Pascale Ultré – Guérard occupe le poste de responsable du programme Terre, Environnement et Climat au CNES, l’agence spatiale française. Selon elle, l’observation grâce aux satellites ne se cantonne pas à la météo : elle permet de mieux comprendre le fonctionnement de notre planète.
Pour le grand public, l’imagerie satellite se résume souvent à la météo, mais les satellites jouent bien d’autres rôles dans l’observation de l’environnement.
Les satellites jouent un rôle très précieux pour la météorologie. Mais leur utilisation ne se limite pas à l’observation de l’atmosphère (et aux prises de vues montrées à la télé lors du bulletin de prévision météo). L’imagerie satellite sert à cartographier la planète à différentes échelles. Ainsi, nos 2 satellites Pléiades peuvent faire des relevés de 20X20 kilomètres avec une précision de 70 centimètres. C’est-à-dire que sur une photo un pixel représente un carré de 70X70 cm. Les collectivités apprécient une telle précision pour surveiller au cours du temps l’urbanisation, faire leurs plans d’aménagement en prenant en compte l’évolution d’un territoire. Désormais, les satellites permettent de surveiller de façon précise des détails au sol à la fois pour des besoins militaires ou civils. Ils reviennent plusieurs fois sur le même site grâce à leurs orbites et leur agilité qui permet des prises de vue latérales, ce qui assure une surveillance dans le temps.
Qu’observe-t-on grâce à l’imagerie satellitaire ?
Les satellites mesurent de nombreuses données physiques comme la température, l’humidité, la colonne d’eau dans l’atmosphère ,qui sert à établir les prévisions météo mais aussi les relevés climatiques. Mais, en poussant les performances de certains instruments, on arrive à mesurer la présence de certaines substance chimiques dans l’atmosphère – car chacune possède une signature particulière. Ainsi, avec l’instrument Iasi Interféromètre Atmosphérique de Sondage Infrarouge , embarqué sur plusieurs satellites météo, a pu mesurer l’ampleur du nuage d’ammoniac au-dessus de l’Inde. Il est également possible d’observer le monoxyde de carbone ou encore les panaches volcaniques et d’en évaluer l’étendue.
Le spatial est aussi un outil de contrôle des activités au sol au niveau global ou dans des régions difficiles d’accès, sans avoir à envoyer du personnel sur le terrain. Ainsi, le Brésil a mis en place un système de surveillance des zones soumises à déforestation.
Cette surveillance concerne aussi d’autres aspects comme le climat et le niveau des océans ?
Il est possible de mesurer de nombreux paramètres des océans comme la température de surface et le niveau des mers avec une grande précision. Cela permet de faire des mesures de l’état de surface des mers, d et en particulier des vagues, dont la connaissance en temps réel est utile pour la météo marine et contribue à la prévision à 15 jours de l’état des océans , et à celle des courants marins, utile pour de nombreux métiers de la mer. Ce suivi du niveau des mers entre également en compte dans le suivi des conséquences du changement climatique sur plusieurs décennies. ON constate ainsi que le e niveau des océans augmente de 3 millimètres par an en moyenne en raison de la dilatation thermique et de la fonte des glaciers continentaux.
Et plus précisément pour le climat ?
Les séries météo n’ont que quelques dizaines d’années, les satellites ne fournissent donc qu’une petite partie de l’histoire du climat . Mais ce n’en représente pas moins des données précieuses Par ailleurs, la surveillance des émissions (et des puits) de gaz à effet de serre est un défi majeur pour les futurs satellites. En 2009, les Japonais ont lancé GOSAT pour observer les émissions de gaz à effet de serre, en particulier le CO2, et ces mesures sont actuellement analysées pour mieux comprendre les échanges de carbone entre la surface terrestre (et océanique) et l’atmosphère. Après un échec en 2009, les Américains vont relancer en 2014 un autre satellite, OCO, dont l’objectif est d’observer les émissions de gaz carbonique.
La France a deux projets de surveillance deux principaux gaz à effet de serre : MicroCarb pour le dioxyde de carbone et MERLIN pour le méthane, ce dernier en coopération avec l’Allemagne.
N’est-ce pas trop tard pour mettre en œuvre de tels programmes ?
Il n’est jamais trop tard pour bien faire et affiner nos connaissances, surtout qu’il y a encore des gens qui ne sont pas encore convaincus du changement climatique. Ces projets assureront une couverture homogène, globale et régionale, des émissions de gaz à effet de serre.
Il nous permettront de suivre l’effet des mesures prises pour limiter ces émissions. Même s’il faudra du temps pour le le CO2,, puisqu’il a une durée de vie dans l’atmosphère de l’ordre de 100 ans Ce sera plus facile à observer pour le méthande, qui a une durée de vie réduite, moins de 10 ans dans l’atmosphère. Il sera donc possible de suivre une éventuelle réponse du système à des mécanismes de réduction. Au début du projet Merlin, je m’étais dit « le méthane est lié à l’agriculture, mais on ne va pas supprimer l’agriculture car elle nourrit les gens. Dans ce cas comment faire ? » Mais il existe de nombreuses recherches à l’INRA ou ailleurs sur des techniques qui permettent de maintenir une production agricole tout en réduisant les émissions. Par exemple, modifier le régime alimentaire des vaches ou encore mettre certaines bactéries dans les rizières pour qu’elles dégagent moins de méthane.
Enfin, est-ce écologique d’envoyer des satellites ?
C’est une bonne question qui se pose de plus en plus. Les débris spatiaux en orbite, au nombre de 700 000 pour ceux dont la taille dépasse un centimètre, préoccupent de plus en plus les spécialistes. Désormais, on fait attention à ce que les satellites lancés sur des orbites dites « basses » brûlent en rentrant dans l’atmosphère en moins de 25 ans. C’est devenu une règle de conception – il faut désormais intégrer un plus grand réservoir de carburant pour descendre au maximum l’orbite du satellite à sa fin de vie. Bien sûr, ce n’est pas vrai pour les anciens modèles. De plus, ces efforts semblent dérisoires quand les Chinois tirent sur un de leur satellite en fin de vie afin de montrer leur capacité de destruction, et que cela génère des milliers de débris sur des orbites très occupées.
Quant à l’activité de lancement, tout ce que je peux en dire, c’est que cela ressemble à l’apocalypse avec des flammes partout sur le moment et sur le pas de tir. Pourtant, le site en Guyane est une véritable réserve naturelle habité par des animaux qu’on ne voit plus ailleurs.
Propos recueillis par Julien Leprovost
Ecrire un commentaire