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Yves-Marie Le Lay du Comité de soutien à Inès Léraud : « Les grands groupes agro-alimentaires font beaucoup de publicité dans ces journaux. Donc, la presse régionale ne veut plus parler des marées vertes »

Algues vertes

"Algues vertes dans les bouchots de la baie de Saint-Brieuc, Côtes-d’Armor, France (48°32’ N - 2°40’ O). © Yann Arthus-Bertrand. En Bretagne, la prolifération des algues vertes est liée à l’utilisation d'engrais de synthèse sur les exploitations agricoles, aux déjections des animaux sur les pâturages, et plus encore aux rejets des effluents d’élevages industriels (lisiers de porcs et fientes de volailles) qui sont épandus en excès sur les terres. Lessivés par les pluies et transportés par les rivières, nitrates et phosphates aboutissent en mer où ils favorisent la prolifération des algues – un phénomène baptisé eutrophisation. Ces algues (Ulva armoricana), dont le nom commun est laitue de mer, peuvent causer la mort de gros animaux comme des sangliers, des chevaux, voire des êtres humains lorsqu’elles se décomposent. Mais sur cette photo, elles ne posent pas de danger car elles restent en mer et sont bien vivantes. Ce n'est que lorsqu'elles s'échouent sur les plages qu’elles deviennent dangereuses. C'est en effet à ce moment qu'elles forment des dépôts épais à l'intérieur desquels elles entrent en putréfaction. La fermentation des algues dégage alors un gaz toxique, le sulfure d'hydrogène (H2S) –qui sent l'œuf pourri– et peut tuer par inhalation en quelques minutes. "

Yves-Marie Le Lay préside l’association Sauvegarde du Trégor. Militant écologiste impliqué sur le sujet des algues vertes, il est aussi l’un des protagonistes de la bande-dessinée documentaire d’Inès Léraud Algues Vertes : l’histoire interdite. Elle y dénonce notamment l’industrie agro-alimentaire bretonne et le manque de réaction des autorités locales face aux algues vertes. Pour son travail, la journaliste Inès Léraud a été accusée de diffamation. Yves-Marie le Lay est à l’initiative, avec Serge Le Quéau, d’un comité de soutien à la journaliste et pour la liberté d’informer. Ce sujet le concerne d’autant plus qu’il a publié le 19 mars son livre Algues Vertes, un scandale d’État, aux éditions Libre et Solidaire.

Pouvez-vous revenir sur les développements récents qui ont mené à la création du Comité de soutien à Inès Léraud ? 

Inès Léraud était attaquée en procès pour diffamation sur deux affaires différentes : l’une des affaires concernait un article qu’elle avait publié dans BastaMag, sur l’impact de l’agro-industrie et des pesticides en Bretagne. Elle énonçait des jugements concernant l’entreprise Chéritel. La deuxième affaire concernait Christian Buson, présenté dans la BD « Algues Vertes : l’histoire interdite » comme un scientifique au service de l’industrie agro-alimentaire. 

Inès Léraud a donc fait appel à Serge Le Quéau et moi-même, nous demandant de témoigner pour elle. Nous avons immédiatement répondu qu’un témoignage ne suffisait pas, qu’il fallait faire plus de bruit autour de cette affaire. Donc, nous avons travaillé tous les trois pour mettre en place ce comité de soutien. D’autres personnes se sont ensuite jointes à nous.

Vous avez collaboré au documentaire en bande dessinée qu’Inès Léraud a co-réalisé. Que pouvez-vous dire de son travail ? 

Justement, il était très facile pour moi de juger de la qualité du travail d’Inès Léraud, puisque j’étais un des personnages de sa BD. Donc, quand j’entends dire qu’elle mentirait, je ne peux que constater que ces accusations sont fausses. Mes paroles qu’elle a rapportées et les situations dans lesquelles elle les a présentées correspondent tout à fait à la réalité.

Qu’est-ce que la création de ce comité révèle de la capacité de la presse d’informer sur le sujet des algues vertes maintenant connu mais pourtant sensible ? 

Cela révèle quelque chose dont je parle dans mon livre, et sur lequel Inès a fait un travail en profondeur : les liens entre les Chambres d’agriculture, le syndicat majoritaire qu’est la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), les coopératives, les banques et les élus… Tout ce monde se côtoie et les décisions qui en ressortent vont essentiellement dans le sens de l’agriculture intensive hors sol. 

La presse régionale fait d’ailleurs partie de ce jeu d’intérêts croisés. Les grands groupes agro-alimentaires font beaucoup de publicité dans ces journaux. Donc, la presse régionale ne veut plus parler des marées vertes. Par exemple, l’année dernière, il y a eu des échouages considérables d’algues vertes dans la baie de Saint-Brieuc. Nous, les associations actives sur le sujet, avons été interviewées plusieurs fois par des médias nationaux, voire internationaux. Cependant, les médias régionaux ne nous ont pas contactés. De même, avant de publier sa BD, Inès Léraud avait fait une publication dans la Revue dessinée de planches qui ont ensuite été intégrées à son livre. Cependant, les médias régionaux n’ont pas repris le sujet, au début. Ce sont les médias nationaux qui l’ont d’abord relayée et faite connaître

On voit donc que l’omerta sur le sujet n’est pas terminée. Ce n’est pas la faute des journalistes : s’ils écrivent des articles trop dérangeants pour l’agro-alimentaire, les rédactions les mettront de côté.

Qu’est-ce que la création du comité de soutien va changer ? 

Les choses ont déjà changé. En effet, des journalistes à l’échelle nationale se sont emparés du sujet et ont signé la pétition. Cela a permis d’informer au niveau national sur le contrôle de l’information sur ce sujet. C’était déjà un premier succès. Nous avions d’ailleurs décidé que nous ne faisions pas seulement un comité de soutien à Inès Léraud, mais un comité en soutien à Inès Léraud et à la liberté d’informer.

La deuxième victoire repose ensuite sur le fait que cela a réveillé les journalistes locaux. Indépendamment du comité de soutien, des journalistes bretons ont créé un groupe dénonçant le blocage des sujets liés à l’industrie agro-alimentaire. Ils ont ainsi organisé une pétition pour la liberté d’informer sur l’agro-alimentaire en Bretagne.

Vous-même, subissez-vous ou ressentez-vous des pressions du fait que vous vous exprimiez sur le sujet ? 

On a subi quelque chose qui peut s’apparenter à des pressions de la part du Conseil régional de Bretagne. En effet, dans la tribune du comité de soutien parue dans Libération, nous évoquions les pressions que le secteur de l’édition peut ressentir. Nous utilisions l’exemple d’une maison d’édition qui avait refusé de traduire en breton la bande dessinée d’Inès Léraud de peur de perdre des subventions de la part du Conseil régional de Bretagne. Le Conseil régional s’est insurgé, démentant avoir refusé des aides. Or, nous n’avons jamais accusé le Conseil régional de faire pression sur la maison d’édition en question, mais avons cherché à dénoncer le climat d’auto-censure.

Une journaliste de France 3 a ensuite enquêté sur le sujet. Elle a interrogé les maisons d’éditions bretonnes, jusqu’à tomber enfin sur celle qui avait été sollicitée pour la traduction de la BD en breton. Son président a admis avoir eu peur de perdre des subventions, montrant que ce que le comité disait était fondé. Cela signifie bien qu’il y a une chape de plomb sur le sujet. 

Les plaintes contre Inès Léraud relèvent du même climat de pression. L’objectif n’est pas tant qu’elles aboutissent mais surtout de l’intimider.

Cela fait des décennies que l’on parle des algues vertes, où en est-on aujourd’hui ?

Cela fait 50 ans qu’il y a des marées vertes… Et combien de plans pour lutter contre ? Sur 8 plans Algues Vertes mis en place en Bretagne, aucun ne s’attaque à la réalité du problème. Pour qu’ils soient vraiment efficaces, il faudrait remettre en cause l’agriculture intensive sur seulement 7 % de la surface agricole utile bretonne. En effet, c’est à partir de cette petite part de la surface cultivée que les eaux de pluies se déversent dans des rivières, et ensuite dans des baies à marées vertes.

Pour qu’il n’y ait plus de marées vertes, il faudrait que ces rivières qui se déversent dans les baies à algues vertes présentent au maximum 10 mg de nitrates par litre d’eau. Pour cela, il n’y a qu’une solution : changer le modèle d’agriculture. 

Avez-vous vu des changements importants sur la question de la part du public, des autorités ou de l’agro-industrie ? 

En effet, les normes environnementales ont été durcies. En conséquence, le taux de nitrate a diminué, dans les rivières en général mais pas forcément dans les rivières à algues vertes, concernées par les plans algues vertes.

Avez-vous un dernier mot à ajouter ?

Il y a un sujet dont on ne parle pas assez quand on aborde les algues vertes. On reconnaît maintenant le problème économique et l’enjeu de santé publique. Mais, ça s’arrête là : jamais on n’évoque la catastrophe écologique que représentent les marées vertes. Or, des mois après une marée verte, toute la flore et la faune ont entièrement disparu, dans la zone concernée. C’est une atteinte grave à la biodiversité, due à la putréfaction des algues. Ainsi, des zones entières du littoral sont mortes, parfois même dans des réserves naturelles comme la Baie de Saint-Brieuc. C’est une vraie catastrophe pour la biodiversité. C’est ce que j’essaye d’ailleurs de mettre en avant dans la préface de mon livre. 

Propos recueillis par Adèle Tanguy

 

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Un commentaire

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    • Méryl Pinque

    Le véganisme est la solution au problème des algues vertes.