« Quand le vent du changement se lève, les uns construisent des murs, les autres des moulins à vent », dit un vieux proverbe chinois. Ces mêmes mots ont clos la réunion de mars du Parlement du climat, un forum qui réunit à Bruxelles des législateurs du monde entier, déterminés à lutter contre le changement climatique.
Des députés, des représentants des Nations unies et de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) ont conclu que mettre fin à la dépendance aux combustibles fossiles était l’une des tâches les plus urgentes pour combattre efficacement ce changement climatique.
Les voix du Parlement du climat se joignent à un chœur grandissant d’acteurs influents qui estiment nécessaire de changer nos pratiques énergétiques. Lors du Forum économique mondial de Davos en janvier dernier, Lord Nicholas Stern, auteur d’un éminent rapport décrivant les mesures nécessaires pour éviter un changement climatique hors de tout contrôle, a admis qu’il fallait s’attendre à un réchauffement de 4 degrés des températures moyennes de la planète au cours de ce siècle. Il a également avoué avoir rétrospectivement pris conscience du fait que son rapport aurait dû être bien plus ferme sur la nécessité d’une action déterminée pour éviter les risques catastrophiques qu’un tel niveau de réchauffement implique.
Christine Lagarde, directrice générale du Fonds monétaire international, s’est faite l’écho de ce sentiment en disant « qu’à moins de prendre des mesures sur le changement climatique, les générations futures seront grillées, toastées, frites et rôties ». Et le président de la Banque mondiale, Jim Yong Kim a annoncé que son institution donnerait la priorité au changement climatique et encouragerait, entre autres mesures, l’élimination des subventions accordées au secteur des énergies fossiles.
En s’engageant ainsi, la Banque mondiale rejoint une liste toujours plus importante d’organismes internationaux, dont les Nations unies, le FMI et l’OCDE, qui appellent à mettre fin à ces subventions. Nous sommes sur la bonne voie pour conclure un accord sur le climat à l’échelle mondiale. Mais ce processus prendra du temps, alors que nous devons urgemment agir. Concrétiser ce large consensus contre les subventions aux énergies fossiles est possible, même en l’absence d’un accord juridique, et pourrait rapidement avoir un important impact positif.
Selon l’AIE, les subventions aux énergies fossiles ont augmenté de près de 30 pour cent en 2011, pour atteindre 523 milliards de dollars. Sur la même période, les investissements mondiaux dans les énergies renouvelables s’élevaient à 257 milliards de dollars, selon le programme des Nations unies pour l’environnement.
En d’autres termes, nous faisons exactement le contraire de ce qu’il faudrait faire. Les investissements dans les sources d’énergies renouvelables et l’efficacité énergétique sont à la traîne, tandis que les gouvernements du monde entier dépensent des milliards de dollars pour subventionner une catastrophe imminente. Cela doit changer.
En tant que commissaire européenne chargée de l’action pour le climat, je suis particulièrement désireuse de voir trois institutions financières internationales – la Banque européenne d’investissement, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement et la Banque mondiale – se joindre à leurs partenaires de l’UE et de l’OCDE pour jouer un rôle de premier plan dans l’élimination des subventions publiques aux combustibles fossiles. Ensemble, ces trois institutions prêtent plus de 130 milliards d’euros (168 milliards de dollars) par an pour des projets en Europe et au-delà et jouent un rôle consultatif important auprès des pays bénéficiaires. Cette année fournit une occasion toute particulière de mettre ce potentiel en action.
Ces trois institutions ont annoncé qu’elles allaient revoir leurs politiques de prêt au secteur énergétique. L’issue de cet examen conditionnera les prêts accordés dans les quatre à six ans à venir et enverra un message politique et financier fort sur l’engagement de la communauté internationale à combattre le changement climatique. De quatre à six ans est également la durée sur laquelle les climatologues ont prédit que les émissions de gaz à effet de serre atteindraient leur point culminant et devraient commencer à être réduites pour que le monde puisse espérer avoir des perspectives d’avenir décentes.
Les créanciers multilatéraux peuvent montrer l’exemple en imposant des conditions restrictives au financement public du charbon, le combustible fossile le plus polluant, et en exigeant une plus grande transparence dans la déclaration des émissions. Encourager les investissements dans les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique aura l’avantage supplémentaire d’améliorer l’autosuffisance et la résilience énergétiques à long terme face à la volatilité des prix des combustibles fossiles.
De manière plus générale, les institutions financières internationales doivent décourager une logique à court terme des investissements, tant publics que privés. Soutenu par une politique climatique stable et à long terme, le financement public peut stimuler la décarbonisation de notre système énergétique et de nos économies.
Au lieu d’accorder des subventions non durables et préjudiciables à l’environnement, le financement public doit encourager le développement de nouvelles industries et entreprises qui surgissent dans le processus de transition à une économie faible en carbone. Les industries de l’avenir, qui créeront des emplois durables, seront celles qui utiliseront des ressources limitées avec efficacité et qui pourront payer les véritables coûts environnementaux et sanitaires induits par les ressources qu’elles utilisent.
Cessons de payer les pollueurs
par Connie Hedegaard
Traduit de l’anglais par Julia Gallin
Ecrire un commentaire