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Prendre un nouveau départ et modifier notre approche de l’écologisme

À l’heure du congrès de l’UICN, le Dr Joe Zammit-Lucia affirme que la communauté écologiste doit repenser son approche. « La foi dans la capacité du scénario de statu quo à provoquer les changements nécessaires tient plus de l’envie de certains de voir ce scénario perdurer (et de leur peur des répercussions de n’importe quel changement de direction) que de l’analyse cohérente. »

Cette phrase, tirée d’un rapport de l’UICN publié en 2008, était destinée aux responsables des prises de décisions. Il est temps que nous la destinions également à nous-mêmes : comment définissons-nous l’écologisme, qui sommes-nous et comment espérons-nous déclencher des changements positifs ?

Tergiverser ou consolider le succès ?

Le succès du mouvement écologiste ne fait de doute pour personne. On observe une forte sensibilisation aux questions environnementales, qui font désormais partie de notre langage de tous les jours, de nos valeurs et de nos normes sociales. L’investissement dans les énergies alternatives, dans le sauvetage des espèces et dans la conservation des écosystèmes prend une ampleur que l’on ne soupçonnait pas au milieu des années 70. Les 25 dernières années du siècle dernier ont véritablement représenté l’âge d’or de la conservation et nous devrions être capables de tirer profit de ce succès. Alors pourquoi, à mesure que l’année 2012 avance, donnons-nous l’impression de tergiverser quand nous devrions aller de l’avant en toute confiance ?

Le fait que nous ayons essuyé des revers ne fait pas de doute non plus. L’encre de l’accord signé à Durban lors de la Convention des Nations unies sur le changement climatique n’est certes pas encore sèche, mais depuis le fiasco de Copenhague, l’évolution des négociations sur le climat est au mieux décevante, au pire désastreuse. Nous n’avons pas non plus fait les progrès escomptés dans d’autres secteurs de la protection de l’environnement. Nous traversons une période économique difficile. Résultat : les budgets ont été réduits et les questions de conservation et d’environnement, marginalisées. Ils sont considérés comme de possibles entraves supplémentaires à la croissance, alors qu’on pourrait rediriger l’argent consacré aux efforts de conservation vers ce qui est perçu comme des investissements porteurs d’une plus grande productivité économique.

Reprendre l’initiative

La voie de la facilité consiste à se plaindre et à attribuer notre échec à la « myopie des hommes politiques » qui n’ont pas le courage de faire les changements qui s’imposent. Mais il s’agirait là d’un renoncement bien commode à nos responsabilités. Si notre message ne trouve pas d’écho, la première chose à faire est de nous regarder dans la glace. Comment pouvons-nous repenser ce que nous sommes et parvenir à nous placer davantage au centre du débat politique ? Comment reprendre l’initiative ?

Le monde a changé et nos succès à venir dépendront de notre faculté d’évoluer avec lui et d’apprendre à être efficaces dans ce XXIe siècle nouveau, insaisissable, déstructuré, désinvolte et postmoderne. Le défi que doit relever le mouvement environnemental consiste à trouver un point d’accroche avec notre cybersociété urbaine qui n’a plus de lien avec le monde naturel et à justifier son utilité auprès d’elle, et plus particulièrement auprès de ceux qui sont susceptibles de considérer les questions de conservation comme secondaires voire carrément dommageables à mesure que les économies s’essoufflent, que l’emploi se raréfie et que l’exclusion sociale se concrétise.

Un nouvel écologisme durable

Je suggère donc différents éléments pour un nouvel écologisme qui puisse fonctionner dans notre monde actuel et soit soutenable dans celui de demain.

1. Planter le décor d’un futur positif et tangible : la première et la plus difficile des tâches consiste à détourner l’attention des individus des messages apocalyptiques dont ils sont sans cesse bombardés et, ce qui est bien plus difficile encore, de planter le décor du type d’avenir que nous leur proposons : un avenir qui leur garantisse de façon crédible ce à quoi ils aspirent, à savoir des emplois, la sécurité, la cohésion sociale et des niveaux de vie plus élevés.

2. Passer du militantisme à l’écologisme : nous somme entourés de militants écologistes, c’est-à-dire de personnes qui n’examinent le monde qu’à travers le prisme des questions environnementales. Une telle approche est facilement rejetée tant elle s’apparente à des vociférations de lobbyistes bornés. Nous avons au contraire besoin d’un écologiste d’un nouveau genre qui sache intégrer les questions environnementales dans le monde politique, social et économique. En d’autres termes, nous devons arrêter de regarder la société à travers le prisme de l’environnement pour regarder ce dernier à travers le prisme de nos sociétés.

3. Faire passer les résultats avant l’idéologie : si nous voulons obtenir des résultats, nous devons renoncer à tout fanatisme et à toute idéologie. Certains individus, peu nombreux mais bruyants, continuent à faire passer l’idéologie avant les résultats. On peut ne pas être d’accord avec le système capitaliste, mais c’est le système en place et s’il nous reste aussi peu de temps qu’on le dit, nous devons apprendre à faire avec et à tirer parti de tous les avantages qu’il présente.

4. Mettre en avant des solutions et non des problèmes : il ne sert à rien de se battre contre des moulins à vent. Nombreux sont ceux qui estiment que l’accroissement démographique et le développement économique sont incompatibles avec un avenir durable, mais personne ne propose d’alternative concrète, efficace, crédible et socialement viable. Une économie sans croissance n’apporterait rien, mis à part à quelques adeptes de l’utopie, si ce n’est que les ressources seraient inévitablement accaparées par les puissants aux dépens des faibles. Concentrons donc plutôt nos efforts et notre rhétorique sur les domaines dans lesquels nous pouvons proposer des solutions crédibles et concrètes sur le long comme sur le court terme. Il en existe un certain nombre, alors ne nous laissons pas distraire par les sujets qui suscitent des griefs mais pour lesquels nous n’avons pas de solution.

5. Apprendre à travailler avec les autres : ils sont nombreux au sein du mouvement environnemental à avoir compris que les problèmes sont d’une telle ampleur et les solutions, à ce point complexes, coûteuses et vastes, que nous ne pourrons pas atteindre nos objectifs sans collaborer de près avec l’industrie sous toutes ses formes : depuis les entreprises spécialisées dans l’extraction des ressources jusqu’aux multinationales de la finance dont nous aurons besoin pour réaliser les investissements nécessaires en passant par les compagnies qui créent les produits que nous consommons et celles qui connaissent bien les comportements humains et savent les influencer. Sans un engagement en bloc au côté du secteur privé nous n’obtiendrons pas les résultats escomptés ; un certain nombre d’organisations environnementales montrent d’ores et déjà l’exemple.

6. Il n’y a pas de conservation, il n’y a que du développement : le terme « conservation » est malheureusement associé aujourd’hui aux personnes qui sont contre le progrès et sont davantage tournées vers le passé que vers l’avenir. Mais étant donné la situation dans laquelle nous sommes, nous n’avons d’autre choix que d’aller de l’avant. Lorsqu’un point chaud de biodiversité est protégé en tant que tel grâce à l’écotourisme, ce n’est pas seulement de la conservation, c’est aussi du développement. C’est le fruit d’un choix conscient, celui de développer une zone d’une certaine façon. Tous nos choix de « conservation » sont des choix de développement (durable ?) qui seront plus productifs s’ils sont considérés sous cet angle.

7. Être viable : nos États sont endettés et affrontent une situation financière catastrophique. On ne crée plus les colossales quantités de richesses privées comme on le faisait il y a quelques années. Les questions environnementales sont trop importantes pour être dépendantes de la charité, de la philanthropie et des subventions gouvernementales versées grâce à l’argent du contribuable. Si l’environnement est autant porteur de valeur qu’on le dit, alors il doit véhiculer une force économique considérable. Il doit de lui-même générer de la richesse et devenir une « industrie » qui emploie des individus et apporte sa contribution à l’économie et au bien-être. On parle d’« économie verte », mais il s’agit trop souvent d’une expression vide de sens employée comme prétexte pour demander plus de subventions, plus d’argent aux contribuables, plus de dons aux riches. Le développement durable peut se tenir sur ses deux jambes et contribuer à la bonne santé et à la croissance de nos économies. Un certain nombre d’organisations environnementales sont d’ores et déjà viables grâce à la valeur concrète qu’elles fournissent aux individus et aux entreprises. Nous devons davantage suivre leur exemple.

8. Mettre l’accent sur les individus et non sur la « Nature » : je terminerai en disant que l’écologisme, c’est de l’humain et non de la nature.

Mais c’est une autre histoire que vous pouvez lire ici.

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