20 ans après le Sommet de la Terre de Rio, quel bilan est-il possible de dresser en matière de préservation de la biodiversité ? Julia Marton-Lefèvre est la Directrice générale de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), le plus grand réseau mondial de conservation qui regroupe des Etats, des institutions gouvernementales, des organisations non gouvernementales, des scientifiques et des experts. L’UICN publie chaque année la Liste rouge des espèces menacées d’extinction.
Vingt ans après le Sommet de la Terre, tous les voyants de la biodiversité sont dans le rouge. Comment expliquez-vous cette situation ?
Nous n’avons pas réussi à mettre en avant la nature comme fondement de la vie sur Terre. Pourtant, les faits sont là. Nous avons l’information mais nous avons échoué à communiquer habilement sur la crise de la biodiversité au-delà de ceux qui la connaissent déjà et s’en soucient vraiment. Cela s’explique en partie parce que nous avons trop mis l’accent sur les indicateurs dans le rouge et pas assez sur ce que chaque individu peut faire pour influencer la politique. Nous nous sommes trop focalisés sur les problèmes et pas assez sur les solutions.
À partir de ce constat, quel bilan faites-vous de vingt ans de préservation de la biodiversité ?
Bien que tous les indicateurs soient sur le déclin, il y a quand même quelques succès sur lesquels il faut mettre l’accent. Avec 193 Etats parties, la Convention sur la diversité biologique (CBD) est un accord quasi-universel qui a inspiré de nombreuses actions sur le terrain et en 2010, la conférence de Nagoya a apporté une réponse politique à la crise de la biodiversité. Les instruments qui y ont été adoptés fournissent une base de travail solide et un cadre d’action mondial qui, s’il est transposé au niveau national, permettra d’améliorer la préservation de la biodiversité. En revanche, il manque encore des ponts entre les connaissances scientifiques et les processus décisionnels. Nous avons impérativement besoin d’améliorer la communication et l’interaction entre les scientifiques, les décideurs et le public.
En vingt ans, la façon d’appréhender la protection de la biodiversité a-t-elle changé ?
Bien sûr. Alors que pendant longtemps, on a créé des réserves vides d’hommes en expulsant parfois des populations, nous savons aujourd’hui qu’il est impératif d’associer les communautés locales aux programmes d’action sur le terrain. Elles savent en effet gérer la nature de façon durable car elles en dépendent directement et la préservent déjà depuis des millénaires. Par ailleurs, et bien que la nature soit inestimable, lui associer une valeur économique peut être un moyen efficace d’aider à en prendre soin. C’est ce qui a été fait avec l’étude sur l’Economie des écosystèmes et de la biodiversité (TEEB). Maintenant, le grand défi est d’inscrire cette réflexion dans des politiques réalistes pour que la biodiversité soit pleinement prise en compte par les décideurs.
La balle est-elle donc dans le camp des politiques ?
Sans volonté politique, impossible d’avancer. Or le problème, c’est que les hommes politiques voient à court terme, ce qui est à l’opposé des préoccupations environnementales. Il est important que les citoyens, les ONG et la société civile dans son ensemble se mobilisent pour rappeler aux gouvernements leurs engagements et leur dire : « maintenant, faites ce que vous avez promis ! »
Propos recueillis par Benjamin Grimont
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