Pollution de l’air par les particules fines : suivre les recommandations de l’OMS permettrait de sauver 18 000 vies par an en France

particules fines

Vue de l’arc de Triomphe à travers la Grande Arche de La Défense, Hauts-de-Seine, France (48°54’N - 2°14’E). © Yann Arthus-Bertrand

En France, la pollution aux particules fines entraine 48 000 décès prématurés chaque année. Santé publique France a sorti une étude «Analyse des gains en santé de plusieurs scénarios d’amélioration de la qualité de l’air en France continentale » qui évalue les bénéfices des mesures de réduction de la pollution aux particules fines PM 2,5. Il s’agit de poussières et de particules issues de la combustion des énergies fossiles qui font moins de 2,5 micromètres et pénètrent profondément dans l’appareil respiratoire. Sylvia Medina , coordinatrice des programmes air et santé à Santé publique France, explique, à l’occasion de la journée nationale de la qualité de l’air, que suivre les recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé réduirait considérablement le nombre de décès prématurés.

D’après vos données, 76 % de la population française est exposée à une pollution aux particules fines (PM2,5) dépassant les recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) de 10 μg/m3. Pourquoi est-ce inquiétant ?

La pollution atmosphérique est un problème majeur de santé publique. Nous savons de mieux en mieux comment elle contribue au développement de pathologies chroniques et comment elle peut aggraver les symptômes de pathologies préexistantes. Cette pollution agit sur l’organisme avec une action pro-inflammatoire et un stress oxydatif qui dénature les cellules et accélère leur vieillissement. Elle entraîne aussi des mutations des cellules et l’apparition de cellules malignes. Dans la durée, l’exposition quotidienne aux particules fines dégrade les défenses de l’organisme et conduit à une inflammation chronique pouvant être à l’origine de l’apparition de maladies respiratoires, cardiovasculaires, neurodégénératives et de cancers.

Quels seraient les bénéfices de réduire la pollution de l’air sous le seuil recommandé par l’OMS ?

Nous pourrions éviter de l’ordre de 18 000 décès par an, soit 3 % de la mortalité totale en France, si nous réduisons la concentration de particules fines PM 2,5 sous le seuil de 10 μg/m3 préconisé par l’OMS. Pour chaque Français, cela représente un gain moyen de 4 mois d’espérance de vie.

Pour passer sous ce seuil de 10 μg/m3, de combien faut-il, en moyenne, réduire la pollution aux particules fines ?

Donner un chiffre global pour la France n’a pas de sens. Cela dépend de l’endroit où vous êtes : les zones rurales, urbaines ou semi-urbaines ne sont pas affectées de la même manière par la pollution. Certaines zones n’ont pas besoin de la réduire puisqu’elles sont déjà en dessous du seuil de l’OMS. Dans les zones entre 2 000 et 100 000 habitants, il faudrait réduire de 9 % en moyenne la concentration des particules fines, et de 28 % dans les zones de plus de 100 000 habitants. Mais il faut préciser que toutes les études établissent une relation linéaire sans seuil entre la pollution et la santé. En clair, quel que soit le niveau de pollution, même en dessous de la valeur préconisée par l’OMS, il présente des risques sanitaires.

Population, mortalité et concentrations de PM2,5 selon la classe d’urbanisation en France continentale, 2007-2008
Population, mortalité et concentrations de PM2,5 selon la classe d’urbanisation en France continentale, 2007-2008

 Quelles sont les populations les plus exposées ?

Les grandes zones urbaines le sont : en moyenne, on y perd 15 mois d’espérance de vie à cause de la pollution. Il ne faut pas négliger les zones semi-urbaines où la perte est de l’ordre de 10 mois et les zones rurales où la perte est de 9 mois. Ne les oublions pas.

Où faut-il donc réduire en priorité la pollution de l’air pour assurer au plus grand nombre un gain sanitaire ?

La priorité va aux zones les plus densément peuplées, l’Ile-de-France, le nord, l’est, le couloir rhodanien et la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, sans oublier les populations exposées dans le reste du territoire. Par ailleurs, il faut faire attention à ne pas se focaliser sur les pics de pollution car la pollution a un effet tous les jours de l’année, même en dessous des seuils.

Comment faire pour diminuer la pollution de l’air aux particules fines ?

Il faudrait des actions à différents niveaux pour réduire l’ensemble des sources de pollution sur la durée, et accompagner ces actions. Les actions ponctuelles n’ont pas de grand effet. Et il est important de rendre la réglementation plus stricte sur le long terme, et en vérifier l’application.

L’Union européenne, le Grenelle de l’environnement et l‘Organisation mondiale de la santé ont chacun leurs critères fixant des seuils et des recommandations sur la pollution de l’air. Pourquoi ces différences ?

Pour l’OMS, la protection des populations constitue le principal critère de son seuil recommandé de 10 μg/m3. L’Union européenne (20 µg/m3) ) et le Grenelle (15 µg/m3) ont des objectifs plus larges qui prennent en compte des critères économiques et politiques en plus de ceux de la santé. C’est pour ça qu’il existe différents standards. Comme agence de santé publique, les valeurs qui protègent le mieux la population nous semblent les meilleures. Les autres sont moins bénéfiques pour la santé.

Est-ce que tous ces seuils ont un bénéfice de santé publique ?

Si seules les normes de l’Union européenne sont appliquées, une dizaine de décès par an sont évités. En revanche, atteindre les objectifs fixés par le Grenelle de l’environnement permettrait d’éviter 3 000 décès par an.

Propos recueillis par Julien Leprovost

5 commentaires

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  • En étant selon l’OMS responsable de 18 000 décès en France la pollution en ville tue donc beaucoup plus que la campagne avec « seulement » 3500 morts dans les accidents de la route dans l’hexagone

    La pollution de l’air en ville étant principalement liée à la combustion, qu’il s’agisse du transport avec le moteur à explosion ou du chauffage de l’habitat avec nos chaudières il serait temps de passer aux actes avec la voiture hybride et un mode de chauffage en ville qui utilise une chaîne énergétique non polluante.

    En travaillant Paris pourrait ainsi être la ville qui montre au monde entier l’exemple de ce qu’il convient de faire

    Voir à ce sujet
    http://www.goodplanet.info/actualite/2016/02/02/microsoft-veut-mettre-des-centres-de-donnees-dans-locean/

    Balendard septembre 2016

      • GoodPlanet

      Bonjour

      Merci pour votre message
      précision, la pollution de l’air est responsable de 48 000 deces par an en France, données de anté Publique France.
      le fait de suivre la recommandation de l’OMS de la réduire en dessous du seuil de 10 µg/m3 c’est à dire moins de 10 µgrammes de particules fines PM2.5 permettrait d’empêcher 18 000 décès par an sur les 48 000 du total,imputables à la mauvaise qualité de l’air toujours selon des scenarios de santé publique rance qui a aussi étudier les bienfaits du respect des normes moins exigeants fixées par l’Europe et le Grenelle de l’environnement.

      Julien, le journaliste

  • Merci pour cette correction
    C’est donc encore plus grave

    Les particules fines que nous respirons proviennent de la combustion.

    En ville la combustion du bois ou du charbon très polluante à ce niveau est heureusement peu répandue en ville.

    Ce n’est ni le cas du moteur à explosion type diesel, ni la combustion du fioul pour le chauffage urbain qui sont tous les deux très impliqués dans la pollution de l’air de nos cités.

    Des solutions techniques existent pourtant et permettraient de solutionner au mieux ces problèmes:

    – La voiture hybride
    – La chaufferie hybride

    Pour ce dernier poste voir le lien suivant

    http://www.goodplanet.info/actualite/2016/09/21/victimes-dun-episode-inedit-massif-de-blanchissement-debut-dannee-coraux-de-nouvelle-caledonie-se-partiellement-regeneres-restent-vigilance-scientifiques-craig/

    Balendard septembre 2016

    • Stella 2B

    C’est parfait de parler de la pollution urbaine mais il faudrait aussi davantage souligner l’impact de la pollution rurale , avec ses pratiques obsolètes de brûlage des déchets verts, normalement interdits mais qui sont tolérés alors qu’ils devraient être combattus.

Patrick Criqui, directeur de recherche au CNRS à propos des enjeux de la COP29 : « réduire les émissions de gaz à effet de serre est moins coûteux dans les pays du Sud que dans les pays du Nord »

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