En novembre, plus de 6000 personnes (professionnels des parcs, ONG, représentants des états…) venues de 170 pays se sont réunies en Australie pour le 6e Congrès Mondial des Parcs organisé par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN). Le précédent avait eu lieu en 2003, l’occasion pour nous de tirer le bilan de ce qui se fait en matière d’espaces protégés dans le monde avec le directeur du comité français de l’UICN Sébastien Moncorps.
Quel bilan tirez-vous de ce dernier Congrès des Parcs de l’UICN ?
Le bilan est très positif pour ce 6e Congrès des Parcs. Les derniers chiffres indiquent que 15,4 % de la surface terrestre est protégée et que 3,4 % des océans le sont. Nous sommes en bonne voie pour atteindre en 2020 l’objectif 11 d’Aichi fixé par la Convention sur la Diversité Biologique. Son ambition est de protéger 17 % des surfaces terrestres et 10 % des surfaces maritimes. Aujourd’hui, les espaces protégés sont en pleine croissance et revêtent de nombreuses formes. Elles vont du parc national, à la réserve naturelle en passant par des sites et paysages protégés par des conventions de gestion ou encore des acquisitions foncières qui permettent de soustraire des espaces naturels à la pression urbaine et immobilière. L’objectif principal du congrès était de montrer tous les avantages apportés par les aires protégées et de renforcer la mobilisation internationale.
Où en est la France ?
La France protège déjà 20 % de son territoire terrestre et 16 % de son espace maritime. Avec le parc naturel de la mer de Corail en Nouvelle-Calédonie, la France dispose de la plus grande aire protégée au monde. Elle couvre 1,3 million de km2. C’est une décision importante qui doit être prochainement confortée par l’élaboration d’un plan de gestion. Notre pays a pour objectif de renforcer la protection forte de son territoire terrestre (2% en 2019) et d’atteindre 20% de protection de son espace maritime en 2020.
Le Congrès s’est achevé par la « promesse de Sydney », qu’est ce que c’est ?
C’est à la fois une déclaration qui rappelle le lien qui unit l’humanité à la nature et un engagement à la préserver. Nous dépendons des milieux naturels pour notre survie et nous pouvons tirer de nombreux bénéfices de sa protection. Concrètement, ce sont aussi des pays qui ont pris des engagements : par exemple Madagascar s’est engagé à tripler son réseau d’aires marines protégées.
Quelles sont les tendances en matière de création d’aires protégées ?
Quand l’UICN a organisé son premier congrès en 1962, nous l’avions justement baptisé Congrès Mondial des Parcs parce qu’à l’époque les parcs nationaux étaient les principaux outils de protection. Et ils concernaient surtout des espaces terrestres. Nous recensions alors près de 9000 sites pour une surface de 2,4 millions de km2 dans le monde contre 32,8 millions de km2 aujourd’hui répartis sur 209 000 sites. En cinquante ans, les moyens de protection des milieux ont évolué et ne sont plus l’apanage des états, ils peuvent être portés par les collectivités locales ou les communautés ainsi que les ONG ou des propriétaires privés. La tendance est à une plus grande implication des populations locales dans la création et la gestion des aires protégées. Depuis une dizaine d’année, il y a aussi une prise de conscience du rôle crucial des aires protégées pour les mers et les océans. Ce sont des espaces très vulnérables aux pollutions ainsi qu’à la surexploitation des ressources à cause de la surpêche.
Quels rôles peuvent jouer les aires protégées dans les grands enjeux environnementaux actuels ?
C’est une nouveauté, le Congrès a mis l’accent sur le rôle des zones protégées dans la lutte contre le changement climatique et leurs bienfaits. Ainsi, elles stockent 15 % du CO2 mondial, principalement dans des forêts et dans des zones humides. Le captage des gaz à effet de serre et la dimension climatique vont être de plus en plus pris en compte dans la création et le maintien de zones protégées. Elles jouent aussi un rôle dans l’adaptation et la résilience face aux risques naturels. De plus, 100 des plus grandes villes du monde dépendent d’aires protégées pour l’approvisionnement en eau.
Durant ce Congrès, l’UICN a dévoilé la Liste Verte, pouvez-vous expliquer en quoi elle consiste ?
La Liste Verte est un label qui récompense les aires protégées qui sont efficacement gérées. Les 23 premiers espaces protégés de la Liste Verte ont été dévoilés, 5 se trouvent en France. Pour disposer du label Liste Verte, il faut postuler et respecter plusieurs critères. Par exemple, l’aire protégée a-t-elle bien défini ses enjeux de préservation et ses objectifs, a-t-elle identifié et apportée des réponses aux menaces et a-t-elle les moyens humains et financiers d’assurer sa bonne gestion. Si une aire protégée remplit ces critères alors elle obtient le label Liste Verte pour une durée de 5 ans. C’est une reconnaissance du travail des gestionnaires et un formidable outil pour le partage des bonnes pratiques.
Et que dire des aires protégées qui faillissent à leur mission comme les parcs nationaux d’Afrique du Sud qui ne parviennent pas à enrayer le braconnage ou encore le parc du Virunga menacé par des projets d’extraction pétrolière?
Hélas, c’est le cas. A côté de nombreux succès dans la conservation, il y a des espaces qui sont exposés à des fortes menaces dues à des problèmes de gouvernance, des conflits et l’essor de réseaux criminels puissants. Ces dernières années, plus de 1000 rangers ont été tués dans leur mission. De vraies menaces perdurent sur les aires protégées, décréter un parc ne suffit pas à en faire un havre de paix. La crise du braconnage que traverse l’Afrique ou encore le parc du Virunga et la Grande Barrière de Corail menacés par l’exploitation des énergies fossiles rappellent que la protection nécessite un engagement politique fort et des moyens financiers et humains à la hauteur des enjeux.
Propos recueillis par Julien Leprovost
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