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Collapsologie : comment préparer sa commune à l’effondrement avec Alexandre Boisson

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Alexandre Boisson, collapsologue et auteur de Face à l'effondrement, si j'étais maire ?

La question de l’effondrement préoccupe de plus en plus. Mais, comment se préparer à une catastrophe écologique, naturelle ou économique qui se traduirait par l’écroulement de la civilisation et l’incapacité de continuer à vivre comme avant ? La collapsologie, pour l’étude de l’effondrement à venir, se propose d’y répondre. Le collapsologue et ancien policier Alexandre Boisson a fondé l’association SOS Maires pour aider les communes à anticiper ces risques. Il l’explique dans son livre Face à l’effondrement, si j’étais maire ? (éditions Yves Michel). Il a co-écrit cet ouvrage avec André-Jacques Holbeq pour convaincre les villes et villages de devenir résilients, c’est-à-dire capables de faire face à un évènement imprévu et gagner en autonomie.Le collapsologue

Pourquoi avoir écrit le livre « Face à l’effondrement, si j’étais maire ? » ?

La société civile ne conçoit pas encore ce que l’effondrement implique. Je crains la panique des foules face à la catastrophe. Ce livre donne accès à des informations stratégiques afin de permettre à la population d’anticiper les crises et donc de savoir comment bien réagir.

A qui s’adresse votre livre ?

L’effondrement concerne tout le monde. Le livre s’adresse aux maires car ils sont généralement le premier interlocuteur des citoyens en cas de crise. La population estime que ce dernier devait prévoir. La loi oblige le maire à prévenir les troubles à l’ordre public. Bien sûr, ce livre intéressera toutes les personnes qui voudraient mieux protéger leur commune.

Est-ce que les collectivités locales sont suffisamment préparées face aux risques d’effondrement ?

Absolument pas. L’ensemble des communes sont vulnérables car dépendantes de l’extérieur pour leur alimentation. L’acheminement de la nourriture se fait sur de longues distances grâce aux énergies fossiles bon marché. La France importe 98 % de son pétrole. Une crise géopolitique dans le détroit d’Ormuz ou une cyberattaque peut se répercuter sur l’approvisionnement alimentaire de millions de personnes.

L’effondrement concerne tout le monde.

Alors que de nombreux maires de petites communes envisagent de ne pas se représenter car sur-sollicités, n’est-ce pas leur en demander trop que de se préparer au pire ?

Non. Le maire seul ne peut pas parer à toutes les problématiques de la sécurité civile sans la participation de la société civile. La loi 2004-811 dite de modernisation de la sécurité civile l’a compris. Les administrés ont aussi une responsabilité dans la préparation face aux risques. Par exemple, la mairie met à leur disposition le document d’information communal sur les risques majeurs (DICRIM) qui explique comment se comporter en cas d’accident majeur. S’ils l’ont lu et le connaissent, ils savent que, en cas de catastrophe, il ne faut pas se précipiter pour aller chercher les enfants à l’école afin d’éviter les bouchons près de l’établissement. Encombrer les routes entrave l’action des services de secours compétents.

Et, en ce qui concerne un danger d’effondrement alimentaire ?

Je ne pense pas que c’est accabler de trop de responsabilité les maires en leur demandant de prévoir de la résilience alimentaire. J’invite tout le monde à regarder le DICRIM pour comprendre ce qui est prévu, ce qui peut réellement fonctionner dans les plans d’interventions prévus et ce qui relève de la farce opérationnelle. Je pense notamment à la réquisition des supermarchés et autres réfectoires car ils dépendent dans la majorité des villes de l’approvisionnement externe. Que se passe-t-il si les communications et les transports restent coupés trop longtemps ? À la suite de ce constat, les administrés demandent à pouvoir disposer de quoi s’alimenter localement.

Que peuvent concrètement faire les élus pour se préparer à un éventuel arrêt de l’approvisionnement en nourriture ?

Ils peuvent développer l’agriculture locale, la permaculture ou encore les jardins partagés sur des terrains communaux. Plutôt que de bâtir Europa city, il faudrait mieux dédier ces terrains à la résilience alimentaire du Val-d’Oise. Mouans-Sartoux dans les Alpes Maritimes et Ungersheim dans le Haut-Rhin ont créé des régies agricoles communales pour embaucher des agriculteurs qui produisent sur place la nourriture de leurs cantines. Cette première étape doit être le fruit d’une codécision entre les élus et la population. Aujourd’hui, Ungersheim est capable nourrir toute sa population de 2300 habitants.

Quels sont les avantages d’une telle démarche ?

Ce type d’initiatives renforce la sécurité de la commune en cas de crise, réduit aussi la dépendance aux énergies fossiles avec un résultat positif pour le climat, favorise l’emploi local et inspire d’autres collectivités. En France, seule une dizaine de communes sur 36 000 sont vraiment exemplaires.

En France, seule une dizaine de communes sur 36 000 sont vraiment exemplaires.

Les élections municipales approchent. En plus de l’écologie, la préparation à l’effondrement peut-elle être un thème de campagne porteur ?

Oui, plusieurs évènements récents posent la question de la protection et incitent à penser aussi le long-terme. Comment pouvons-nous croire les promesses d’être protégés demain si rien en prouve aujourd’hui que nous le sommes bien ? Après l’incendie de l’usine Lubrizol à Rouen (Seine-Maritime), les citoyens ont constaté que le gouvernement mise plus sur la communication que sur le principe de précaution. Le passage dévastateur de l’ouragan Irma à Saint-Martin a montré qu’en cas de crise majeure les autorités peuvent se retrouver totalement désorganisées.

Qu’en est-il de la question du budget ?

La question du coût est un faux débat. Mouans-Sartoux et Ungersheim ont prouvé que ça ne revenait pas plus cher. Dans ces communes, les impôts locaux n’ont pas augmenté. Leurs maires ont même mis en place des formations pour montrer que c’est possible sans avoir besoin de budgets colossaux. À Langouet, en Ille-et-Vilaine, la facture électrique diminue depuis que la ville s’est engagée dans la voie de l’autonomie énergétique grâce au solaire.

Comment convaincre les administrés de s’engager vers la transition écologique et de se préparer à l’effondrement ?

Les gens ne se soucient pas de la catastrophe tant qu’elle ne survient pas. Inutile donc de leur parler d’échéances, de toute façon, en collapsologie, il est difficile de déterminer une date. Nous essayons plutôt de leur faire prendre conscience des problèmes. Dès à présent, des transformations profondes de nos sociétés s’envisagent. Les solutions peuvent être mises en branle de suite et elles nous sauveraient tous.

L’effondrement n’est pas la fin du monde, c’est la fin d’un monde aux énergies fossiles peu chères.

Comment portez-vous ce message avec SOS Maires ?

Nous démontrons au travers de conférences ou de vidéos en ligne qu’il est facile de réformer la société afin de réduire l’impact de l’effondrement. Se préparer permet d’atténuer le choc de cet effondrement, voire même de retrouver du sens. C’est une manière de questionner la société de consommation. Sommes-nous pleinement accomplis dans cette société ? L’effondrement n’est pas la fin du monde, c’est la fin d’un monde aux énergies fossiles peu chères. Nous nous sommes aperçus que réinventer des modèles réenchante le monde et génère plus de bonheur. Les gens échangent des idées, se parlent, font des projets et des fêtes. Ces nouveaux phénomènes, le développement de l’économie régénératrice, du low-tech laissent entrevoir de belles sorties de crise.

Avez-vous un dernier mot ?

L’effondrement contribue à la prise de conscience. Nous sommes à la croisée des chemins, soit nous nous soucions de rien et allons alors vers un avenir chaotique à la « Mad Max », soit nous agissons et là tous les futurs deviennent possibles. Nous devons passer de la collapsologie à la résilientologie !

Propos recueillis par Julien Leprovost

Pour aller plus loin

L’effondrement, une idée popularisée par le géographe et biologiste  Jared Diamond

SOS Maires

En savoir plus sur les DICRIM

 

 

7 commentaires

Ecrire un commentaire

  • Merci de tout coeur pour cette lucidité pertinente, Alexandre !

    • Genevieve rouillé

    Très intéressant.. Chaque maire mais aussi chaque citoyen devrait avoir un exemplaire sur son bureau…

    • cautain

    SUPERBE INITIATIVE !!! je vais voir ca avec les deux maires ou je projette de vivre sur le canal du midi sur mon bateau .

    Le plus plus dur va rester a faire : sensibiliser ces maires pour qui l effondrement sera a coup sur une idée nauseabonde sectaire …. surtout si dirigées par le FN …….

  • Merci pour cet excellent compte-rendu d’entretien. Il met l’accent sur une manière constructive et pertinente d’aborder les risques d’effondrement. Je suis cependant surpris que seul le risque climatique ait été traité. Est-ce le cas dans l’ouvrage cité également ?
    Merci.

    • Villain

    Une mise au point qui vient à point nommé.
    Elle présente les perspectives qui s’offrent à notre civilisation.
    Nous devons aussi, mettre à bas les vieux dogmes financiers et sociaux parfaitement inégalitaires qui ont gangrené depuis quatre décennies nos sociétés en privant 99% des populations des outils qui auraient permis une évolution bien plus rapide vers une société de partage.

    • Henriette

    Les communes sont-elles prêtes, comme en Chine, à s’organiser une quarantaine face à une épidémie ?

    • lawl

    dommage que ce monsieur soit un complotiste. L’idée de départ était bonne mais pour l’avoir suivi il a dérapé…