Offrez un cadeau qui fait sens pour cette fin d’année : soutenez GoodPlanet Mag’ et les projets engagés de la Fondation GoodPlanet

Surpêche, les subventions européennes dans le collimateur

subventions eurppéennes

Retour de pêche aux environs de Dakar, Sénégal. © Yann Arthus-Bertrand/Altitude

Les accords de pêche signés par l’Europe avec les pays en développement  sont des subventions qui favorisent la pêche européenne au détriment des pêcheurs des pays en développement. Jeune doctorant, Frédéric Le Manach vient de publier un article à ce sujet dans la revue scientifique PLOS ONE.

Que montre votre étude ?

 Sur les 30 dernières années, l’Union européenne a pris en charge une partie importante des frais d’accès aux eaux de nombreux pays du Sud, en particulier pour la pêche au thon. Sur les 6,7  milliards de dollars, l’Union en en payé plus de 5 milliards, tandis que les flottes ont payé 1,7 milliard d’euros. L’Europe prend donc en charge 75 % des frais d’accès aux eaux riches en thons des pays en développement. Or, sur cette même période, grâce à ces droits d’accès, les pêcheurs européens ont gagné 96 milliards d’euros en pêchant le thon dans les pays en développement. Il s’agit donc d’une forme indirecte de subventions aux pêcheries, or les armateurs des flottes européennes n’en ont pourtant pas besoin pour accéder aux eaux territoriales : ils signent souvent des accords privés directement avec les pays. Pour cette étude, nous nous sommes concentrés sur les accords publics signés par l’Europe avec les pays en développement, dont la grande majorité, 17 accords sur 20, a été signée avec des pays africains pour l’accès aux ressources en thon dans les Zones Économiques Exclusives. Ces accords sont à sens unique puisque les navires européens vont pêcher dans les eaux au large de l’Afrique et pas l’inverse.

Quelles sont les conséquences de ces accords ?

Nous savons, grâce à d’autres études, que certaines subventions à la pêche favorisent la surexploitation des océans, parce qu’elles participent à l’augmentation de la capacité de pêche. C’est le cas ici, et cette étude pointe du doigt le risque d’aggravation de la surpêche induit par des subventions élevées. En effet, ayant peu à investir dans l’accès aux ressources (ces droits d’accès représentent 2 % de leurs revenus), les flottes européennes peuvent consacrer une part plus importante de leurs bénéfices à l’accroissement des capacités de pêche. Ce phénomène est susceptible d’accentuer la surexploitation des ressources halieutiques, notamment vis à vis des populations de thons, particulièrement touchées. De plus, même si les pêcheurs locaux ne pêchent pas le thon, ces accords de pêche les empêchent d’une certaine manière d’exploiter cette ressource [utilisée par les navire européens]. Cela a pour autre conséquence de bloquer l’émergence d’un marché local.

Savons-nous où va l’argent versé par l’Europe ?

Une partie des fonds est censée aider les pêcheries et les pêcheurs locaux, mais il n’existe pas toujours de traçabilité pour ces fonds. Dans certains cas, ceux-ci sont intégrés au budget de l’Etat. Ils sont censés financer les déplacements des gestionnaires de pêcheries aux réunions des organisations régionales de gestion des pêches  (comme l’ICCAT ) mais parfois, les gestionnaires ne s’y rendent pas. Il y a donc des cas où l’on ne sait pas où va l’argent. Cependant, ces accords entre l’UE et les pays ont le mérité d’être transparents et publics, ce qui n’est pas le cas d’accords de pêches conclus directement entre les entreprises et les Etats, ou des accords conclus par des Etats non européens. Ces autres accords restent à explorer et à évaluer.

Que préconisez-vous ?

Tout d’abord, de conserver le cadre des accords signés par l’Union européenne, car même s’ils sont  imparfaits, ils offrent une garantie de transparence. Mais il faudrait réduire le niveau des subventions pour empêcher les capacités de pêche d’être surdéveloppées. Et il faudrait donc que les armateurs européens payent une part plus importante des droits d’accès aux eaux territoriales des pays tiers.

 

Frédéric Le Manach

Frédéric Le Manach

 

Frédéric Le Manach est doctorant à l’Université de Colombie britannique et à l’IRD. il est l’auteur de l’étude European Union’s Public Fishing Access Agreements in Developing Countries publiée fin novembre dans la revue PLOS ONE.

Propos recueillis par Julien Leprovost

Pour en savoir plus sur les subventions à la surpêche, lire l’interview de Daniel Pauly : « Nous sous-estimons l’ampleur de la surpêche ».

2 commentaires

Ecrire un commentaire