Depuis les débuts de la pandémie, certaines communautés indigènes du Panama ont réagi en recourant à l’agriculture et à la médecine traditionnelles. Un retour aux racines qui rend plus fortes ces populations souvent pauvres, isolées et vulnérables.
Alors qu’ils s’étaient détournés de l’agriculture au profit d’autres activités comme le tourisme, de jeunes amérindiens du Panama se sont remis à pêcher ou à travailler la terre depuis le début de la pandémie de Covid-19. C’est ce qu’a constaté le sociologue Jean Foyer, qui raconte un « certain retour aux fondamentaux » chez les Amérindiens du Panama dans un blog publié par l’institut des Amériques, Covidam (Le Covid dans les Amériques).
Dans ce pays d’un peu plus de 4 millions d’habitants, l’un des plus touchés d’Amérique latine, le confinement a été précoce et très strict (sortie uniquement pour les adultes et en alternance pour les hommes et les femmes, une heure seulement pour faire les courses, contrôles policiers fréquents…), rapporte Jean Foyer. Pour 500 000 Amérindiens (plus de 10 % de la population) qui vivent dans les quartiers populaires ou dans les Comarcas, ces territoires autochtones « plus ou moins autonomes », cela a signifié plus de solitude et plus d’indigence.
Certaines communautés se sont donc remises à cultiver la terre, ce qui a été salvateur. « Dans certaines régions cependant, les autorités locales interdisent l’accès aux champs et des récoles sont perdues ». Quant à la chasse, « le thème est plus délicat du fait des restrictions qui sont censées la réguler, [mais] on peut imaginer qu’elle connaisse aussi un certain regain. »
De même, alors que les services de soin sont précaires dans les comarcas et qu’il faut plusieurs heures de voiture ou de bateau pour atteindre des dispensaires plus importants, les Amérindiens reviennent à des pratiques de médecine traditionnelle. « Dans cette situation exacerbée par la peur du virus, les populations autochtones se tournent logiquement vers la médecine traditionnelle, non pas tant pour traiter les cas avérés de la maladie, de toute façon assez rares, mais pour donner sens à cette épidémie et tenter de la prévenir. Loin de n’être qu’une médecine par défaut, la médecine traditionnelle renvoie à un système d’interprétation du monde complexe encore très présent chez les populations autochtones du Panama. »
La crise constituerait-elle alors, et même ailleurs qu’au Panama, une opportunité de mise en valeur de leur culture pour les populations indigènes ? Pour l’ONU, « les communautés autochtones qui réussissent le mieux à résister à la pandémie de Covid-19 sont celles qui ont atteint l’autonomie, ce qui leur permet de gérer leurs terres et leurs ressources, et d’assurer la sécurité alimentaire grâce à leurs cultures et à la médecine traditionnelle », selon l’expert sur les droits des peuples autochtones, José Francisco Cali Tzay. Il estime qu’ « aujourd’hui plus que jamais, les gouvernements du monde entier devraient aider les peuples autochtones à mettre en œuvre leurs propres plans de protection communautaire».
En attendant, M. Cali Tzay a exhorté les gouvernements à veiller à ce que les communautés aient accès aux informations sur le Covid dans leur langue. Pour cela, les réseaux sociaux sont d’une grande aide. Sans eux, « on ne saurait presque rien de la situation des peuples autochtones aujourd’hui », confirme Jean Foyer sur le blog Covidam.
Mais les réseaux ne suffisent pas à faire circuler toutes les informations. Concernant les aides alimentaires par exemple, il est difficile de savoir si toutes sont parvenues à destination. De plus, au Panama, « quand celles-ci arrivent, tout le monde ne peut en bénéficier. Dans certaines communautés, le critère privilégié pour discriminer qui bénéficie ou non de l’aide est le matériau dans lequel est construite la maison : les possesseurs de maisons en bois (signe de pauvreté) peuvent en bénéficier, ceux de maisons en dur, non. Enfin, les sacs sont loin d’être suffisants pour nourrir une famille de quatre».
Enfin, l’ONU s’inquiète d’un effet collatéral au Covid. Dans certains pays en effet, « les consultations avec les peuples autochtones – ainsi que les évaluations de l’impact sur l’environnement – ont été brutalement suspendues afin de forcer la réalisation de mégaprojets liés à l’agro-industrie, aux mines, aux barrages et aux infrastructures ».
Sophie Noucher
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