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Quelle place pour la publicité dans le monde de demain ?

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© RAP

Quelle place pour la pub dans le monde d’après ? Telle est la question posée par le rapport BIG CORPO. Encadrer la pub et l’influence des multinationales : un impératif écologique et démocratique publié ce mardi 9 juin. Signé conjointement par les Amis de la Terre France, de Résistance à l’agression publicitaire (RAP) et Communication sans frontières (CSF), en partenariat avec l’Observatoire des multinationales, ce rapport appelle à un encadrement plus strict de la communication commerciale au travers de 20 propositions. Renaud Fossard, membre de Résistance à l’agression publicitaire et auteur du rapport explique les nécessités d’une réforme du secteur de la publicité.

Quel est aujourd’hui le poids économique et l’impact écologique de la communication en France ?

Les dépenses de communication des entreprises en France atteignent les 46 milliards d’euros. La communication commerciale, c’est-à-dire avec pour but de vendre des produits, représente à elle seule 31 milliards d’euros. Le rapport BIG CORPO confirme que ces dépenses sont liées au niveau de consommation globale de la population. De fait, plus les entreprises investissent en publicité et en marketing, plus la consommation sera élevée.

Jusqu’à maintenant, les marques disaient, ou bien on pensait, que la publicité servait à piquer des clients à une autre marque concurrente. En réalité, elle attire de nouveaux consommateurs sur les marchés, ce qui entraîne une surconsommation. Lorsqu’on sait qu’en France, l’automobile est le premier acheteur d’espaces publicitaires, on voit rapidement les problèmes écologiques soulevés.

Selon vous, quelle place doit avoir la publicité dans le monde d’après la crise du coronavirus ?

Elle trouvera toute sa place comme un secteur d’activité régulé par les pouvoirs publics et dans l’intérêt général. Il est normal que les entreprises puissent communiquer sur leurs produits, cela dit, il faut que le discours des entreprises soit régulé, que les outils qui permettent de véhiculer ces messages ne soient pas polluants, or les écrans éclairés qui se généralisent le sont. Et, il faut aussi que les espaces dans lesquels la publicité vient s’insérer soient aussi sous contrôle. Il y a une omniprésence des injonctions à consommer dans l’espace public. Personne ne peut l’éviter, y compris celles et ceux qui utiliseraient des bloqueurs de pub sur Internet ou qui ne liraient pas des médias publicitaires. C’est un enjeu économique et social de remettre à sa place la publicité. Aujourd’hui, le marché de la publicité est si important qu’il possède un impact déterminant sur le niveau de consommation, il faut donc le réduire.

Est-ce envisageable, étant donné que ces dernières décennies la publicité est passée de la voie publique à l’intime puisqu’elle se retrouve désormais sans cesse dans notre intimité via notre navigation Internet ou au travers de nos smartphones ?

La publicité sur Internet est devenue le premier poste d’investissement des entreprises devant la télévision.  En incluant le traitement des données qui permet d’établir des dispositifs de surveillance de toute la population pour ensuite cibler individuellement les annonces, les entreprises ont dépensé près de 6 milliards d’euros pour la publicité sur Internet. Derrière la structure économique d’Internet fondée en partie sur la publicité se cache un véritable enjeu de civilisation. Il regroupe la question de la place et du poids des géants de l’Internet que sont les GAFA (Google, Amazon, Facebook et Apple) et d’autres.

Face à ce poids économique, comment encadrer la publicité ?

Il faudrait renforcer la fiscalité sur le secteur. Actuellement, celle qui pèse sur le secteur se montre extrêmement faible, en deçà de 2,8 % et très hétérogène. Il existe une petite taxe sur les imprimés publicitaires, tandis que, en décembre 2018, le gouvernement a supprimé les dernières taxes sur la publicité audiovisuelle. Or, taxer produit des financements publics. Aujourd’hui, les dépenses publicitaires dépassent les 1300 milliards de dollars par an dans le monde, il serait peut-être temps de fiscaliser ce secteur qui nous conduit vers une surconsommation insoutenable afin de donner des moyens à d’autres politiques tournées vers la prévention ou l’indépendance des médias de voir le jour. Nous proposons d’élargir l’assiette en taxant le marketing et les promotions afin de faire passer les taxes propres au secteur à minimum 5 %.

Quelles sont vos propositions afin de réduire l’impact de la publicité ?

Il y a des urgences comme interdire les écrans publicitaires, les annonces pour les produits très polluants comme les 4X4 ou les produits de mauvaise qualité nutritionnelle. Il faut également réguler les discours car les entreprises peuvent inciter à la surconsommation sans la moindre retenue. L’auto-régulation du secteur ne suffit pas et a montré plusieurs fois ses limites. Les pouvoirs publics doivent empêcher non seulement les incitations à la surconsommation et au gaspillage, mais aussi lutter contre le blanchiment d’image quand une entreprise décrit un produit ou son activité de manière trompeuse.

Mais, comment faire pour les secteurs, dont les médias, qui dépendent en partie des revenus publicitaires ?

Il existe des médias indépendants sans pub, comme Mediapart ou Reporterre, et une autre partie qui dépend des recettes publicitaires avec un impact sur le travail des journalistes. Il ne s’agit pas, par des réformes économiques du secteur de la publicité, de mettre plus en difficulté les médias. En France, il existe le système des aides à la presse et la possibilité d’allouer une partie des recettes fiscales de la publicité pour soutenir les médias indépendants.

Un dernier mot, une autre communication est-elle possible ? Et dans quel but ?

Une autre communication est possible et doit advenir rapidement. Il est difficile d’envisager le monde d’après sans avoir comme préoccupation principale la crise climatique. Dans cette perspective-là, nous devons encadrer la communication et le discours d’influence des multinationales tout en redonnant de la force à d’autres formes d’expressions. Celles des médias indépendants et des associations, ils proposent des messages différents et des analyses intéressantes. En définitive, pour une autre communication, moins de place aux discours des entreprises, plus de place aux voix citoyennes.

Propos recueillis par Julien Leprovost

À lire aussi notre entretien avec Matthieu Ricard qui aborde la question de la place de la publicité dans nos existences

Infographie tirée du rapport Big Corpo Crédit ! Lucien Ledan – Communication d’utilité publique

2 commentaires

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    • Rozé

    La publicité doit être bannie ! Elle n’informe pas. C’est de la propagande et du matraquage ! La supprimer évitera d’inciter les gens à acheter toujours plus. De plus la publicité gaspille le papier, encombre les écrans de TV et nous inonde de spams, générant ainsi un gaspillage énergétique monstre. Enfin, vu le coût de la publicité, celle-ci est réservée aux entreprises les plus riches, ce qui crée une concurrence déloyale envers les PME et TPE; du coup, la relocalisation des entreprises est compromise. Pour toutes ces raisons, il serait sain de supprimer la publicité !

    • Michel CERF

    Il est illusoire de croire que l’on va supprimer la publicité , les consommateurs sont irresponsables et ils en redemandent , hélas .