Ces 5 dernières années, 10 journalistes travaillant sur des sujets environnementaux d ont été assassinés. Reporters sans Frontières a publié un rapport sur le sujet, nous republions ici le communiqué résumant les grandes lignes de ce rapport sur la difficulté d’exercer le métier de journaliste. Le communiqué est suivi d »un extrait de ce document : une interview de James Randerson, responsable éditorial de la campagne “Keep it in the ground” du Guardian. En effet, avec cette campagne, le quotidien britannique a pris position contre l’extraction des énergies fossiles.
A l’occasion de la COP-21 à Paris, Reporters sans frontières (RSF) publie un rapport intitulé Climat hostile contre les journalistes environnementaux, dans lequel l’organisation révèle les difficultés parfois tragiques des journalistes en charge des questions d’environnement.
Alors que la question de l’environnement s’impose de plus en plus comme un enjeu majeur, Reporters sans frontières (RSF) appelle à prêter une attention particulière aux journalistes qui couvrent à leurs risques et périls ces sujets souvent sensibles. Dans son rapport Climat hostile contre les journalistes environnementaux, publié le 26 novembre, l’organisation constate que la situation de ces journalistes spécialistes empire chaque année, confrontés à de multiples pressions, menaces et violences.
“Avant 2015, jamais un tel niveau de violence à l’encontre de ces femmes et ces hommes qui enquêtent souvent seuls sur des terrains reculés n’avait été atteint, déclare Christophe Deloire, secrétaire général de RSF. A l’heure de la COP21, il est urgent de rappeler que l’environnement est un sujet hautement sensible qui vaut trop souvent de sérieux ennuis à ceux qui lèvent le voile sur les pollutions et autres dégradations en tout genre dans le monde. Pourtant ce méticuleux et dangereux travail de collecte et de diffusion de l’information est la condition sine qua non d’un sursaut général contre les dangers qui menacent notre planète. »
Depuis 2010, dix d’entre eux ont été assassinés, selon les chiffres établis par RSF. Au cours des cinq dernières années, la quasi-totalité des homicides de journalistes environnementaux (90%) se concentrent en Asie du Sud (Inde) et Asie du Sud-Est (Cambodge, Philippines, Indonésie). En 2015, deux reporters indiens Jagendra Singh et Sandeep Kothari ont été tués, brûlés.
En raison de leurs enquêtes, certains ont été menacés, agressés, voire même emprisonnés. Au printemps 2015, au moins six journalistes péruviens se sont dit “harcelés et violentés”. En Ouzbékistan, le freelance Solidjon Abdourakhmanov croupit derrière les barreaux depuis huit ans. Tous ont un point commun : avoir enquêté sur des sujets environnementaux sensibles, comme l’exploitation illégale de ressources naturelles, la déforestation ou la pollution.
Certains États n’hésitent pas à dégainer l’arme de la censure, dès lors que des sujets environnementaux engagent leur responsabilité. En Chine, après le succès fulgurant d’un documentaire sur la pollution à Pékin, “Under The Dome”, le Parti communiste chinois a décidé en mars dernier de suspendre sa diffusion. En Equateur, les journalistes sont bridés par un lourd arsenal législatif les empêchant de traiter de l’exploitation minière dans le parc naturel de Yasuni, mondialement reconnu pour sa très grande biodiversité. Au Canada, les scientifiques sont, eux, de plus en plus muselés par les autorités afin de ne pas évoquer le sujet des sables bitumineux avec les journalistes.
Certains reporters environnementaux ont aussi été approchés par des entreprises engagées dans des projets peu soucieux de l’environnement. Tous les moyens sont bons pour améliorer leur image. Des journalistes de la République démocratique du Congo racontent avoir été soudoyés par une entreprise britannique en charge d’explorer du pétrole dans un parc naturel des Virunga, qui voulait acheter leur silence. Le reporter canadien Stephen Leahy s’est vu proposer de l’argent par une entreprise canadienne pour qu’il arrête d’enquêter sur ses activités.
Face à ces multiples obstacles, de plus en plus de journalistes environnementaux ont choisi de se regrouper en associations. Si elles ont avant tout vocation à améliorer la qualité des sujets des journalistes, elles offrent aux reporters une opportunité de travailler en collaboration et de partir plus aguerris et mieux protégés sur le terrain.
L’extrait du rapport : entretien avec James Randerson : “ON ESSAIE DE NOUS MANIPULER”
James Randerson est responsable éditorial de la campagne “Keep it in the ground” du Guardian. Il répond à RSF sur la manière dont se passe son travail.
Avez-vous déjà été confronté à la censure ou à des pressions en traitant des sujets environnementaux ?
Nous subissons régulièrement des pressions, à des degrés plus ou moins importants, sur des sujets que nous couvrons ou sur la façon dont nous les traitons. C’est le cas pour tous les journalistes. Ce n’est pas propre au journalisme environnemental, mais la réponse doit être la même. Sur un même sujet, nous évaluons les points de vue des différents protagonistes. Puis, nous écrivons l’histoire telle que nous la percevons.
De temps en temps, les responsables des services de presse des entreprises – qu’elles soient petites ou grandes -, et même des gouvernements essaient d’insister, de nous manipuler ou de nous intimider afin de nous faire changer de sujet ou de nous influencer dans notre façon de le traiter. Notre travail est de rendre compte avec précision et de rester imperturbable face à de telles pressions.
Est-ce qu’un groupe industriel a déjà mis un terme à sa campagne publicitaire dans votre journal en raison d’un article à charge contre lui ?
Parfois, les entreprises sur lesquelles nous écrivons refusent de répondre à nos questions, particulièrement si le sujet ne va pas servir leur image. ExxonMobil a refusé de parler au Guardian concernant un sujet sur le climat en raison de notre campagne éditoriale intitulée “Laissez-le dans le sol” (“Keep it in the ground”), qui consiste à inciter les entreprises à renoncer aux énergies fossiles dans les sous-sols, pour sauver la planète. Par expérience, nous savions qu’elle ne faisait pas partie des entreprises les plus loquaces sur le sujet.
Quels sont, selon vous, les sujets les plus risqués à couvrir ?
En matière d’environnement, un sujet dangereux dépend plus du lieu du reportage que du sujet. Donc, nous réfléchissons attentivement avant d’envoyer des reporters dans des régions du monde instables et peu sûres. Les autorités récalcitrantes comme la Russie peuvent être sources de danger. Nous continuons d’envoyer des journalistes mais seulement après avoir maîtrisé les risques.
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