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Les humains sont-ils pires que Tchernobyl ?


Pripiat, ville abandonnée près de la centrale nucléaire de Tchernobyl, Ukraine (51°24’ N - 30°02’ E).
 Pripiat, ville abandonnée près de la centrale nucléaire de Tchernobyl, Ukraine (51°24’ N - 30°02’ E).
Pripiat, ville abandonnée près de la centrale nucléaire de Tchernobyl, Ukraine (51°24’ N – 30°02’ E).

Presque 30 ans se sont écoulés depuis l’accident nucléaire de Tchernobyl et la communauté scientifique n’est toujours pas d’accord au sujet de l’impact du rayonnement sur l’écosystème aux alentours du réacteur. Dernièrement, j’ai étudié avec d’autres scientifiques les animaux dans la zone d’exclusion humaine autour de la centrale.

Les résultats sont choquants : quel que puisse être l’impact des radiations sur les animaux, les effets de l’habitat humain semblent avoir été bien pires. Le site nous remémore avec force à quel point la simple présence physique d’êtres humains dans un habitat est plus préjudiciable qu’une des pires catastrophes environnementales du XXème siècle.

Nous avons étudié des animaux sur la zone qui couvre près de 2 200 kilomètres carrés (850 milles carrés) à l’intérieur de la zone d’exclusion biélorusse connue sous le nom de « Réserve radio-écologique de l’État de Polésie. » Avant le désastre, ce secteur abritait 22 000 personnes dans 92 villages et la terre était cultivée et exploitée pour ses ressources forestières. Dans les jours qui ont suivi l’accident, les habitants humains du secteur ont été déplacés avec leurs animaux de ferme pour les protéger contre les niveaux élevés de radiations.

Bien que les niveaux de radiation aient chuté d’un facteur proche de 100 dans les mois qui ont suivi l’accident, le secteur est toujours jugé impropre à l’habitation humaine. Il y a peu de rapports sur les effets de l’accident sur les animaux sauvages, mais nous savons que dans quelques points chauds de radiation, les arbres et la faune sont morts.

Certaines personnes s’attendent à ce que, presque 30 ans après, la zone autour du réacteur demeure une terre en friche, rarement peuplée par des animaux au patrimoine génétique endommagé suite à une exposition chronique aux radiations durant plusieurs générations. La réalité est tout autre. En effet, seulement quelques années après l’accident, les données rassemblées par des scientifiques biélorusses qui ont procédé à des sondages par survols en hélicoptère de la zone abandonnée ont révélé des effectifs croissants de sangliers, d’élans et de chevreuils.

Au fil du temps, la population de la faune de la région a continué à se développer, car les animaux se sont servis de ce que les gens avaient abandonné. Les récoltes, les jardins et les vergers ont fourni des sources abondantes de nourriture. Les maisons et les corps de ferme abandonnés sont devenus des nids et des repaires prêts à l’emploi. De 1993, le nombre de sangliers avait été multiplié par six, avant de se réduire de moitié suite à une flambée épidémique et à une prédation par une population de loups en hausse rapide.

Notre recherche prouve que le nombre de grands mammifères de Tchernobyl est semblable à celui habitant les réserves naturelles non contaminées de Biélorussie, sauf pour les loups qui sont bien plus nombreux à la périphérie du réacteur. Le secteur abrite également des lynx et même quelques ours bruns. Les données de population ne montrent pas non plus de lien entre les niveaux de radiations et les densités de mammifères : le nombre de mammifères dans les parties les plus contaminées de la zone est semblable à celui dans les parties les moins contaminées.

Certes le fait que les animaux prospèrent à Tchernobyl ne signifie pas que les radiations sont bénéfiques pour la faune. Le rayonnement endommage l’ADN et aux niveaux actuels nous ne pouvons pas exclure des effets sur la reproduction de certains animaux.

Mais une comparaison avec ce qui s’est produit à l’extérieur de la zone affectée est instructive. Quels que soient les dégâts causés par les radiations, l’habitation par des humains cause une destruction bien plus grande. En effet, dans les secteurs situés en dehors de la zone ou des réserves naturelles, les populations d’élans et de sangliers ont subi de forts déclins, car des variations socio-économiques importantes après la chute de l’Union Soviétique ont vu empirer la pauvreté rurale et ont porté tort à la gestion de la faune.

La leçon que nous pouvons tirer de Tchernobyl est que le propre de la nature est se développer et que nous devons lui laisser suffisamment d’espace dans ce but. Les premières causes responsables de la diminution de la biodiversité mondiale comprennent la perte et la fragmentation de son habitat en raison de l’activité humaine.

Même certains de nos efforts environnementaux issus de nos meilleures intentions, comme le combat contre le changement climatique, ont conduit à l’expansion de la présence humaine dans des espaces sauvages auparavant intacts. La demande en bio-carburants est liée par exemple à la déforestation. Il est peut-être également temps que nous pensions à adopter une agriculture de pointe (même génétiquement modifiée), pour fournir la nourriture nous avons besoin sur de plus petites zones de terre cultivable, en laissant plus d’espace à la faune.

Il n’y a naturellement aucune solution facile et tous les efforts pour trouver une solution à ce problème seront compliqués par la croissance rapide et continue de la population humaine. Mais une chose est sûre : en tant qu’espèce, nous devons réfléchir plus sérieusement à notre impact sur la population animale non humaine et commencer à mieux tenir compte de ces effets dans nos politiques économiques et environnementales.

Les humains sont-ils pires que Tchernobyl ?
par Jim T. Smith is Professeur en  sciences de la terre et de l’environnement à ‘lUniversité de Portsmouth.l
Copyright : Project Syndicate, 2015
www.project-syndicate.org

12 commentaires

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    • Jean

    Tiens, un preuve de plus que les anti-nucléaire ne sont pas des écolos, et aussi anti-science que les climatosceptiques.

      • Inserm

      jean
      L’ argument de Smith est pour le moins spécieux: il avance que l Homme serait- in fine- plus dangereux que les radiations … Un peu comme si on affirmait que le nazisme ou le communisme ou le Polpotisme est plus dangereux que les radiations (et les centrales nucléaires sous entendu)parce qu il semblerait qu’ à Tchernobyl les populations de cervidés /sangliers etc n’ ont jamais été aussi nombreuses … comparaison n’ est pas raison !!
      Je note que Smith dit : »Quels que soient les dégâts causés par les radiations, l’habitation par des humains cause une destruction bien plus grande.  » Quelle profondeur d’ analyse!!!

      Mr Smith n’ est pas un spécialiste des faibles doses , il est professeur en SVT .

      Pour avoir une idée de ce qui se passe dans les Territoires contaminés , il faut étudier les travaux-par exemple – de la spécialiste de génétique Rosa Goncharova qui a depuis 1986 étudié les dégats causés par les faibles doses sur les alevins, punaises etc … et réfléchir au fait que le pouvoir du dictateur Loukachenko, Président du Bélarus lui a supprimé ses credits de recherche .

      Dans les territoires contaminés,500000 enfants sont aujourd hui atteints par les dégats des faibles doses de radioactivité ingérées et il est plus facile de s’ extasier et gloser sur le nombre de sangliers et autres cerfs présents à Tchernobyl que de s’ attaquer aux causes réelles des différentes pathologies que présentent ces populations infantiles .
      mais Smith est prudent : il écrit : » »Certes le fait que les animaux prospèrent à Tchernobyl ne signifie pas que les radiations sont bénéfiques pour la faune – «  »…. OUF!!
      Il ne parle pas de la flore (une fois de plus ce n’ est pas un spécialiste des faibles doses , juste un gloseur de passage …) , mais il se garde une réserve …
      Voyez vous Jean, pour les Fetes de fin d’ année, je vous déconseille le sanglier de Tchernobyl …. Il est impropre à la consommation à cause du niveau élevé- non pas de radiation-mais de césium 137.
      Et il y a encore plein de bons produits encore non contaminés …

      Bonnes Fetes et Bonne Année donc !

      nb.: Vous pouvez aussi ouvrir le site des « Enfants de Tchernobyl-Bélarus  » sur lequel vous pourrez étudier les écrits du Professeur Nesterenko, ancien patron du nucléaire au Bélarus et qui fut un des plus grand physicien nucléaire au monde.Egalement plein de renseignements sur la situation actuelle dans les zones contaminées par Tchernobyl .

      • Lancelot

      C’est incapable d’avoir la moindre réflexion et ça vient donner des leçons!

      • Lancelot

      La science élevé au rang de religion par l’homme moderne!Je trouve que ça devient risible a ce niveau!

    • Damien

    Etude fort intéressante. Bravo ! Pour moi, l’homme est le plus grand prédateur de la planète. Il mange tout et détruit tout sur son passage. Cependant, des prévisionnistes prévoient déjà que d’ici 2050, 80% de la population vivra en sites urbains. Tant mieux, cela laissera un peu d’espace vert dans nos campagnes. Au Canada l’on expérimente des immeubles-ferme où l’on cultive dans les étages et sur les toitures légumes et fruits. Une bonne solution en perspective. Dans mon pays je me bats contre l’étalement urbain où chacun veut son pré carré de pelouse au 3/4 bétonné pour disposer d’un parking pour les voitures ( 2 en moyenne par ménage).

      • Rozé

      Ce texte de Smith parait sans grand intérêt. Il enfonce des portes ouvertes et ne dit rien sur les conséquences réelles de la catastrophe nucléaire ! Tout terrien éclairé a compris depuis longtemps que nous sommes trop nombreux sur cette Terre et que nous la pillions et polluons de plus en plus … jusqu’à en mourir demain.
      La culture intensive a déjà fait de gros dégâts et vouloir continuer dans cette voie est une hérésie que d’aucuns entretiennent avec les OGM ou la culture artificielle.
      De même la surpopulation des villes ou métropoles et la désertification des campagnes ou forêts est une voie qui même au désastre en entretenant la nécessité de transports intenses de gens et de marchandises ou denrées, en concentrant non seulement les hommes mais aussi les consommations nourricières ou énergétiques. Du coup, la lutte contre le réchauffement climatique est perdue d’avance. De plus en cas de pénurie (probable), la survie de ces cités est menacée.
      Ce que dit Smith est intéressant d’un certain point de vue; en effet, sans le dire clairement, il prône l’existence parallèle des hommes et des autres espèces vivantes, le respect de la nature en somme. L’humanité a été trop loin dans une forme de civilisation énergivore, gaspilleuse et non respectueuse de son environnement. Le retour à une forme de vie et de société plus proche de la nature est notre seule chance de survie. L’ignorer, c’est condamner les générations qui vont suivre à une mort atroce. L’ignorer et surtout ne rien faire, c’est tout simplement criminel.

    • Francis

    Le sujet oublié lors de la COP 21 est l’arrêt de l’expansion démographique de l’espèce humaine. Qui dit transition démographique dit promotion de la femme.Vous voyez le problème ? Certains veulent conquérir le monde en utilisant le ventre de leurs femmes !

      • Rozé

      Cette idée est très réductrice et me déplait fort ! Qui sont ces ‘certains’ ? Des catholiques aisés qui ont 3 enfants et plus ? Des musulmans ? Des habitants de pays pauvres ? Pour ces derniers la famille nombreuse est une forme d’assurance retraite, ne l’oublions pas. Dans les familles françaises d’avant 1940, il n’était pas rare de concevoir une dizaine d’enfants !
      Je pense donc que la lutte contre la pauvreté et les immenses inégalités de ce monde éviterait automatiquement la surnatalité.
      Merci, si possible, d’être plus respectueux des femmes !

    • mathelin

    Mr Smith ecrit: « quel que puisse être l’impact des radiations sur les animaux, les effets de l’habitat humain semblent avoir été bien pires. »

    Mr Smith ne s’ est interessé qu’ aux animaux, plus exactement a CE QU’IL A VU.Il a constaté une recrudescence des cervidés et sangliers, mais ne les a pas analysés.C’ est dommage.(analysé : je veux dire mesurer leur taux de 137 CES par ex.)

    Aujourd hui , dans les territoires contaminés par la catastrophe de Tchernobyl, on considére que 8O% de la population infantile souffre de diverses pathologies(atteinte du muscle cardiaque, problemes des glandes endocrines, etc , etc..).
    Il est dommage que- a priori- Mr Smith ne se soit pas mis en relation avec la généticienne Bélarus Mme Rosa Goncharova qui a étudié les alevins , les punaises etc …dans la modification de leur patrimoine génétique ; il aurait aussi pu recevoir ses doléances , car le dictateur Loukachenko lui a coupé ses crédits;- il semble que ses conclusions n’ allait pas dans le bon sens.-

    S’ il est important de comptabiliser les cerfs et les loups, il me semble plus important de se pencher sur l ‘Humain .
    L’ Association « Les Enfants de Tchernobyl-Bélarus » apporte une bouffée de vérité envers les populations en souffrance et aussi un peu de financement pour payer les médecins pour s’ occuper des enfants malades .Le Vce -Président de cette association était le grand physicien nucléaire Vassilié Nesterenko.(Aujourd hui DCD)

    mr Smith fait un raccourci surprenant à partir d’ un postulat encore plus surprenant: prouver que l ‘ étre Humain et son habitat est + nocif que les radiations …Etonnant n’ est il pas ,?

    Mais Mr Smith est professeur de SVT et non spécialiste des faibles doses de radionucléides ingérés. Personnellement ,je fais + confiance au Professeur Bandajevsky ou au Professeur Nesterenko dans leurs attendus et conclusions .

    Mais il semble bien que le lobby nucléaire soit tres puissant et infiltré depuis longtemps dans certaines sphéres scientiques /mediatiques .

    • Rozé

    Ce sont les humains qui ont créé la centrale nucléaire de Tchernobyl ! Les humains sont ou ne sont pas pire que les humains. Par contre Tchernobyl, comme Fukushima, Hiroshima, Nagasaki et quelques autres catastrophes nucléaires moins médiatiques sont bien la pire des choses qui détruisent du vivant pour longtemps et menacent la survie de l’humanité.
    Sur, par contre, la Terre existera encore bien après notre passage …

      • mathelin

      Rozé

      Hiroshima et Nagasaki sont des explosions belliqueuses et s’il est vrai que les catastrophes Tchernobyl et Fukushima procédent de l ‘ atome « pacifique « ,il s’agit de cas bien différents-bien que l’ atome belliqueux , la bombe , est le fils direct de l’ atome dir « pacifique » .
      Dans le 1er cas , il s’ agit d’ explosions atomiques en forme de « cône » à l’ intérieur duquel toute vie est supprimée, dans le 2 em cas , il s’ agit d’ un incendie (Tchernobyl) qui a envoyé plus de 400 différents radionucléides dans l’ atmosphère et pollué une grande partie de l Europe; Fukushima , c’ est 3 coeurs qui ont fondu et on ne sait pas trop ce qui se passe aujourd hui (le robot envoyé en tentative d’ exploration la semaine derniére a tenu 3 heures ; il est HS désormais );

      De toutes façons , il y a aujourd’hui en fonctionnement « normal »un Tchernobyl par an sur la planéte, du aux rejets des centrales nucléaires.
      Je suis d’ accord pour affirmer que la présence des centrales nucléaires est la pire des choses sur la planéte; le réchauffement est un énorme probléme, mais le nucléaire est aussi un trés énorme probléme .
      Mais comme l’ a fait Smith , compter le nombre de pattes des cerfs et les diviser par quatre pour estimer leur nombre , c’ est vraiment de l ‘enfumage- et délaisser la proie (les problemes de santé des populations) pour l ‘ ombre( le comptage des cerfs ).
      Bonne année !

    • SieberETB

    On ne peut que conseiller à Monsieur Smith de consulter les nombreux articles scientifiques de chercheurs spécialisés qui ont étudié l’ensemble de la chaîne trophique des régions les plus touchées par Tchernobyl, depuis la microflore et microfaune des sols jusqu’aux animaux supérieurs, mammifères et oiseaux, en passant par les insectes, les arthropodes et autres invertébrés.

    Il pourra constater que cela n’a rien d’un paradis pour la vie. Je lui indique ici quelques auteurs clés dont il trouvera facilement des articles publiés par des revues à comité de lecture (il aura l’embarras du choix) : Roza Goncharova, Tim Mousseau et A.P. Moller. De récents travaux de l’IRSN confirment des résultats acquis par ces biiologistes et généticiens. Je conseille en particulier le papier de Moller et Mousseau sur la perte d’humus des sols du fait que la litière n’est quasiment plus dégradée du fait de l’affaiblissement de l’activité biologique dans les sols et à leur surface. Il s’en suit une épaisseur de matière sèche facilitant les incendies de forêt.

    bref, si les grands animaux qui fuient l’homme trouvent un refuge dans la zone interdite, ils n’y trouvent pas les meilleures conditions pour y vivre et s’y reproduire. l’impression est fallacieuse : il en est de même dans les parcs naturels et les régions inhabitées.