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La faim des terres

Vice-président du conseil régional de PACA pour Europe Ecologie-Les Verts et maire de Mouans-Sartoux « La fin des terres, que mangerons demain ? » sur les questions d’agriculture et d’alimentation. Il propose des pistes pour promouvoir une alimentation saine, tant pour la santé que pour l’environnement.

Votre ouvrage dresse un avenir assez pessimiste pour le secteur agricole français, pour quelles raisons ?

En France, mais aussi dans le monde entier, les terres agricoles sont menacées. Dans les pays riches, le prix des terrains agricoles doit faire face à la pression immobilière tandis que dans les pays en développement, des spéculateurs venus des pays riches acquièrent à bas coût des terres pour les revendre ou les exploiter plus tard quant les cours auront augmenté. On trouve dans ces pays des terrains à 1 euros de l’hectare. Ils prendront de la valeur avec l’envolée du cours des produits alimentaires.

Qu’est ce qui menace l’agriculture en France ?

La principale menace, c’est la mauvaise agriculture, c’est-à-dire les grandes exploitations qui utilisent des quantités importantes de pesticides. Vient ensuite la réduction des surfaces agricoles, y compris en Provence-Alpes-Côte d’Azur, qui s’explique par l’urbanisation galopante. Elle conduit les agriculteurs, mais aussi les promoteurs, à convertir les terres agricoles en terrains constructibles afin de les revendre. En tant que responsable au niveau local et régional, j’ai désormais du mal à trouver des terrains pour y installer des agriculteurs. Au conseil régional, nous allons devoir augmenter le budget alloué à l’acquisition des terrains agricoles.

Qu’en est-il du développement de l’agriculture locale et bio ?

Il a fallu du temps au bio pour percer, mais il commence à être reconnu et accepté. Il faut encore l’aider à se développer. Et sur ce point, les pouvoir publics ont un rôle à jouer. Pour donner l’exemple, à Mouans-Sartoux, nous avons acquis un terrain de 4 hectares puis fait un appel d’offre afin de faire venir un agriculteur bio pour fournir les restaurants scolaires. Malgré les réticences du début, cela a été une vraie révélation pour les enfants. Pour s’en donner une idée, il suffit de les voir avec de grandes courges entre les mains revenir chez eux le soir et en réclamer à leurs parents. Ils mangent plus de fruits et de légumes et évitent aussi les excès de sel et de sucre liés à une restauration plus industrielle. Et si on mange mal, c’est avec ses dents qu’on creuse sa tombe ! Les enfants y prennent goût, ce sont de bons produits et cela leur permet déjà de prendre bonnes habitudes alimentaires pour le futur. Cela coûte peut-être un peu plus cher, mais la qualité et les résultats sont là. Et une fois adoptées, ces mesures plaisent. On distribue 1300 repas tous les jours et on a aussi mis en place un marché bio qui rencontre un certain succès.

Que peuvent faire les pouvoirs publics et les collectivités ?

Elles peuvent aider à l’installation et au maintien des exploitants. Au travers de l’achat ou de la location de terrains, via des subventions ou tout simplement en mettant en place des marchés et des débouchés. Il ne sert à rien d’établir une installation agricole si elle se trouve loin des débouchés. A Mouans-Sartoux, nous avons mis en place un marché bio, la ville achète aussi des produits locaux et bio pour sa restauration collective. Dans le même ordre d’idées, nous avons revu le plan d’urbanisme afin de créer plus de densité et de proximité en centre-ville et de libérer des espaces ailleurs pour l’agriculture ou des jardins communaux accessibles à des familles afin qu’elles s’occupent de potagers. Les pouvoirs publics peuvent jouer un rôle dans la sensibilisation et l’accompagnement de ces projets.

Dans quel sens faut-il réformer la PAC ? Comment peut-elle aider au maintien de l’agriculture ?

La PAC peut jouer un rôle pour aller vers plus de durabilité dans l’agriculture. Il faut surtout rendre les démarches dans ce sens moins fastidieux. Il me semble qu’il faut davantage travailler sur la qualité des produits plutôt que les quantités.

Comment voyez-vous la situation en PACA ?

J’observe qu’il y a de plus en plus de jeunes, venus des écoles agricoles de Dignes et d’Antibes qui veulent s’installer, monter des projets autour de l’agriculture, ils sont sérieux motivés et ils ont des idées. C’est très différents des générations précédentes, que je qualifierai de beatniks qui venaient et pensaient trouver facilement à s’adapter à la vie rurale. Les jeunes d’aujourd’hui sont conscients des défis à relever, mais ils ont aussi des tas de projets en agriculture bio, en élevage. Ils portent une grande attention aux produits de la terre et veulent aussi transmettre cette passion leurs enfants. La grande difficulté reste et toujours le foncier et l’installation.

Pensez-vous que les citoyens et les consommateurs sont assez informés sur ce qu’ils mangent et la manière dont l’alimentation est produite ?

Les gens sont mieux informés sur ce qu’ils mangent. Ils en redemandent, le succès des AMAP n’est plus à démontrer. La demande dépasse même l’offre. Les crises sanitaires liées à l’alimentation, les livres et les documentaires sur le sujet y ont contribué. Cela s’ajoute avec le souhait de renouer avec les traditions et avec le désir de manger sainement des produits qui ont du goût.

Propos recueillis par Julien Leprovost

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