La restauration de nos forêts : le complexe de la forêt de Mau au Kenya

En hommage à Wangari Maathai décédée le 25 septembre, la rédaction republie cette tribune de cette femme qui a été la première Africaine à recevoir le prix Nobel de la paix.

Les arbres jouent un rôle central dans ma vie et m’ont enseigné bien des leçons. Ils m’ont appris qu’il faut être patient, persévérant et passionné. Lorsque nous plantons des arbres, certaines personnes me disent : « Je n’ai pas envie d’en planter parce que ça ne pousse pas assez vite. » Je dois alors leur rappeler que les arbres qu’elles coupent aujourd’hui n’ont pas été plantés par leurs soins, mais par d’autres personnes avant elles.

Au Kenya, plusieurs démarches ont été entreprises pour porter un coup d’arrêt à l’affolante destruction du complexe forestier de la Mau et pour restaurer les zones dégradées. Fort du soutien du Programme des Nations unies pour l’environnement et de ses partenaires, le gouvernement kényan a formé en 2008 un groupe de travail constitué de multiples parties prenantes avec pour mission de formuler des recommandations sur la manière dont ces écosystèmes forestiers, indispensables à la subsistance de millions de Kényans, doivent être restaurés et protégés.

Je ne suis en aucune façon lassée par mon combat en faveur de nos forêts. Cela m’encourage et me motive lorsque je vois des individus rejoindre notre lutte. À l’heure actuelle, plusieurs partenaires et parties prenantes ont signé des accords avec le Service kényan des forêts (Kenya Forest Service) pour réhabiliter des portions du complexe de la Mau et se sont engagés à endosser une responsabilité commune vis-à-vis de la gestion et de la restauration de cette forêt. Le Mouvement de la ceinture verte et ses partenaires tels que le Fonds « Sauvons la Mau » (Save the Mau Trust) et l’Initiative Clinton pour le climat (Clinton Climate Initiative) ont pour objectif commun de planter six millions d’arbres d’ici 2014.

Si nous sommes impliqués dans la protection de la forêt de Mau, c’est parce qu’elle fournit d’importants services écologiques, économiques et sociaux. Il s’agit de la plus grande surface forestière du Kenya et, avec ses 400 000 hectares, elle est sept fois plus grande que la capitale du pays, Nairobi. Elle représente également le plus grand « château d’eau » du Kenya, alimentant les grandes fleuves qui coulent d’est en ouest et se jettent dans six grands lacs parmi lesquels les lacs Nakuru et Naivasha au Kenya et les lacs Victoria et Turkana, communs à plusieurs pays.

Les services écologiques fournis par cet écosystème profitent à des habitats naturels qui incluent plusieurs zones de conservation extrêmement importantes et connues dans le monde entier comme la Réserve nationale du Masaï-Mara, le Serengeti en Tanzanie et le lac Natron, important lieu de reproduction du flamant nain. Parmi les secteurs économiques clés qui dépendent eux aussi des services rendus par la forêt, citons l’agriculture, le tourisme et le secteur énergétique avec la production d’énergie hydraulique.

Malgré son rôle vital, cette forêt a perdu ces quinze dernières années un quart de son couvert original à cause de l’extraction illégale de ressources, de la plantation d’essences exotiques pour l’industrie du bois, de la présence de plus en plus envahissante des hommes et de la conversion des terres en surfaces agricoles.

La dégradation de la forêt a de graves conséquences : pénuries d’eau et de nourriture, coupures d’électricité dues à une alimentation insuffisante des barrages en eau, incidences sur le tourisme et sur les moyens de subsistance des populations dans les régions qui dépendent de cet écosystème. Il faut noter en outre qu’il existe une petite communauté autochtone, les Ogiek, qui est totalement dépendante de certaines parties de la forêt pour sa nourriture, ses médicaments et son habitat.

Celles et ceux d’entre nous qui ont sous les yeux un environnement dégradé ne peuvent pas se satisfaire de cette réalité. Ils doivent agir. Dans la perspective de l’Année internationale des forêts, j’en appelle aux décideurs et aux citoyens du monde entier pour qu’ils mènent des actions concertées en faveur de la restauration et de la protection des forêts. C’est un devoir que nous avons vis-à-vis des générations actuelles et futures, toutes espèces confondues.

La restauration de nos forêts : le complexe de la forêt de Mau au Kenya

par Wangari Maathai

Extrait du livre « Des forêts et des hommes » rédigé par la rédaction de GoodPlanet à l’occasion de l’année internationale des forêts et disponible aux éditions de la Martinière.

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