Suite au viol et au meurtre d’une jeune femme dans un bus en Inde, Cecilia Tacoli, chercheuse pour l’Institut International pour l’Environnement et le Développement (IIED), revient sur les spécificités et les risques de la pauvreté féminine en zone urbaine.
Pourquoi parler de pauvreté féminine en zone urbaine ?
L’urbanisation devrait être une opportunité pour les femmes. Elle devrait leur offrir de meilleures possibilités d’embauches, de meilleures conditions sanitaires et une plus grande indépendance. Or en pratique, les femmes sont souvent victimes d’harcèlements, d’agressions dans les transports et pour les plus défavorisées d’un manque d’accès aux soins. Le rôle des femmes dans le développement durable est souvent mis de côté. D’un point vue économique, ce sont elles qui prennent en charge les taches invisibles du quotidien, qui soutiennent leur mari en faisant vivre la maison et en élevant leurs enfants. Socialement, elles prennent en chargent les emplois de services à la personne, prennent soins des anciens, cuisinent et élèvent les enfants. Au Guatemala, l’on estime que ces services représentent 30% du PIB. En prenant soin de leur habitation et en s’assurant d’un accès à des sanitaires propres pour leur famille, ces femmes prennent également soin de la planète.
La réalité n’est donc pas si facile ?
Effectivement. Si les situations varient énormément d’un pays à l’autre, d’une culture à l’autre, d’un statut social à l’autre, nombreuses sont les femmes victimes de l’urbanisation. Obligées de travailler pour aider leur mari à subvenir aux besoins plus importants du foyer, elles ne sont pour autant pas dispensées des taches quotidiennes qui leur incombent déjà en milieu rural. Or, elles ont souvent des longs trajets pour se rendre sur leur lieu de travail. Des trajets qui les rendent vulnérables aux agressions physiques, sexuelles souvent, comme ce fut le cas en Inde. Les emplois qu’elles occupent ne sont généralement pas encadrés par un contrat de travail et les conditions d’embauches sont très précaires, les bureaux parfois insalubres. De plus, en zone urbaine, elles n’ont nul part pour faire pousser leurs fruits et légumes, elles n’ont qu’un espace restreint pour s’occuper de leur famille, et les sanitaires sont pour la plupart absents. La vie dans les bidonvilles est rude, beaucoup plus rude qu’à la campagne.
Quel est l’avenir pour ses femmes ?
Décrites comme cela, les choses n’ont pas l’air roses. Mais les manifestations qui ont eu lieu en Inde suite à ce viol nous montrent que les femmes, si elles se regroupent, peuvent se faire entendre des dirigeants et ainsi peser sur la situation. Cela reste trop souvent mal accepté : dans nombreuses cultures, une femme qui travaille et qui fait entendre son opinion n’est pas une femme bien, et son mari n’est pas un homme de valeur. Mais désormais, les femmes peuvent profiter des opportunités que leurs offrent les espaces urbains et notamment l’accès à la contraception et l’enrichissement social pour se regrouper et faire valoir leurs opinion et leurs droits.
Quel impact pour la planète ?
A la maison, ce ne sont pas les hommes qui s’assurent de l’accès à des sanitaires propres ou d’une alimentation saine et équilibrée. Ce sont les femmes. Les femmes ont compris bien plus tôt qu’eux l’importance du développement durable pour le bien être de leur famille. Si elles sont capables de se regrouper en zone urbaine pour créer des potagers partagés et s’assurer d’un accès aux sanitaires pour tous ce sera déjà une étape importante pour la planète.
Les femmes œuvrent pour la société, l’économie et la planète dans le plus grand des silences. Il est temps pour elles de prendre la parole, ce qu’elles font !
Propos recueillis par Roxanne Crossley
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