Au Kenya, dans le Parc National Amboseli, 8 jeunes femmes Massaï forment depuis 2017 l’Équipe des Lionnes, la première unité entièrement féminine de rangers. La mission de ces écogardes : veiller à la préservation de la biodiversité dans ce parc national où les conflits entre êtres humains et animaux surviennent tandis que le braconnage sévit encore. Anastacia Sein Kupayi, l’une des 8 lionnes, le nom donné à cette unité de rangers, raconte son quotidien, la manière dont le coronavirus affecte son travail et l’opportunité qu’il représente pour les femmes dans une société massaï patriarcale.
« Un jour, durant une patrouille de routine, je me suis retrouvée au sommet d’un arbre. Nous avons croisé de manière soudaine un buffle sauvage. Il nous a chargées. Mon équipe et moi avons pris nos jambes à notre cou pour sauver nos vies, j’ai grimpé à un arbre », raconte Anastacia Sein Kupayi. Cette jeune recrue de l’Équipe des Lionnes. Les Lionnes sont constituées de 8 femmes de la communauté des Massaïs, elles travaillent en coordination avec les autres rangers du Parc National Amboseli au Kenya et sont soutenues par l’IFAW (Fonds international pour la protection des animaux) qui leur fournit notamment une formation, leur rémunération et le matériel dont elles ont besoin. Âgées de 18 à 26 ans, elles sont les premières à devenir rangers dans le parc Amboseli.
« Nous craignons plus les braconniers que les animaux », affirme Anastacia Sein Kupayi tout en confessant avoir été effrayée au début par les grands mammifères. En effet, aux dangers de la faune sauvage qu’elles doivent surveiller et protéger s’ajoute le risque de croiser des braconniers. Les Lionnes sont bien en première ligne sur le terrain, mais ces écogardes ne sont pas armées. « En cas de rencontre avec des braconniers, nous nous mettons d’abord en sécurité avant d’appeler des renforts. » En 2019, plus de 149 rangers sont morts dans l’exercice de leur mission dans le monde, rapportait l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature, à l’occasion de la journée internationale qui leur est consacrée le 31 juillet.
Au quotidien, la mission des écogardes consiste à signaler les activités suspectes ou illégales, à sensibiliser les communautés locales à la protection des animaux et à les surveiller. Parmi eux, les 2000 éléphants du Parc National Amboseli au pied du Kilimandjaro et à proximité de la frontière avec la Tanzanie. Leurs défenses sont recherchées par les braconniers. Le dernier cas d’éléphant braconné dans le parc remonte à novembre 2018. Toutefois, Anastasia précise : « les trafiquants emploient des locaux pour repérer les animaux ». Même si les pachydermes sont particulièrement surveillés, les autres animaux dont les gazelles, les zèbres, les girafes et les lions qui composent la faune locale ne sont pas en reste. Et la crise du coronavirus n’arrange pas la situation, puisque tous les revenus de l’écotourisme dans le parc se sont taris. L’écogarde explique les répercussions de la pandémie dans la région qui se traduit par une augmentation de la chasse: « à cause du virus, de nombreuses personnes ont perdu leur emploi et n’ont plus assez d’argent pour nourrir leur famille. Elles se tournent vers le braconnage pour se procurer de la viande de brousse. De plus, le coronavirus réduit nos contacts avec la communauté, nous manquons d’informations fiables sur ce qui se passe. »
Dans la communauté Massaï, où jusqu’à récemment, le rite pour devenir adulte consistait, pour les garçons seulement, à tuer un lion, c’est aussi une petite révolution puisque ces femmes s’émancipent grâce à ce métier. Anastacia explique : « être une femme et une ranger chez les Massaïs s’avère très difficile parce qu’ils considèrent les femmes comme des enfants. Ils pensent que cuisiner et prendre soin des enfants relève du rôle de la femme. Mais, maintenant, nous, les Lionnes, leur prouvons que nous pouvons faire le même travail que les hommes et avec les hommes. »
D’autres femmes massaïs seront bientôt formées afin d’agrandir les rangs des Lionnes au Kenya. Jacqueline Nyagah, représentant de l’IFAW en Afrique de l’Est explique la portée de la démarche : « enrôler des femmes permet de donner un modèle aux autres femmes. Elles prouvent aux jeunes générations qu’elles peuvent exister et accomplir leurs objectifs et saisir des opportunités au-delà des rôles genrés traditionnels. »
Julien Leprovost
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