L’épidémie de Covid-19 fait fermer de nombreux abattoirs à travers le monde, y compris en France. Les animaux auront-ils du répit ? Probablement pas, l’industrie de la viande n’est pas une industrie comme les autres, elle n’a pas de bouton d’arrêt d’urgence. Pour les animaux : pile tu meurs, face tu crèves. Brigitte Gothière, fondatrice de l’association de défense des animaux L214, propose son analyse.
Comment se fait-il que tant d’abattoirs soient des clusters à coronavirus ? En un siècle, les abattoirs n’ont pas beaucoup changé : travail à la chaîne, cadences infernales, excréments, sang, froid et humidité se côtoient. Lieux de souffrances, de terreur et de mort pour les animaux, les abattoirs sont aussi des lieux de travail terribles pour les ouvriers, aussi bien physiquement que psychiquement. A priori, cette concentration de malheur est un lieu bien accueillant pour le coronavirus.
Plusieurs clusters de Covid-19 ont fait leur apparition dans des abattoirs français avec plus de 100 employés infectés à ce jour. Les cas se multiplient également en Allemagne, en Espagne, en Irlande, au Brésil, au Canada et en Australie. Aux États-Unis, près de la moitié des clusters proviennent des abattoirs.
Des abattoirs ont fermé temporairement. Du répit pour les animaux ? Peut-être pour quelques-uns mais certainement pas pour l’immense majorité.
L’industrie de la viande ne gère pas les urgences
L’industrie de la viande est une machine qui fonctionne en flux tendu, c’est du travail à la chaîne sans bouton d’arrêt d’urgence. Une fois que les inséminations sont faites, les étapes se succèdent : naissance, engraissement, abattage.
En France, sur 3 millions d’animaux abattus chaque jour, 2 millions sont des poulets. Chaque jour, dans le même temps, 2 autres millions de poulets naissent dans les incubateurs des couvoirs pour les remplacer et subir le même sort.
83 % d’entre eux sont des poulets à croissance rapide : sélection génétique, nourriture, médicaments, bâtiments, tout est optimisé pour qu’ils engraissent rapidement. En 35 à 42 jours, ils sont prêts à être tués – soit 4 fois plus vite qu’en 1950. Ils ne sont pas en super forme, sont nombreux à boiter sévèrement, à avoir des problèmes cardiaques ou respiratoires. Mais ils ont les muscles très développés : leurs ailes, leurs cuisses sont prêtes à être consommées. Si leur vie doit se prolonger au-delà de la durée optimale pour l’industrie de la viande, leur santé se dégrade davantage, le « produit » se gâte.
Actuellement, aux États-Unis, comme des abattoirs sont fermés, des millions d’oiseaux sont « détruits » dans les élevages : on ferme les portes et on balance une mousse ou un gaz qui les asphyxie, rapporte The Guardian.
Pour les bovins – quel privilège –, il serait possible « d’attendre » la réouverture des abattoirs. Pour les cochons, la situation est du même ordre que pour les poulets et leur mise à mort dans les élevages tout aussi terrifiante : on peut couper la ventilation, les asphyxier au dioxyde carbone, leur fracasser le crâne à coups de masse ou leur mettre une balle en pleine tête.
Méthodes rapides et pas chères pour des bouches à nourrir devenues inutiles…
On appelle ça le « dépeuplement » : une expression insipide qui masque les abominations commises derrière les portes des élevages.
Avec les clusters qui se multiplient dans les abattoirs, on peut craindre qu’une situation similaire se produise en France et ailleurs dans le monde.
Ni l’urgence, ni l’avenir
Incapable de gérer l’urgence aujourd’hui, le modèle agricole majoritaire nous mène aussi droit dans le mur demain.
Condition animale, environnement, climat, gaspillage de ressources, zoonoses, antibiorésistance, revenus ou endettement des éleveurs, des pêcheurs ou des pisciculteurs, conditions de travail des ouvriers d’abattoirs et autres professionnels de l’industrie des productions animales : les raisons de modifier le modèle agricole et alimentaire sont nombreuses.
Seront-elles enfin entendues ? Rien n’est moins sûr, le lobby de la viande est très puissant. Actuellement, les politiques publiques nous encouragent timidement à agir pour préserver l’environnement : nous sommes invités à trier nos déchets, à prendre des douches plutôt que des bains, nos vélos plutôt que nos voitures. Aucun message ne nous invite à réduire notre consommation de viande, condition sine qua non pour sortir de l’élevage intensif qui enferme à l’heure actuelle 80 % des animaux en France.
Heureusement, chacun et chacune de nous peut agir, chacun de nos pas compte : diminuer, ou mieux arrêter, sa consommation de viande et autres produits animaux, c’est possible… et même délicieux !
Abattoirs clusters de Covid-19 : peut-on encore éviter une catastrophe ?
par Brigitte Gothière, Fondatrice de l’association de défense des animaux L214
Pour aller plus loin :
– La Face Cachée de Nos Assiettes : rencontre avec Brigitte Gothière, co-fondatrice de L214
9 commentaires
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kervennic
Certains vegans commencent a affiner leur rethoriques. Enfin ils ciblent l’industrie, c’est heureux. Mais si ils veulent vraiment changer la condition des animaux d’elevages (ils ne supprimeront pas l’elevage, a moins de supprimer le maraichage biologique qui est absoluement dependant de celui ci), ils faut qu’ils combattent enfin les regles d’abbatages qui justement ont ete dicte par les industriels et ont tué le petit elevage integré a la production vegetale. Quand j’etais gamin, on pouvait acheter de la volaille vivante au marché, aujourd’hui l’industrie a reussit pernicieusement a emettre des regles « sanitaires » qui favorisent les elevages concentrationnaires.
Michel CERF
Je ne vais quand même pas plaindre les ouvriers qui » travaillent » dans ces abattoirs .
Michel CERF
C’est très agaçant de toujours remplacer les mots français par des mots anglais , foyer est -il un gros mot ?
Christine Mayor
Merci pour cet article qui décrit enfin l’aberration et l’enfer sordide de la filière carnée!
Nathy78
Pour un éleveur, la vie d’un non humain n’a de sens que si et seulement si elle lui rapporte du fric. Ces tyrans font naitre des individus avec le seul objectif de les tuer. Et ces monstres s’étonnent d’être railles, rejetés et accusés d’être nuisibles. Eh oui s’entendre dire ses vérités par des semblables de plus en plus éveillés et évolués, ca pique. Il est normal de recevoir un peu du mal que l’on impose aux autres vivants.
Michel CERF
Bien dit Nathy 78 !
Alice Wégriaa
Je voudrais vous aider mais je fais déjà un don tous les mois à la SRPA de Cointe et à GAIA désolée.
Françoise Rostoker
Merci à L.214 pour le travail que cette association accomplit
Méryl Pinque
Les consommateurs de produits d’origine animale ont la mort des animaux qu’ils mangent et l’esclavage d’hommes et de femmes sur la conscience.
Payer quelqu’un pour faire le sale boulot qu’on ne veut pas faire soi-même, à savoir celui de tueur, et mettre en plus en danger sa santé en ces temps de pandémie, est une atteinte aux droits humains.