Dans un texte sous forme de lettre ouverte à Emmanuel Macron, des signataires aussi divers qu’Anne Hidalgo, Bernard Stiegler, Cyril Dion ou Priscillia Ludosky appellent à « une démarche démocratique en trois étapes ». Ils sont prêts à prendre leur part pour « dessiner ensemble un chemin » pour sortir de la crise du coronavirus.
Plusieurs maires de grandes villes, des présidents d’exécutifs locaux et des personnalités publiques envoient une lettre ouverte à Emmanuel Macron, intitulée « Un scénario démocratique pour le ‘monde d’après' », dans cette tribune pour franceinfo. Ils proposent trois étapes pour un plan de relance « juste et durable » après la crise due au coronavirus : une phase de consultation citoyenne, puis la création d’un Conseil national de la Transition et enfin la création d’une Assemblée citoyenne du futur.
Monsieur le Président de la République,
Dans votre dernière allocution, vous déclariez : « Sachons, dans ce moment, sortir des sentiers battus, des idéologies. Et nous réinventer. Moi le premier. »
Nous les premiers, citoyens, associations, maires, présidents de régions et de départements, élus locaux, syndicats, entreprises, gilets jaunes, acteurs de la transition écologique, sociale et démocratique… sommes prêts à dessiner ensemble un chemin qui tire « toutes les leçons de cette crise ».
Nous souhaitons que ne soient pas refaites les erreurs du passé. Oui, l’urgence de la sauvegarde des emplois nous impose de réagir vite. Nous le comprenons. Mais, puisque les mesures pour sortir de la crise impacteront durablement les choix politiques à opérer, les investissements qu’elles nécessitent ne peuvent se décider sans concertation, discutés en trois jours dans un Parlement vidé de ses membres où trois représentants LREM possèdent à eux seuls la majorité absolue. Nous regrettons notamment votre décision de ne pas poser de conditions environnementales et sociales sérieuses à l’octroi de 20 milliards d’euros à la relance d’industries comme l’aviation et l’automobile, contrairement au Danemark, l’Autriche ou encore la Finlande.
Afin d’éviter que le climat, la biodiversité et la justice sociale ne fassent à nouveau les frais des premières actions de sortie de crise, nous vous demandons d’ores et déjà de prendre en compte les recommandations de la Convention Citoyenne pour le Climat. Ses 150 membres tirés au sort préconisent « que les financements mobilisés dans le cadre de la sortie de crise soient socialement acceptables, fléchés vers des solutions vertes et que les investissements se concentrent dans des secteurs d’avenir respectueux du climat ».
Pour sortir de la crise « dans la concorde » et inventer ensemble ce fameux « monde d’après », il est indispensable de dessiner un scénario démocratique impliquant le plus largement possible les citoyens, les territoires et la société civile organisée, comme vous y invitent d’ailleurs de nombreuses voix depuis le début de la crise, à l’instar du CESE, des organisations du Pacte du pouvoir de vivre, de réseaux d’entrepreneurs, de plusieurs partis politiques, jusqu’au président de votre conseil scientifique Covid-19.
Ainsi nous vous proposons, à vous, mais également à tous les acteurs agissant à l’échelle des territoires, et à l’ensemble des Français, une méthode démocratique pour élaborer un plan de relance juste et durable, puis un grand plan de transformation de la société, articulés avec ceux des territoires. Celle-ci s’articule en trois étapes :
1- Dès maintenant (au moins pendant la durée du confinement) : permettre à chaque citoyen de participer à construire le « monde d’après » en faisant entendre son point de vue et ses idées à travers des canaux de contribution divers. De nombreuses initiatives ont d’ores et déjà été mises en place à travers différentes plateformes en ligne et contributions collectives (d’ONG, de parlementaires, de syndicats). Nous défendons le principe d’ouverture des données récoltées, centralisées dans un espace dédié (par exemple, le site www.apresmaintenant.org).
Par ailleurs, nous préconisons que l’ensemble de ces contributions fasse l’objet d’une synthèse indépendante du gouvernement, afin d’en garantir l’exhaustivité, la sincérité, et valoriser la parole citoyenne. Cette synthèse pourra ainsi alimenter les délibérations organisées aux deux étapes suivantes. Pour encourager la participation d’une population la plus diverse possible, notamment des personnes en première ligne, des quartiers populaires et des plus vulnérables, nous invitons l’ensemble des associations concernées, les plateformes de consultation, les médias et corps intermédiaires du pays à diffuser et faciliter l’engagement au sein de ces initiatives.
Enfin, pour faire le lien entre la contribution en ligne et les dynamiques locales d’engagement, nous proposons à chacun de participer à la démarche proposée par Bruno Latour permettant d’établir des « gestes barrières à tout retour à la normale ».
2- A court-terme (mai-juin) : mettre en place des Fabriques de la Transition au niveau local ainsi qu’un Conseil national de la Transition. Nous avons la conviction qu’il faut partir des territoires, au plus proche des citoyens, pour concevoir des plans de relance juste et durable. Ainsi, nous proposons qu’au sein de tous les territoires, les acteurs de la transition (associations, conseils citoyens, conseils de développement, collectifs citoyens, entreprises, chercheurs, élus locaux, citoyens engagés, etc.) s’inscrivent dans une dynamique collective de « Fabrique de la Transition ». Leurs missions : définir des mesures de relance pertinentes à leur échelle (commune, intercommunalité, métropole…) et faire remonter au Conseil national de la Transition, si possible dès le mois de juin, les projets pour un plan de relance juste et durable au niveau national.
Pour ce faire, ils s’appuieront sur un référentiel et des outils communs. Le Conseil national de la Transition, dans l’esprit du « Grenelle » proposé par diverses organisations, aura une composition hybride (ONG, syndicats, entreprises, élus, citoyens) et donnera toute sa place à la parole citoyenne pour définir un plan national de relance durable, en respectant le principe de représentation des territoires. Le fonctionnement précis du Conseil national devra être défini avec ses parties prenantes et des experts de la participation citoyenne.
3- A moyen-terme (septembre) : préfigurer une Assemblée citoyenne du futur, comme imaginée lors du premier projet de réforme constitutionnelle sous l’impulsion d’organisations de la société civile. En attendant la possibilité d’une réforme constitutionnelle, nous préconisons que cette Assemblée reprenne la méthodologie de la Convention citoyenne pour le Climat. Sa mission: définir les grands principes d’un plan de transformation du pays, et établir des recommandations pour l’échelon européen, en vue de construire une société plus juste et plus résiliente. Nous proposons qu’elle soit composée uniquement de citoyens tirés au sort en s’appuyant notamment sur l’audition d’élus et de corps intermédiaires (associations, entreprises, syndicats, chercheurs et universitaires).
Nous demandons à ce que soit donnée à cette Assemblée citoyenne du futur une existence légale (à travers un vote du Parlement dès l’été 2020), afin de garantir sa légitimité et un débouché politique pour ses propositions. Une telle Assemblée citoyenne pourra être déclinée au niveau régional ou départemental par les collectivités volontaires. À terme, nous proposons que cette Assemblée citoyenne du futur soit entérinée par une réforme constitutionnelle et qu’elle ait un véritable rôle contraignant dans le processus législatif sur tous les sujets concernant le vivant et le long terme.
Elle répond aussi à la forte demande de participation citoyenne qui a émergé à l’échelon européen. Il serait souhaitable que la Convention sur l’avenir de l’Europe intègre les réflexions des citoyens européens sur le « monde d’après ».
Monsieur le Président, que vous suiviez ou non nos recommandations, nous commençons dès maintenant à mettre en place une telle démarche de notre côté. Ainsi, une alliance d’acteurs institutionnels, citoyens, économiques, environnementaux et sociaux est d’ores et déjà engagée dans cette dynamique de transition démocratique. Alors que certains territoires préparent des plans de relance et de transformation avec les citoyens, d’autres travaillent à la mise en place d’un Conseil national de la Transition regroupant des personnalités aux compétences diverses reconnues, et à même d’imaginer le « monde d’après » et de mettre en place l’Assemblée citoyenne du Futur. Enfin, la Commission nationale du débat public s’est, de son côté, déclarée disposée à accompagner l’ensemble du processus que nous proposons.
Dans le sillon de ces pionniers, nous profitons de cette lettre ouverte pour lancer un appel aux autres collectivités, associations, syndicats, entreprises et citoyens qui, comme nous, considèrent que le « monde d’après » ne peut pas se décider sans les territoires et sans les citoyens ; toutes celles et ceux qui considèrent que la société de demain doit être plus transparente, participative et coopérative ; toutes celles et ceux qui sont convaincus que c’est par plus de démocratie que nous réussirons à sortir grandis des crises économiques et sanitaires qui nous ébranlent : rejoignez le mouvement ! Créez ou ravivez vos Fabriques locales de la Transition. Intégrez ou soutenez le Conseil national de la Transition pour imaginer un « monde d’après » plus juste, plus résilient et plus heureux. Cette crise est une épreuve difficile, ayons l’audace d’en faire une opportunité, en faisant collectivement les bons choix !
Des élus de tout bord, des représentants associatifs, des chefs d’entreprises, des têtes de listes aux municipales, des intellectuels, des personnalités publiques, des citoyens… soutiennent ce scénario démocratique pour construire le monde d’après. Parmi eux, notamment :
Élus : Nathalie Appéré (maire de Rennes), Patrice Bessac (maire de Montreuil), Vanik Berberian (président de l’AMRF), Damien Carême (eurodéputé), Jean-François Caron (maire de Loos-en-Gohelle, Fabrique des Transitions), Guillaume Delbar (maire de Roubaix, vice-président de la Métropole Européenne de Lille, vice-président de la Région Hauts-de-France), Carole Delga (Présidente de la Région Occitanie), Charles Fournier (vice-président de Région Centre-Val de Loire), Anne Hidalgo (maire de Paris), Mathieu Klein (président du Département de Meurthe-et-Moselle), François-Michel Lambert (député des Bouches-du-Rhône), Matthieu Orphelin (député du Maine-et-Loire), Bertrand Pancher (député de la Meuse), Eric Piolle (maire de Grenoble), Johanna Rolland (maire de Nantes), Jo Spiegel (maire de Kingersheim), Nicolas Thierry (vice-président de la Région Nouvelle Aquitaine), Marie Toussaint (eurodéputée, fondatrice de “Notre affaire à tous”), Cécile Untermaier (députée de Saône-et-Loire).
Société civile : Amandine Albizzati (présidente directrice générale d’Enercoop), Yann Arthus-Bertrand (auteur et réalisateur, président de la Fondation Good Planet), Jean-Louis Bancel (président du Crédit Coopératif), Roland Berthilier (président de la MGEN), Loïc Blondiaux (professeur de sciences politiques à l’Université Paris 1), Dominique Bourg (philosophe et professeur à l’Université de Lausanne), Matthieu Dardaillon (fondateur de Ticket for Change), Isabelle Delannoy (auteure et conseillère stratégique pour une économie régénératrice), Cyril Dion (réalisateur du film Demain), groupe de travail “Assemblées Citoyennes” Extinction Rebellion, Catherine Flouvat (directrice d’Ashoka France), Guillaume Gibault (président du Slip Français), France Nature Environnement (Fédération française des associations de protection de la nature et de l’environnement), Claude Grivel (président de l’UNADEL), Thomas Huriez (fondateur de 1083), Mathilde Imer (co-présidente de Démocratie Ouverte), Emery Jacquillat (président de Camif et président de la Communauté des Entreprises à Mission), Jonathan Jérémiasz (président du MOUVES), Jessica Laik (déléguée générale de Tech for Good France), Hélène Landemore (professeure à Yale University), Claudy Lebreton (président de la Fédération des Arts Vivants et Départements), Axelle Lemaire (ancienne ministre), Corinne Lepage (ancienne ministre de l’environnement, ancienne eurodéputée et avocate), Priscillia Ludosky (Gilet Jaune et co-fondatrice de la Ligue Citoyenne), Claudie Miller (présidente de la Fédération des Centres Sociaux de France), Claire Nouvian (fondatrice de BLOOM), Éric Pliez (ancien président du Samu social de Paris), Audrey Pulvar (militante écoféministe), Pierrick de Ronne (président de Biocoop), Maxime de Rostolan (fondateur de Fermes d’avenir), Samuel Roumeau (président de Ouishare), Jérôme Saddier (président de l’AVISE et d’ESS France), Inès Seddiki (fondatrice de Ghett’up), Pablo Servigne (auteur et chercheur « in-terre-dépendant »), Yves Sintomer (professeur de sciences politiques à l’Université Paris 8), Bernard Stiegler (philosophe et président de l’Institut de recherche et d’innovation), Patrick Viveret (philosophe et essayiste), mouvement Youth For Climate France, Loïc Yviquel (fondateur d’Ulule), Léa Zaslavsky (co-fondatrice de makesense).
Contact et informations via democratieouverte.org/nous-les-premiers
Tribune #NousLesPremiers : élus, personnalités publiques ou citoyens, ils s’adressent à Emmanuel Macron pour dessiner le « monde d’après »
Publié initialement sur FranceInfo
5 commentaires
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Balendard
dommage pour l’Europe que je ne fasse pas partie de cette liste
quoi qu’il en soit force est de constater que l’énergie est au cœur de nos problèmes actuels
Ceci qu’il s’agisse :
– de l’économie pour réduire la dette
– du social pour atténuer la pauvreté
– de l’environnement afin que chacun d’entre nous vive dans un monde équilibré et favorable à sa santé comme le stipule notre constitution
voir
http://www.infoenergie.eu
Luis FRANCO
Plus des interventions militaires à l’étrangère , fermer toutes les industries guerres . Aucune violence ,gilet jaune, casseurs banlieux. Pacifisme
Michel CERF
Notre mode de vie doit changer pour toutes les raisons invoquées , toutefois rien ne peut se réaliser , se décider , sans l’ adhésion populaire et le respect de nos institutions démocratiques , hélas la crise des » gilets jaunes » a démontré les limites de la » démocratie » citoyenne avec son cortège d’anarchistes survoltés qui ont la l’âme révolutionnaire mais certainement pas la fibre écologique .
andré martin
« Les grèves et les manifestations étant difficilement imaginables dans les semaines à venir, la création rapide d’un Conseil National de la Transition est probablement le seul moyen d’instaurer un début de rapport de force politique crédible face à l’idéologie de la majorité macroniste et du MEDEF. En l’absence d’un rapport de force, la proposition d’EELV d’un « Grenelle du monde d’après » est aujourd’hui probablement prématurée. Par contre un « Grenelle du pouvoir de vivre » est incontournable. Pour faire face à l’explosion du chômage et à la baisse généralisée du pouvoir d’achat. Pour enclencher un processus de réduction drastique des inégalités… » Extraits de ma contribution à lire sur http://www.retraites-enjeux-debats.org/spip.php?article1492
Michel CERF
De la part de la FI le » pouvoir de vivre » se traduit par le pouvoir de détruire , nous en avons tous les jours la démonstration , cela me fait penser à cette exclamation : » la République , c’est MOI «