20 ans après le Sommet de la Terre de Rio, quel bilan est-il possible de dresser en matière de préservation des océans ? Daniel Pauly, spécialiste des questions de pêche, dresse un bilan en demi-teinte de 20 ans de développement durable en matière de gestion des océans et de la pêche.
20 ans se sont écoulés depuis le précédent Sommet de la Terre. Comment se portent les océans ?
Au niveau mondial, la situation a empiré. Les capacités de captures de poissons ont atteint des niveaux totalement incompatibles avec la productivité des océans. Il n’y a aucun pays, à l’exception des États-Unis et de l’Australie, qui a procédé à une réduction substantielle de sa pêche.
Pourquoi personne ne réagit malgré cet état de fait largement reconnu ?
La consommation des produits de la mer augmente. Dans les pays développés, c’est surtout une consommation de luxe ; dans les pays en développement, c’est la croissance de la population et des revenus qui fait augmenter la consommation de poisson. C’est en contradiction totale avec ce que l’on sait de l’état des ressources marines. L’industrie s’y engouffre et devient incontrôlable. Comment influencer cette industrie de la pêche ? Diminuer les subventions serait un excellent levier, car la pêche à grande distance a besoin de carburant et de moyens technologiques. Mais souvent, les gouvernements ne contrôlent pas l’industrie de la pêche. Depuis 1950, les pêcheries descendent vers le sud au rythme de l’épuisement des stocks, soit de 0,8° par an. Seules les flottilles les plus subventionnées entrent en compétition, créant un clivage de plus en plus important avec les pays pauvres.
Faut-il changer la gouvernance des océans ?
Il n’y a pas aujourd’hui de gouvernance pour la haute mer au-delà des Zones économiques exclusives (ZEE). Dans les ZEE, les pays disposent en principe de moyens légaux pour contrôler la pêche, mais c’est un privilège de riches. En Mauritanie ou au Sénégal par exemple, les flottilles européennes ou asiatiques entrent dans les ZEE. Il faudrait une autorité internationale, mais cela nécessite que les États acceptent de céder une partie de leurs pouvoirs et de leur autorité.
Aires marines protégées et labellisation MSC sont-elles des solutions ?
Les aires marines protégées sont indispensables, mais les objectifs de Rio (10 % de couverture) n’ont pas été atteints. Il faut encourager la mise en place de très grandes aires comme celles d’Hawaï ou de Chagos, plus protectrices et plus faciles à surveiller. Quant au label MSC (Marine Stewardship Council), il crée peut-être un peu d’ordre dans le désordre, mais certifie aujourd’hui des pêcheries qui ne devraient pas l’être.
Comment voyez-vous la situation dans 20 ans ?
Dans 20 ans, nous aurons des problèmes tellement énormes que la commercialisation du thon sera le dernier de nos soucis. Peut-être que, si l’humanité est capable de régler les problèmes du climat, de l’eau douce, de la production agricole, elle saura régler celui de la surpêche. Mais il faut trouver la clé du changement et ce ne sera probablement pas les océans.
Propos recueillis par Cédric Javanaud
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