types de vitamines et antioxydants. La culture de ce fruit pourrait bientôt rapporter des milliards de dollars par an.
Dans les déserts, en partant du sud des États-Unis jusqu’au sud du Pérou, plus de 100 espèces de cactus et de plantes d’agave dépendent également des chauves-souris pour se reproduire. Les cactus géants, tel que le célèbre saguaro, sont fortement sollicités par une grande variété d’oiseaux et de mammifères pour s’abriter et se nourrir. Les agaves sont aussi extrêmement utiles dans la lutte contre l’érosion, en tant que plantes ornementales et dans la fabrication de la tequila, une boisson alcoolisée de renommée mondiale. Les buveurs de Margarita du monde entier peuvent certainement lever leurs verres à la santé des chauves-souris.
Les chauves-souris sont également essentielles dans la survie des écosystèmes. En effet, elles fournissent un service écosystémique primordial plus connu sous l’appellation de » lutte biologique » contre les pestes. Les ravageurs et les maladies naturelles sont généralement régis par un large éventail équilibré de prédateurs et de parasites. Le programme TEEB est arrivé à la conclusion que les parasites agricoles peuvent causer d’importantes pertes économiques dans le monde entier. Globalement, plus de 40% de la production alimentaire mondiale est en train de disparaître à cause d’insectes ravageurs, de plantes pathogènes, ou de mauvaises herbes, et ce malgré l’application de plus de 3 milliards de kilogrammes de pesticides sur les cultures (sans parler des autres moyens de contrôle). On a observé que la gestion naturelle des ravageurs est à ce jour l’un des moyens les plus efficaces pour faire face à ces menaces. Hors, les chauves-souris sont des prédateurs qui, en se nourrissant, permettent de stabiliser les populations de nombreux insectes nuisibles aux cultures humaines.
A San Antonio, au Texas, une colonie de chauves-souris à queue libre de 20 millions de têtes vit dans une grotte, près de Bracken, et consomme plus de 200 tonnes d’insectes nocturnes. Ces dernières se nourrissent principalement d’insectes ravageurs de cultures tels que le ver des épis de mais ou encore la chenille légionnaire. En une nuit, une seule de ces chauves-souris peut attraper assez de papillons pour éviter la ponte de 50.000 œufs, ce qui peut permettre aux producteurs de coton locaux de sauver près d’un million de dollars par an et d’utiliser beaucoup moins de pesticides.
Une seule chauve-souris murin (largement répandue en Europe et en Amérique du Nord) peut capturer pas moins de 1.000 insectes de la taille d’un moustique en une heure. 150 grandes chauves-souris brunes, une colonie qui pourrait facilement vivre cachée à l’arrière d’un abris de jardin, peuvent capturer suffisamment de chrysomèles du concombre en un été pour les empêcher de pondre 33 millions d’œufs qui, autrement, détruiraient les racines des plantes de maïs. Ces chrysomèles causent des dégâts équivalant à des milliards de dollars par an aux États-Unis.
Dans de nombreux endroits, les chauves-souris peuvent facilement être attirées par des abris de jardin pour chauve-souris, ce qui pourrait être utile pour aider à protéger les jardins et les fermes biologiques. Un succès remarquables a été signalé dans l’Oregon, en Géorgie aux Etats-Unis. De nombreuses espèces de ravageurs, dont les plus destructeurs, ont entendu les signaux d’écholocation des chauves-souris et ont fuis les zones où cette dernière s’est installée. Un cultivateur de noix de pécan géorgien a déclaré s’être entièrement tourné vers la culture biologique depuis qu’il a attiré des milliers de chauves-souris dans son verger. Alors la prochaine fois que vous pensez « bio », pensez aux « chauves-souris ».
Les chauves-souris produisent des ressources primaires pour les écosystèmes de nombreuses grottes. Les amas de guano gisant sous les perchoirs de ces animaux fournissent de l’énergie soutenant des milliers de formes de vie unique et différentes, et ce via les bactéries et les champignons contenus dans les selles, dont les arthropodes et les petits vertébrés ont besoin pour vivre. Ces organismes sont souvent endémiques dans les grottes. Ils sont un trésor en matière de biodiversité et sont indispensable pour résoudre les problèmes de l’homme, de la production de nouveaux antibiotiques à la production de détergents, en passant pas la détoxification des déchets.
En outre, l’extraction du guano de chauve-souris pour produire de l’engrais constitue une ressource renouvelable et inestimable pour de nombreuses communautés locales dans les pays en développement en Asie, en Afrique et en Amérique latine. Grâce à ce service écosystémique fournit par les chauves-souris, la grotte thaïlandaise de Khao Chong Pran est devenue une source majeure de revenus pour les communautés locales de la région, ainsi qu’une attraction touristique unique pour les voyageurs. Une protection minutieuse de ce mammifère couplée avec une gestion équilibrée des récoltes a permis une augmentation des bénéfices annuels de la vente de guano de 10.000 à 135.000 $. Le guano de chauve-souris est donc une bonne affaire.
A l’heure où les gens apprennent progressivement à apprécier les chauves-souris, ces animaux fascinants sont peu à peu devenus des attractions touristiques populaires. Lorsque plus de 1,5 millions de chauves-souris à queue libre ont commencé à se déplacer dans des crevasses situées sous le pont de la Congress Avenue, dans la ville d’Austin, au Texas, les autorités sanitaires ont prétendus qu’elles étaient enragées et dangereuses. Par conséquent la population locale souhaitait que ces chauves-souris soient éradiquées. Toutefois, grâce aux efforts d’éducation de l’Association internationale pour la conservation des chauves-souris Bat Conservation International, les craintes se calmèrent. En plus de 30 ans, pas une seule personne n’a été mise en danger par le mammifère. Dans cette région, les chauves-souris consomment environ 15 tonnes d’insectes et permettent de récolter 12 millions de dollars grâce au tourisme chaque été, ce qui démontre clairement la valeur ajoutée des chauves-souris pour l’environnement et les économies.
Malheureusement, beaucoup de gens dans d’autres régions du monde perçoivent encore mal l’animal. Ils en ont peur et les persécutent. Trop de gens sont encore influencés par les stéréotypes véhiculés au sujet des chauves-souris. Les histoires de vampires et de maladies ont, par exemple, été grandement exagérées par le sensationnalisme des médias.
En Amérique latine, des milliers, voire des millions de chauves-souris ont été massacrées à tort. Elles étaient pourtant bénéfiques à la fois pour l’étanchéité des greniers des habitants de la région, ou encore en cas de brûlures ou d’intoxication. Parfois, elles ont tout simplement disparu par le biais d’une simple négligence de leurs besoins de conservation.
Ironiquement, même la chauve-souris vampire commune d’Amérique latine s’est avérée être très utile. Un nouveau médicament, la Desmoteplase, développée à partir de recherche sur la salive de ce « vampire », semble améliorer considérablement l’état des victimes d’AVC. Il s’agit là d’une contribution potentiellement énorme pour le bien-être de l’homme. Qui aurait pensé qu’une chauve-souris – qualifiée de vampire – pourrait aider à sauver de nombreuses vies?
Les célébrations de l’Année de la Chauve-Souris (2011-2012) mettront en lumière les qualités des chauves-souris et leurs besoins. Des présentations détaillées de ces animaux incroyablement fascinant seront proposées. Malheureusement ces animaux font partie des espèces les moins bien comprises et les plus menacées de notre planète. Au plus on informe les populations sur les services écosystémiques fournis par les chauves-souris, au plus les efforts de conservation entrepris ont de chances d’assurer la survie de ces créatures fascinantes et essentielles.
De la tequila à l’«arbre de vie», les chauves-souris sont de précieux alliés de la nature
par le Dr. Merlin D. Tuttle, ambassadeur pour l’Année de la chauve-sours
pour le PNUE
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