Le projet InfoClim qui met les données climatiques à la disposition des collectivités locales contribue à l’adaptation des agriculteurs sénégalais aux changements climatiques. SciDev.Net mène l’enquête.
Les petits exploitants jouissent de nombreuses années d’expérience dans l’évaluation de l’impact des conditions climatiques, surtout la pluviométrie, sur leurs cultures. Mais à mesure que le climat change, ce savoir, souvent accumulé pendant toute une vie, pourrait ne plus être valable.
Les agriculteurs vulnérables ont donc besoin de soutien pour adapter ou affiner leurs pratiques. Pourtant, à mesure que la surveillance et la recherche climatique deviennent plus sophistiquées, l’écart entre la technologie et les communautés d’agriculteurs ne fait que se creuser.
Un projet mis en œuvre au Sénégal contribue maintenant à combler cet écart.
Le projet InfoClim collecte des données climatiques qu’il partage avec les populations vulnérables, surtout les agriculteurs, pour les aider à mieux adapter leurs semailles, labour et autres événements au climat d’actuel.
Les conseillers du projet commencent par l’analyse des données fournies par le Centre de suivi écologique (CSE) de Dakar et ses partenaires en vue d’évaluer la probabilité des événements climatiques.
Parmi ces partenaires figurent l’Agence météorologique nationale du Sénégal qui collecte des prévisions saisonnières et l’Institut sénégalais de recherches agricoles (ISRA) qui fournit des données sur les cultures adaptées. Le Laboratoire de physique atmosphérique de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar quant à lui élabore des modèles et scénarios climatiques locaux.
Partager les connaissances
Les données scientifiques sont ensuite échangées avec les collectivités grâce à quatre ‘observatoires’ régionaux bien équipés. Des individus issus des communautés locales et bien formés par le projet diffusent les données climatiques auprès des agriculteurs par le biais des radios communautaires et des réunions.
Innocent Butare du bureau sénégalais du Centre canadien de recherche pour le développement international, agence qui a financé le projet InfoClim, estime que le but du projet pilote est de comprendre comment diffuser les données scientifiques sur l’adaptation aux changements climatiques auprès des communautés rurales et des décideurs locaux.
Le projet fournit aux communautés et aux agriculteurs locaux des données climatiques et des statistiques sur l’état des sols, et les aide à partager leurs connaissances pour améliorer les pratiques culturales et assurer de meilleurs rendements.
Les membres d’organisations communautaires, d’organisations non gouvernementales (ONG) et des décideurs locaux ont ainsi appris à utiliser les données agro-météorologiques pour l’évaluation des diverses options d’adaptation aux changements climatiques.
Il s’agit, entre autres, de changer les dates de semailles, d’utiliser des semences résistantes à la sécheresse, de diversifier les cultures et adopter des cultures pérennes, d’améliorer la gestion de l’eau et du sol, de lutter contre l’érosion des sols, de développer l’agroforesterie, d’intégrer les cultures, l’élevage et les arbres, et d’identifier des sources alternatives de revenus.
Le succès du projet est tributaire de la création de réseaux fiables entre chercheurs et communautés rurales pour le partage de données sur les changements climatiques.
Selon Butare, ‘[c]e projet a permis l’échange de points de vue sur les changements climatiques et [mis en lumière] l’importance de l’accès à l’information en tant que moyen de renforcement des capacités des communautés rurales à s’adapter à ces phénomènes’.
‘Nous avons également impliqué le personnel de l’administration locale, les décideurs politiques locaux, les organisations communautaires et les représentants des ONG’, ajoute Butare. ‘Ces fora continuent leur travail même après la fin du projet’.
Une planification locale
Ce projet de recherche, étalé sur trois ans et lancé en 2008, devait prendre fin en décembre 2010 ; mais il a été prorogé de six mois. Il s’étale sur quatre localités : Fandène, Notto Diobass, Taiba Ndiaye et Thiès. D’autres régions du Sénégal sollicitent maintenant l’appui de projets similaires.
Butare précise que le projet, financé à hauteur de US$ 443.000, est une bonne illustration de la façon dont les décideurs locaux peuvent utiliser les données scientifiques pour intégrer les questions liées aux changements climatiques dans les plans de développement local.
Pour Ahmadou Sall, chef du projet InfoClim, c’est la preuve que l’adaptation au niveau local est un préalable pour la réussite de toute politique nationale d’adaptation aux changements climatiques.
Ibrahima Thiao, coordonnateur des programmes à la Fédération des organisations non gouvernementales du Sénégal, estime qu’InfoClim est l’un des rares projets innovants qui donne la possibilité aux agriculteurs, techniciens et scientifiques de débattre des questions d’intérêt commun dans un cadre bien défini.
‘En plus du savoir-faire que le projet a inculqué aux partenaires, il a marqué un bon point en s’assurant de l’engagement des scientifiques et techniciens à apporter des réponses aux agriculteurs chaque fois qu’ils se posent des questions quant à l’impact des changements climatiques sur leur travail’.
‘Cela a eu pour effet d’accroître la confiance des agriculteurs en renforçant leurs compétences et en les dotant d’outils pour traduire les données scientifiques et techniques en messages simples et compréhensibles. Les agriculteurs ont besoin de données précises sur les événements climatiques qui affectent leurs cultures’, souligne Thiao.
De l’utilité des données climatiques pour les agriculteurs sénégalais
Emeka Johnkingsley
SciDev, août 2011
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