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Les premiers réfugiés climatiques des Etats-Unis

Alors que les émissions de CO2 ont dépassé le seuil symbolique de 400 particules par million, le Guardian s’interroge sur ces réfugiés climatiques d’un nouveau genre, les premiers des Etats-Unis d’Amérique, la nation la plus riche au monde. Et publie une série d’articles sur le sujet, dont nous reproduisons ici quelques éléments. Dans le village de Newtok, « épicentre du réchauffement planétaire », il ne reste que 4 ans aux 350 habitants pour déménager avant que leur village disparaisse, noyé par la montée des eaux et victime de la fonte du permafrost.

Cruel paradoxe

L’Alaska abrite 220 villages autochtones dont la subsistance dépend des terres et de la mer. C’est le plus vaste état des Etats-Unis d’Amérique. Les Yuits et les Inuits, dont le mode de vie est profondément ancré dans le respect de l’environnement sont les premiers citoyens américains à faire les frais du changement climatique. Cruel paradoxe.

Certes, depuis leur sédentarisation et l’arrivée de nouvelles technologies, ils ont modifié leur façon de vivre passant d’une économie basée sur la chasse et la cueillette à une économie monétaire, troquant kayaks contre bateaux à moteurs et remplaçant leurs huskies par des scooters des neiges, selon l’Unesco. Mais pour Stanley Tom, porte-parole du village de Newtok fortement touché par les effets du changement climatique, ce sont les régions industrialisées de l’Amérique continentale qui rejettent la majorité des gaz à effet de serre du pays, les « 48 d’en bas » et non l’Alaska ; « en comparaison, notre part est dérisoire », déclare-t-il au magazine The Observer.

A l’origine, des populations nomades

A l’origine, ces villages autochtones n’étaient que des points étapes, utilisés par les anciens lors de la cueillette annuelle de baies. En 1959, lorsque l’Alaska est devenu un Etat Américain, ces communautés nomades ont été forcées de se sédentariser et d’envoyer les plus jeunes à l’école. Les communautés se sont installées au plus près des côtes et des lieux facilement accessibles pour le transport des matériaux nécessaire aux constructions des écoles, des administrations… Selon Larry Hartig, directrice du Department d’Alaska pour la conservation environnementale, « proches des rives, le long des rivières, ces lieux n’ont pas été choisis judicieusement et les communautés sont désormais victimes du réchauffement climatique », peut-on lire dans le Guardian.

Les conséquences du réchauffement

Un rapport du corps des ingénieurs de l’armée Américaine (COE) publié en 2009 dresse un constat alarmant, plus de 180 de ces villages autochtone d’Alaska sont menacés de disparition, soit 86% des communautés natives.

Dans les faits, le réchauffement du climat entraîne la fonte du permafrost, ou pergélisol, la couche du sol gelé en permanence, présente depuis des milliers d’années en Alaska et qui s’étend jusqu’en Sibérie. Sa rigidité protège l’intégrité des sols. Mais avec sa fonte, le sol devient friable et casse. En parallèle, le réchauffement entraîne également une fonte plus importante des glaces, inondant les rivières et les sols. C’est un cercle vicieux qui s’installe alors, une fois la neige fondue, la terre, qui n’est plus protégée par cette couche réfléchissante, absorbe davantage les radiations du soleil ce qui accroit le réchauffement et la fonte. En Alaska, la mer avance désormais vers les villages à une cadence effrénée : jusqu’à 27 mètres par an dans certaines zones, note The Observer.

C’est toute la région qui change. Nathan Tom, un habitant de Newtok, remarque auprès du Guardian que « la saisonnalité de la neige a changé et que les bernaches arrivent maintenant au mauvais moment. Désormais, elles pontent leurs œufs alors que la neige et la glace sont encore présentes et nous ne pouvons plus les récolter ».

Comment faire face

Le village de Newtok, ce sont 63 habitations, situé à plus de 750 kilomètres de Anchorage, le long de la Ninglick, un large cours d’eau qui se jette dans le détroit de Béring. C’est aussi « l’épicentre du réchauffement planétaire », selon The Observer car c’est aussi un village qui aura complètement disparu de la carte d’ici 2017, selon le COE.

Pour faire face, diverses solutions ont été envisagées. L’une d’entre elle consiste à faire déménager tous les villageois dans des camps entourés de barbelés dans la ville d’Anchorage. Une façon de préserver les communautés selon certains. Mais Newtok a pris les devants. En 2007, le conseil du village a décidé de déménager les 63 habitations de la communauté à 15 kilomètres de là, de l’autre côté de la rivière, sur l’île de Nelson. Un projet à plus de 130 millions de dollars…

Un projet plein d’espoir, même si pour Nathan Tom, l’heure est au pessimisme : « il y a quelques années, ils nous ont dit l’année prochaine. Puis l’année dernière, ils nous ont dit l’année prochaine. Et l’année prochaine, ils nous diront probablement encore l’année prochaine ».

L’aide Américaine

En effet, si en 2009, le COE a désignée 26 communes de l’Alaska, dont Newtok, comme « Communes d’Action Prioritaire », rapporte l’Unesco, signifiant qu’elles ont besoin d’une aide immédiate et substantielle, une majeur partie de celles-ci n’ont pour l’instant reçu aucune aide des programmes fédéraux parce qu’elles ne répondaient pas aux critères requis ou qu’elles étaient dans l’incapacité de participer à hauteur de 35% aux investissements nécessaires pour lutter contre l’érosion de leur terre.

L’heure du bilan

A Newtok, six ans après la décision initiale de relocaliser le village, seuls 3 maisons ont été construites dans le nouveau village, note le Guardian. La station d’épuration de l’ancien village est désormais fermée, les infrastructures tombent en ruine, personne ne veut investir dans une commune qui va être transférée même si le nouveau village n’est pas prêt pour accueillir de nouveaux habitants. Les vagues elles, ne sont plus qu’à quelques mètres des premières maisons.

Selon Larry Hartig, « Le cas de Newtok se résolvera probablement sur plusieurs dizaines d’années, à moins que les circonstances obligent les autorités à intervenir avant pour les secourir les populations », note le Guardian.

Et The Observer de s’interroger, « si le pays le plus riche au monde a du mal à transférer une aussi minuscule localité menacée par le réchauffement climatique, que peut-on attendre de lui une fois que les effets du réchauffement se feront réellement sentir ? »

Roxanne Crossley

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