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Microbes de la grippe et pollution : un cocktail mortel ?

L’importante épidémie de grippe qui a touché la France cet hiver est à l’origine de plus de18.300 décès prématurés. Et si les microbes n’étaient pas la seule cause de ces décès ? Serge Orru, administrateur de l’institut de l’économie circulaire etancien président de WWF France, nous dit pourquoi la pollution a aussi joué un rôle important.

La semaine dernière, Lord Nicholas Stern a fait sensation à Paris, lors de la conférence Business & Climate, donnée sous le patronage de l’Unesco, en présence des patrons des grands groupes mondiaux qui présentaient les solutions des entreprises pour lutter contre le dérèglement climatique, en prévision de la COP 21.
Rappelons que le rapport Stern de 2006 est consacré à l’économie du changement climatique où il quantifie le prix de l’inaction face à ce péril identifié par la communauté scientifique.

Mais revenons vite à l’intrigue : rentré récemment de Chine et muni d’un appareil mesurant la qualité de l’air, Lord Nicholas Stern a eu la curiosité, dans sa propre rue de Londres, de vérifier le taux de particules fines dans l’air, dont les minuscules PM2.5, parmi les plus dangereuses pour nos poumons.

Et là, surprise, le taux mesuré était largement supérieur au seuil à partir duquel les écoles de Shanghai ou de Pékin sont obligatoirement fermées.
Son message a été clair : s’occuper de la planète et des générations futures est prioritaire.

Mais il est tout aussi urgent de s’occuper de notre propre santé.

Car le problème de la pollution atmosphérique n’est pas que celui de lointains pays, c’est aussi le nôtre ici et aujourd’hui. Le regretté David Servan Schreiber nous disait que l’on ne peut vivre en bonne santé sur une planète malade.

Selon l’OMS, la France – notamment en raison de la forte diésélisation de son parc automobile – comptabilise chaque année plus de 42.000 décès prématurés, causés par la seule pollution atmosphérique.

Soit dix fois le nombre des victimes de la route.
Flasher une particule fine est sans doute plus difficile que flasher un véhicule, mais où se trouve le vrai danger pour l’automobiliste ? Sur la route, certes mais aussi dans son habitacle, lorsqu’il respire à chaque embouteillage un taux de particules plusieurs centaines de fois supérieur au seuil d’alerte de l’OMS.

Une hypothèse nous taraude alors, à l’instar de la corrélation dorénavant établie entre l’épandage des fertilisants dans les champs et l’apparition du pic de pollution printanier : et si la « surmortalité grippale hivernale » était aussi liée au pic de pollution très élevé subi en décembre 2014 ?
Après tout, il faut plusieurs semaines pour passer du simple mal de gorge à la bronchite, de la bronchite à la pneumonie et de la pneumonie à la fin de vie, ultime étape de la surinfection microbienne.
La période de surmortalité hivernale coïncide parfaitement avec les semaines qui ont suivi le pic de pollution de décembre 2014.

Alors posons une question qui devrait interpeller : et si notre surmortalité dite grippale, de plus de18.000 personnes, telle que rapportée par l’Institut de Veille sanitaire, était en réalité multifactorielle ?

Et si les microbes de la grippe combinés aux particules citadines constituaient ainsi un cocktail à l’origine de cette surmortalité saisonnière ?

Et si une simple grippe pouvait dégénérer en raison de surinfections respiratoires d’origines environnementales ?

Ces mortalités prématurées se reproduiront
Répondre à cette question légitime nécessite que deux éclairages puissent nous être apportés :
– Tout d’abord, établir la cartographie précise de cette surmortalité, et voir si elle correspond ou non aux zones de plus forte densité urbaine.
– Réaliser également la cartographie des décès de la canicule de 2003 (15.000 décès selon l’INSERM). Là, difficile d’évoquer la grippe. Si la cartographie de la canicule établit elle aussi la relation entre surmortalité et densité urbaine, le doute ne serait alors plus permis : chaleur et pollution ne font pas meilleur ménage que grippe et pollution.
Si ces relations sont établies, ces mortalités prématurées, hivernales ou estivales, se reproduiront donc.

 

Si nous ne réagissons pas maintenant, nous prenons également le risque que ce phénomène se propage à toutes les saisons : après les pics de pollution avec des cas de disparitions inexplicables par la grippe ou la chaleur excessive.

Nous pourrions craindre que des cas similaires soient recensés dès ce printemps, soit quelques semaines après le pic de pollution élevé de mars 2015. J’espère vraiment que cette crainte soit infondée.
Mais souhaitons vivement que cette mesure inopinée des particules fines par Lord Stern, dans son élégant quartier du centre de Londres, à son retour de Chine, puisse marquer une nouvelle étape dans notre lucidité et prise de conscience collective pour obtenir une meilleure qualité de l’air dans nos villes.

Un texte publié initalement dans L’OBS.

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