Pierre Athanze est l’auteur du Livre noir de la chasse massacres et abus de pouvoir.
En quoi la chasse est-elle une pratique cruelle ?
En soi, l’acte de tuer se montre cruel. Mais, il y a plusieurs façons de l’être. On peut comprendre le fait de tirer du gibier au fusil, une balle et tout est fini. À côté d’autres pratiques comme les pièges ou le déterrage, chasser au fusil s’avèrerait relativement « propre » par rapport aux autres modes de chasse qui sont pratiqué en France (pour en savoir plus sur l’état de la chasse en France voir La chasse n’est pas un loisir comme les autres).
Le déterrage du blaireau consiste, à l’aide d’une meute de chiens, à aller chercher l’animal dans son terrier. Cela peut prendre des heures. D’abord, les chiens sont lâchés, l’animal angoissé se terre dans son trou tandis qu’autour la meute aboie et tente de l’attraper. L’équipage arrive alors alerté sur la position du blaireau par les chiens, puis creuse pour le déterrer. Cela dure de 2 à 8 heures. Alors un chasseur le saisit par la gueule avec une pince avant de le tuer au couteau et enfin de le balancer aux chiens qui le dévorent. Cette chasse est très en vogue, elle ne correspond pour ainsi dire à aucune tradition. Aujourd’hui on dénombre 3000 équipages, le succès de cette chasse peut s’expliquer par le fait qu’elle se pratique au-delà des dates normales de la chasse (septembre à février) grâce à des autorisations préfectorales qui prolonge cette période de chasse de la mi-mai à septembre. Celles-ci ne se justifient pas car les jeunes blaireaux ne sont pas encore sevrés et ailleurs en Europe (Grande-Bretagne et Belgique par exemple), le blaireau est une espèce protégée.
Pouvez-vous parler plus des piégeurs ? en effet, pour le grand public, la chasse est associée à l’usage du fusil plus que des pièges.
Les piégeurs, qui se revendiquent héritiers de techniques de « chasses traditionnelles », recouvrent des réalités très variées. La cruauté de ces pratiques provient de l’absence de sélection de la proie lorsqu’un piège entre en action. Les pièges sont aveugles, ce qui signifie de nombreux dommages collatéraux dans les prises. De plus, les animaux peuvent rester longtemps à agoniser dans les pièges.
Par exemple, les gluaux sont des bâtons enduits de colle installés en hauteur sur les arbres (de 30 à 40 par arbres). Ils accrochent les oiseaux qui s’y posent par les pattes ou les ailes et les font chuter d’une demi-douzaine de mètres au sol. Ils ne peuvent plus décoller. Interdite en Europe, cette pratique perdure pourtant dans le sud de la France.
Dans le Massif Central et dans l’Aveyron, c’est la chasse à la lecque ou tendelle qui consiste à appâter l’oiseau avec de la nourriture sous une pierre plate. Cette dernière est maintenue en équilibre grâce à des bâtons. La pierre tombe sur l’oiseau pour le tuer si celui-ci touche un des bâtons qui maintient le rocher.
En Aquitaine, les alouettes sont chassées « aux pantes », c’est-à-dire grâce à des filets qui permettent de capturer des bandes d’alouettes. Elles sont attirées par une de leur congénère placée comme leurre dans une cage. 500 000 prises sont autorisées,ce qui est énorme. Mais les estimations font état d’un million voire d’1,5 millions de captures et la population des alouettes a diminué de 50 à 60% ces trente dernières années. L’ASPAS (Association pour la protection des animaux sauvages) a alerté la Commission Européenne sur ce sujet et la France devrait être mise en demeure début 2012 là-dessus.
Pensez vous que la cruauté soit un axe mobilisateur de l’opinion contre la chasse ?
La cruauté mobilise l’opinion contre les chasseurs. L’exemple du déterrage du blaireau marque les esprits. Les chasseurs s’en sont bien rendus compte. En effet lors d’une table ronde au ministère de l’Agriculture sur la souffrance animale, ils sont intervenu pour écarter la faune sauvage des discussions. Et ils y sont parvenus ! Ils tentent de minimiser l’impact de leurs pratiques car ils savent que l’opinion y est sensible.
Croyez vous qu’une chasse raisonnée soit possible ? et souhaitable ? pourquoi ?
Il faudrait d’abord définir ce qu’est une chasse raisonnée. À moins d’être un doux utopiste, je ne crois pas qu’on puise arrêter la chasse demain. La question qui se pose concerne l’intérêt et les plaisirs que ce loisir procure. Surtout que les deux tiers des espèces chassées sont dans un état de conservation défavorable. De plus, la sécurité demeure un enjeu puisque l’heure actuelle la chasse ne respecte aucun principe du partage du temps et de l’espace naturel avec d’autres usagers. Cette année deux randonneurs ont été tués et on dénombre une trentaine d’accidents de chasse.
La chasse ne se montre pas indispensable dans la régulation des espèces, il suffit pour s’en convaincre de regarder le canton de Genève qui l’a interdite depuis 25 ans et il n’y a pas de problèmes de surpopulation des espèces. Il n’y a pas de surpopulation de chevreuils ou de chamois. Il y a quelques rares tirs de régulations qui ne concernent que les sangliers, qui arrivent, pour la plupart, de France !… Pour se convaincre du résultat, il suffit de se rendre des deux côtés de la frontière, au bord du lac Léman, les oiseaux d’eau abondent du côté helvète et se font plus rares côté français.
Propos recueilis par Julien Leprovost
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