Hinkley Point : un projet suicidaire pour EDF

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Le site d'Hinkley Point en Grande-Bretagne où EDF doit bâtir un réacteur de nouvele génération © AFP PHOTO / JUSTIN TALLIS JUSTIN TALLIS / AFP

EDF a approuvé jeudi 28 juillet  la construction du réacteur C d’Hinkley Point au Royaume-Uni. Le projet est controversé et suscite un vif débat entre les opposants et les partisans du nucléaire. Le débat va au-delà de la pertinence du projet ou de sa sécurité puisque la viabilité financière du projet a été mise en doute.  Nous republions ci-dessous la réaction de Greenpeace France à cette décision ainsi que la réaction de la Société Française de l’énergie Nucléaire (SFFEN) à cette page.

Greenpeace France s’insurge contre la décision d’investissement dans le projet d’Hinkley Point, approuvée aujourd’hui par le Conseil d’administration d’EDF. Ce choix mène l’entreprise tout droit vers la faillite et conduira à un sous-investissement dans la sûreté nucléaire pour le parc français.
EDF se tire une balle dans le pied

Le projet d’Hinkley Point C demande des investissements pharaoniques : environ 22 milliards d’euros. Il vient se rajouter aux engagements pris par EDF concernant le grand carénage et le développement des énergies renouvelables. Au total, EDF devra financer 88 milliards d’euros d’ici à 2025, qui viennent s’additionner aux dépenses récurrentes, notamment de maintenance. Pour financer ces investissements, EDF a annoncé une cession d’actifs de 10 milliards d’euros d’ici à 2020. Une recapitalisation de 4 milliards d’euros votée ce mardi complète ce dispositif dont 3 milliards souscrits par l’Etat français.

« EDF essaye de nous endormir avec ses chiffres, mais la réalité est qu’elle sera incapable de financer ses engagements », affirme Florence de Bonnafos, chargée de campagne énergie et finances à Greenpeace.

En prenant la décision d’investir dans le projet d’Hinkley Point, EDF s’interdit le moindre investissement dans les énergies renouvelables, ou dans la maintenance et la sûreté nucléaires qui posent déjà de grandes difficultés techniques et financières.
« Il y a une véritable opacité entretenue sur les dépenses liées aux projets nucléaires d’EDF, qui a d’ailleurs été perquisitionnée par l’Autorité des marchés financiers jeudi dernier », ajoute Florence de Bonnafos.

Un pari risqué et intenable

Par sa puissance, l’EPR est le réacteur le plus dangereux au monde et ce nouveau projet de construction est une aberration totale. Au-delà des aspects de sûreté, les déboires de l’EPR de Flamanville et les anomalies rencontrées sur la cuve du réacteur montrent que ni EDF ni AREVA ne sont capables de terminer la construction d’un EPR. Sur le chantier de Flamanville comme sur celui d’Olkiluoto (en Finlande), les budgets ont été multipliés par trois et les délais par deux.

« Avec Hinkley Point C, EDF fait un véritable saut dans l’inconnu : sur le plan technique, financier mais aussi en termes de sûreté nucléaire », poursuit Florence de Bonnafos. « Cette décision est symptomatique d’une gestion hasardeuse et dangereuse d’une entreprise qui décide de mettre tous ses œufs dans le même panier. EDF mise la quasi-totalité de ses fonds sur une technologie qui n’a pas fait ses preuves ».

Une analyse partagée par l’ancien directeur financier d’EDF, Thomas Piquemal, lors de son audition de mai dernier à l’Assemblée nationale.

Le projet qui mènera EDF à sa perte

Alors que tous les voyants sont au rouge dans l’industrie nucléaire, le financement du projet engendre un risque supplémentaire. En effet, la participation de l’Etat français à l’augmentation de capital d’EDF (3 milliards d’euros) – dont il n’est un mystère pour personne qu’elle servira à financer le projet d’Hinkley Point – pourrait être requalifiée d’aide d’Etat par la Commission européenne. EDF serait alors contrainte de rembourser la totalité de cette somme.

« Les résultats financiers semestriels présentés demain, qui s’annoncent mauvais, ne viendront que confirmer ce que l’on sait déjà : l’industrie nucléaire n’est plus rentable et l’obstination du gouvernement et d’EDF autour du projet d’Hinkley Point n’en devient que plus dogmatique », souligne Florence de Bonnafos.

EDF avait fait un premier pas vers un avenir porteur en s’engageant à doubler la capacité installée dans les renouvelables d’ici à 2030. Cet avenir part en fumée avec Hinkley Point C.

Consulter la note « Impacts financiers d’Hinkley Point C pour EDF »
Consulter l’Avis légal sur le soutien de l’Etat au projet Hinkley Point

6 commentaires

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    • Marcadet

    Ce projet est insensé. Edf nous fera payer le prix de leur perte et mettra nos vies en danger au moindre changement climatique ou tremblement de terre.
    ARRÊTEZ CE PROJET MORTEL…!!!!!

    • Paul Sven

    Et pendant ce temps, faute de fonds, EDF abandonne les rénovations de l’usine marée-motrice de la Rance, laquelle ne présente aucun danger pour l’environnement et pourrait aider à développer des savoir-faire.
    Nous avons là un scandale financier et environnemental et le gouvernement non seulement fait preuve d’une totale irresponsabilité, mais il engloutit des fonds publics en dépit du bon sens.
    Est-ce que Nicolas Hulot se promène toujours en avion avec le Président pour mousser aux antipodes le bilan français en matière d’environnement ? Il n’a rien à dire Nicolas Hulot ? Le barrage de la Rance, c’est tout près de Saint-Lunaire…

    • Rozé

    Les décideurs de ce monde sont devenus fous (pas de Dieu, mais pire encore).
    Ils mènent EDF à sa perte. Quel sera le repreneur purement privé qui rachètera l’entreprise pour rien ?
    Ils jouent avec la sureté nucléaire. Et en ce sens sont aussi dangereux si ce n’est plus que les terroristes.
    Ils ponctionnent chaque citoyen français ou anglais ou … qui ne veut pourtant pas de cette technologie ! En ce sens, ils dénient toute démocratie.

    • Oskar Lafontaine

    Il est plus que certain que jamais aucun des deux réacteurs EPR d’Hinkley Point ne produira le moindre petit kilowattheure, tout comme d’ailleurs à ce jour aucun des 4 autres en construction dans le monde, dont un à Flamanville dans la Manche n’en a encore produit un seul.
    Nous assistons, avec et par ce projet délirant d’absurdité, à une mise à mort d’EDF, condamnée, en tout état de cause, par l’évolution technologique, alors les « décideurs » cachés se sont dit: « hâtons le mouvement », et l’exemple de ce qui se passe en Allemagne avec les 3 équivalents d’EDF sur place, démontre amplement que la disparition pure et simple de ce type de sociétés productrices d’électricité, est bel et bien programmé.L’Etat va se retirer du secteur de l’électricité et disposer d’électricité va devenir une affaire privée et cessera donc d’être une affaire publique.

    • Micheline

    Pire encore, le fait de persister avec le nucléaire a encore d’autres impacts sur l’envirronement c’est la recherche d’uranium dans des secteurs forestiers en Afrique. Ici a Madagascar on pense que c’est une bonne manne financiere. A quoi servent les COP sinon a se donner bonne conscience.

  • Dans la cadre de l’atténuation climatique, de la sécurité et de la préservation de nos ressources, je me préoccupe comme vous tous de la meilleure façon de produire l’électricité.

    Ce que je n’arrive pas à comprendre est la raison pour laquelle peu de personne ont encore pris conscience qu’il est au moins aussi important voire plus important de se préoccuper de la façon dont on la consomme.

    Il est à vrai dire scandaleux de constater que l’on est pris l’habitude de dégrader une énergie aussi noble et coûteuse que l’énergie électrique avec l’effet joule. Facteur aggravant en tentant d’instaurer en France le chauffage électrique individuel avec l’individualisation des frais de chauffage.

    Voir
    http://infoenergie.eu/riv+ener/LCU_fichiers/LT-discutable.htm

    Les orientations donnés par le législateur pourraient être source de progrès mais lorsqu’elles vont à contresens de l’intérêt général comme cela est le cas avec l’individualisation des frais de chauffage, les conséquences peuvent être redoutables sur le long terme pour chacun d’entre nous.

    Faut-il rappeler qu’un radiateur électrique c’est un COP de 1 alors qu’une pompe à chaleur à compresseur c’est un COP de 4, voire 6 lorsque l’énergie thermique renouvelable est prélevée dans l’eau comme cela est vivement recommandé pour de multiples raisons dans le livre
    « La chaleur renouvelable et la rivière ». Ceci en évitant le gâchis actuel vu que cela a pour conséquence de consommer 4 à 6 fois moins d’électricité pour un même besoin thermique.

    Balendard aout 1936

Patrick Criqui, directeur de recherche au CNRS à propos des enjeux de la COP29 : « réduire les émissions de gaz à effet de serre est moins coûteux dans les pays du Sud que dans les pays du Nord »

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