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Pierre Tranchant, un paysan low tech

low tech

Pierre Tranchant avec un cheval pour le labour

Pierre Tranchant est un paysan-boulanger à Saint Dolay, en Bretagne. A 42 ans, cet ancien pêcheur sur des navires-usines refuse d’avoir un impact négatif sur son environnement et sur la société, il ne veut plus faire partie d’un système qui exploite les ressources naturelles. Avec sa femme Charline, il crée donc une exploitation agricole biologique: la Ferme du Meunier. Sur 35 hectares de parcelles agricoles, ils cultivent d’anciennes variétés de céréales, du tournesol et du pavot et élèvent 33 chèvres, pour leur fromage. Ils alimentent leurs machines agricoles avec de l’huile usagée récupérée dans les restaurants du coin, labourent leurs champs avec un cheval et entendent mettre au point une machine à biner et à semer ! Entretien avec un agriculteur soucieux de montrer qu’une agriculture basée sur le low-tech est possible.

Comment êtes-vous passé de la pêche industrielle à une ferme écologique ?

Un bateau est une unité embarquée, il doit être autonome, ma ferme je l’ai conçu ainsi. On a bâti une ferme qui tend vers l’autonomie, comme en mer, pour ne pas dépendre d’un monde qui ne me convient pas. Je ne me suis pas installé pour sauver la planète ou prouver quoi que ce soit, mais pour impacter le moins possible la terre et la société, vivre sur un lieu à nous, simplement et mieux avec les gens. On a conçu un lieu de passage, de vie et d’expérimentations qui permet de faire travailler son cerveau et ses mains. On garde la tête éveillée et on met en pratique ce que l’on veut faire, on est plus libre. C’est un mode de vie qui m’épanouit.

Où trouvez-vous l’énergie, le temps et l’ingéniosité pour mener autant de projets à deux ?

Bien s’entourer pour produire et pour vendre, c’est la clé de l’autonomie. Ensuite, il faut du capital, pour l’agroforesterie j’ai été financé par la Fondation GoodPlanet et des bénévoles sont venus nous aider. Pour le micro méthanisateur, j’ai décroché un concours, et c’est un ami qui va me l’installer. Pour l’huile c’est grâce à une recyclerie montée par un ami maraîcher. Je travaille avec les ateliers paysans, ce sont des groupes de recherche menés par des ingénieurs, ou encore avec l’INRA. Pour la traction animale j’ai beaucoup appris grâce à l’open source sur internet. Je travaille avec tout un tissu social et je fais dans le low tech.

Vous dites valoriser la frugalité technologique, qu’est-ce que c’est ?

C’est s’approprier par nous même les technologies low-tech. Pour être compétitif les gens pensent qu’il faut des gros tracteurs ou des drones pour tout optimiser, mais pour amortir ces technologies il faut des parcelles plus grandes, faire de la monoculture, détruire le bocage autour … Donc, oui, on augmente l’efficacité intrinsèque de l’équipement mais on appauvrit les sols et le réseau social. La frugalité c’est travailler avec la nature, se réapproprier l’agronomie, réapprendre à conserver l’environnement. C’est réfléchir à l’envers, au lieu d’aller plus vite, plus fort, plus puissant, il vaut mieux travailler moins dur avec des équipements plus petits, avec des animaux de traits, des outils adaptés. Ma moissonneuse batteuse est âgée de 40 ans, je la retape, met de l’huile de friture dedans, et elle marche très bien. C’est ça l’énergie moderne ! Avec mes chevaux j’ai développé des outils plus efficaces qu’avec mon tracteur. Je suis seul pour biner, avec un tracteur il faut être deux. Les gens ne peuvent pas l’entendre, pour eux c’est passéiste. On me prend plus souvent pour un hurluberlu qu’un avant-gardiste !

Comment voyez-vous votre ferme dans dix ans ?

J’aimerais davantage recentrer notre vie sur place. Je dois faire 50 km deux fois par semaine pour vendre mon pain dans les AMAP. Les gens ne prennent pas du pain pour toute la semaine, alors que mon pain se conserve largement une semaine, c’est très frustrant. Mais il faut du temps pour modifier les pratiques, changer tout le système social. Moins de déplacement et créer une véritable économie stationnaire avec les gens qui vivent autour de nous dans un système d’économie hyper locale, c’est mon objectif.

Propos recueillis par Caroline Amiard

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